Nice-Matin (Cannes)

CYCLISME La “Wawa” mania  km avec une fracture

Le maillot à pois est la véritable révélation de ce Tour. Son coup de pédale, autant que sa jovialité ont fini de charmer le public. De qualités qu’ils avaient déjà quand il habitait sur la Côte d’Azur il y a deux ans

- Né le  octobre  à Hennebont (Morbihan).  ans. ROMAIN LARONCHE

Barguil me fait une très belle impression sur le vélo et en dehors. Il porte en lui la joie de vivre ». En une phrase, Stephen Roche a parfaiteme­nt résumé le ressenti de tous ceux qui ont suivi le Tour cet été. Pour les amateurs de vélo, Warren Barguil est un nom bien connu depuis longtemps. Le plus grand espoir du cyclisme tricolore depuis ses succès dans les courses Espoirs jusqu’à son Tour de l’Avenir victorieux en 2012. Pour le grand-public, le Breton a fait une entrée fracassant­e dans leur vie cet été. D’abord par ses exploits répétés en montagne, mais aussi par son sourire, sa simplicité, son élocution. Depuis ses débuts chez les pros, en 2013, Barguil n’a pas changé. Ses deux victoires d’étapes lors sa première Vuelta auraient pu lui faire tourner la tête. Pas le genre de la maison. Pour lui, le cyclisme est un jeu, une passion, plus qu’un métier. Pour progresser, le grimpeur avait décidé de s’installer, avec sa compagne Gabrielle, sur la Côte d’Azur, à Saint-Laurent-du-Var fin 2014. Il avait alors à peine 23 ans. Nous l’avions longuement rencontré dans sa cité d’adoption. Il en paraissait dix de plus. Son discours réfléchi, sa maturité étaient bluffants. “Wawa”, son surnom, pouvait aussi bien parler de vélo, que d’automobile, son autre passion, mais aussi de politique ou même de la situation de la presse écrite. Le jeune homme était loin d’être autocentré. Il s’intéressai­t aussi simplement que naturellem­ent à la vie autour de lui. L’attente grandissan­te le concernant, il la balayait alors d’un revers de la main. « Je ne me mets pas la pression. On peut me dire “tu es attendu au Tour” qu’est-ce que ça change ? Je ferai de mon mieux, si je n’y arrive pas, ce n’est pas la fin du monde. Certains ne vivent que pour le vélo, moi si demain il n’y a plus de vélo, j’irai travailler et vivre une vie normale. Mais je suis conscient aussi d’avoir la chance d’en vivre ». Ce détachemen­t, cette humilité, c’est un héritage familial. Son socle. Son oncle, Sébastien Mignon, est aussi son agent. Warren a du mal à vivre loin des siens. Quelques mois plus tard, nous l’avions retrouvé sur la Grande Boucle 2015. Il découvrait l’épreuve avec talent. A mi-course, il pointait au 10e rang. Il était le meilleur Français. Lors d’une journée de repos, nous l’avions rencontré à son hôtel. Il avait passé la journée avec ses proches, dans un climat tout à fait détendu. En conférence de presse, il était toujours le même. Pas du tout inhibé par la tension de la machine médiatique du Tour. «Ma réussite ? Je pense qu’elle est due au fait que je fais du vélo sans stress. C’est comme cela que ça marche. Je suis arrivé sur le Tour sans me mettre une pression importante. Pour moi, le vélo est un jeu et j’ai envie que cela le reste ». L’engouement qui grandissai­t autour de lui ne lui faisait pas peur. « J’aime bien le contact avec les gens, j’accepte les photos, les autographe­s. Quand j’étais petit, j’étais content quand un coureur s’arrêtait pour moi. Je ne reste pas dans le bus jusqu’au dernier moment ». Ce qui lui pesait plutôt, c’était l’éloignemen­t de son Morbihan natal. Dès juillet, Warren avait pris sa décision. Il quitterait Saint-Laurentdu-Var pour retrouver sa Bretagne en fin d’année. « Comme ça, il aura essayé et vu ce qui était important pour lui, disait il y a quelques jours son père Denis sur RMC. Sur la Côte d’Azur, il y avait des reliefs qui convenaien­t bien à ses capacités, mais il s’est vite rendu compte que le noyau familial était très important. Ça nous a fait quelque chose qu’il s’en aille, mais ce qui est très bien, c’est qu’il a pris cette décision de lui-même ». Sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour autant une fois de retour sur ses terres. En janvier 2016, lui et ses coéquipier­s sont percutés par une automobili­ste en stage en Espagne. Un choc violent dont il s’était sorti avec une fracture du scaphoïde, un genou salement touché et le moral atteint. Dans les mois qui suivent, les résultats ne sont plus tout à fait les mêmes. Certains commentair­es à son sujet le touchent. « Je ne me prends pas pour un grand champion, mais j’avais l’impression que j’étais redevenu un coureur lambda », dira-t-il après sa victoire en haut de l’Izoard. Barguil a mis quelques mois à digérer ce traumatism­e. Un temps nécessaire et logique surtout quand, comme lui, on n’a pas l’habitude Profession­nel depuis . Palmarès : vainqueur du Tour de l’Avenir , vainqueur de deux étapes de la Vuelta , e du général de la Vuelta , e du Tour , vainqueur de deux étapes et maillot à pois du Tour . Warren Barguil n’est pas simplement un coureur de talent. C’est aussi un homme de tempéramen­t. Bernard Bourreau, son sélectionn­eur de l’équipe de France chez les Espoirs, l’avait alors présenté comme ayant « du Virenque dans les jambes et du Hinault dans le mental ». Une étiquette lourde à porter à  ans. Cette comparaiso­n, le grimpeur l’avait gagnée après l’une de ses premières sélections. « C’était en Toscane. Après  km, je me casse le coude, mais je repars avec un bras de fourche cassé sur mon vélo. J’étais dernier du peloton, mais je voulais vraiment finir la course. Bernard me demandait de remonter des infos aux autres, ce que je faisais. Après l’arrivée, j’ai failli tomber dans les pommes et on m’a emmené à l’hôpital. J’avais fait  km avec une fracture du coude. Il a vu que j’étais un teigneux ».

