Gros plan sur la tour-monastère de Saint-Honorat
Frère Vincent raconte l’histoire particulière de cet édifice emblématique de Saint-Honorat, le 1er classé, qui a inspiré beaucoup d’artistes et fera l’objet d’une rénovation très bientôt
Initiée durant le Festival de Cannes , la candidature de Cannes au patrimoine mondial de l’Unesco, recentrée depuis peu sur les îles de Lérins est un processus long et complexe. Chaque samedi, vous retrouverez dans nos pages, une série d’articles destinée à présenter le travail réalisé et faire le point. Aujourd’hui, Frère Vincent adjoint du Frère cellérier, chargé du patrimoine de la communauté monastique de Saint-Honorat, revient sur l’histoire passée et à venir de la tour-monastère…
Voilà une tour qui, finalement n’a rien d’une tour… Par exemple, elle est particulièrement large. Pourquoi ?
C’est toute l’originalité de cette tour sur laquelle il y a eu beaucoup de plans et d’écrits. En fait, il y a bien une tour mais on ne la voit pas : elle est à l’intérieur. Les différentes modifications qui ont été réalisées se sont traduites par ces murs édifiés autour de la tour. L’évolution architecturale a transformé cette fortification basique du départ en un monastère. On parle ainsi de monastère fortifié ou de tour monastère. Je préfère l’appellation de tour monastère.
Pourquoi toutes ces modifications ?
La tour a été construite fin XIè sur un rocher. Le site a été choisi parce que, de ce côté de SaintHonorat, nous avons de grands fonds et que l’île est plus difficile d’accès. Malgré cela, elle a été souvent attaquée. D’où la nécessité de la renforcer. À un moment, le pape, qui avait entendu parlé de la menace pesant sur le monastère de Lérins par les Sarrasins, a appelé les chrétiens à secourir les moines. C’est ainsi que les laïcs ont investi les lieux et ont aidé à le rendre plus fort.
En échange d’indulgences, c’est ça ?
(Frère Vincent sourit) Le pape aurait promis des indulgences équivalant à un pèlerinage à Jérusalem. Le rayonnement de l’île était tel que l’on plaçait sur le même niveau Jérusalem et Lérins. Saint-Honorat était aussi appelée l’île aux Saints, je vous le rappelle…
Et cette tour, une tour monastère… Est-ce à dire que les moines l’ont habitée ?
Cette conception est vraiment très originale. En réalité, je n’ai trouvé cela nulle part ailleurs dans le monde. Au XIIIe siècle, la tour subit encore des modifications dans sa partie Est, elle est ainsi à son apogée. Puis au XVe siècle, on assiste à la dernière transformation avec le cloître. Quant aux moines, effectivement, ils ont habité la tour monastère pendant quatre siècles. Entre et . Ne me demandez pas pourquoi, c’est un mystère... On ne trouve trace d’aucune explication...
Mystérieuse, exceptionnelle encore une fois cette île…
Elle a inspiré beaucoup d’artistes : il y a un tableau de Joseph Contini exposé à la Castre, on a retrouvé des croquis de Victor Hugo, des toiles de Picabia… Je peux aussi vous dire que cette tour a été le premier monument classé historique des AlpesMaritimes. C’était en . C’est Prosper Mérimée qui avait poussé aux démarches.
Depuis la communauté a lancé un vaste programme de rénovation. Cette candidature pour l’Unesco viendra-t-elle en soutien de ce projet ?
Disons qu’elle est un argument supplémentaire. Mais nous avions lancé nos travaux bien avant… Notre projet avance. Nous espérons lancer les travaux en . Il faudra M€ et ans de travaux. Il s’agira d’une restauration complète de l’édifice, il faudra purger les ciments. Tout refaire à la chaux. Nous souhaitons d’abord rendre accessibles les caves de la tour car elles ne l’ont jamais été. Il faudra aussi traiter le cloître qui a subi une forte érosion. Réhabiliter la chapelle comme une vraie chapelle, etc… Et puis dans un second temps, nous envisagerons une valorisation numérique. L’idée étant de rendre les lieux pour accessible au public…