de l’échec. Cet été, le grimpeur a retrouvé ses ailes mais surtout son tempéramen­t offensif. Au meilleur moment. Sur le Tour, l’épreuve qui l’a fait tant rêver. « Warren, il a toujours été fougueux, à l’attaque. Il n’a jamais aimé rester dans le peloton, détaille Rudy Molard, qui le connaît depuis les amateurs et le Tour de l’Avenir 2011, où ils s’étaient lancés dans une échappée à deux à 60 km de l’arrivée, d’une étape remportée en solitaire par Barguil. C’est sa manière de courir, il doit prendre du plaisir sur le vélo. Mais c’est aussi un garçon qui sait cibler ses objectifs », reprend celui qui partageait les sorties d’entraîneme­nt quand le Breton habitait la Côte d’Azur. Avec deux victoires d’étapes, un maillot à pois, le titre de super-combatif du Tour, du plus convivial et des éloges de tous les anciens, il a certaineme­nt été au-delà de ce qu’il imaginait. « Le voir gagner une étape, ce n’était pas une surprise, reprend Molard. Mais dans l’Izoard, il m’a quand même impression­né ». « Je suis au-dessus des nuages », disait-il il juste après ce succès. Il a promis de « faire une grosse fête à la maison » pour profiter de ces moments dorés. Histoire de digérer et revenir encore plus fort. Car l’histoire d’amour entre le Tour et Warren Barguil ne fait sûrement que commencer.

 ??  ?? Une victoire à la pédale sur l’étape reine du Tour, en haut de l’Izoard, avec le maillot à pois sur les épaules. Barguil est entré par la grande porte dans le livre d’histoire du Tour. (Photo EPA/MaxPPP)
Une victoire à la pédale sur l’étape reine du Tour, en haut de l’Izoard, avec le maillot à pois sur les épaules. Barguil est entré par la grande porte dans le livre d’histoire du Tour. (Photo EPA/MaxPPP)

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