Nice-Matin (Cannes)

Commémorat­ions de Nice : les mots et l’émotion

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Brouiller les pistes, c’est presque une seconde nature chez Elsa Zylberstei­n. À première vue, le regard lointain et le sourire flottant de cette beauté froide font entrevoir un caractère distant, des manières d’aristocrat­e, qu’une élocution ciselée, sans doute héritée de sa formation théâtrale (elle a débuté aux Cours Florent) vient subtilemen­t compléter. Mais à la première question, les yeux d’un bleu glacier s’animent, la parole s’écoule avec ferveur, le corps s’exprime en gestes larges et chaleureux. Retour sur une route (l’actrice n’aime pas le mot carrière) éclectique, tracée par une femme qui sait ce qu’elle veut.

Vous avez participé au Festival des mots à Valberg. Quel est votre rapport à la littératur­e ?

C’est difficile de lire. Je n’ai pas aimé ça tout de suite. C’est un truc très particulie­r. Tu n’es pas en train de jouer, mais tu transmets une émotion, quelque chose qui est là, dans un instant, avec des gens qui te regardent. Il faut aimer le texte pour lire quelque chose. Au début du siècle, il y avait les salons littéraire­s. Aujourd’hui les gens ne lisent plus. Et quelque part, à travers ce festival, on revient un peu à ça.

Votre carrière est compliquée à décrire, entre films d’auteurs et comédies grand public. Qu’est ce qui guide vos choix ?

Il n’y a pas de calcul, pas de règle. C’est un rôle, un metteur en scène qui va me donner envie d’aller vers lui. Cette année, j’ai fait des grosses comédies, et en même temps je viens de tourner un film avec Roger Avary, qui a écrit Pulp Fiction et Reservoir Dogs. Je suis née avec le cinéma d’auteur, et j’aime ça. Mais il n’y a rien de vulgaire à aller vers un cinéma plus populaire, dans le bon sens du terme. Je trouve que c’est Elsa Zylberstei­n faisait partie des lecteurs qui, face à la tribune présidenti­elle, ont rendu hommage aux victimes en lisant un texte du Niçois Jean-Marie Gustave Le Clézio, écrit au lendemain de l’attentat. L’actrice, très émue, avait terminé son texte la voix tremblante. « J’étais très honorée d’avoir lu ce texte devant les présidents de la République, de rendre un hommage à ces gens qui ont perdu des leurs. Le texte de Le Clézio était magnifique. Mon passage était très fort, il évoquait les enfants

victimes. Je suis heureuse que Daniel Benoît [directeur du Théâtre d’Antibes] m’ait donné la chance de lire ce passage. C’est ça la lecture.Tu ne joues pas et en même temps… il y a le mystère de te dire que ça devient toi. Il faut que ça devienne comme tes mots. Il ne faut pas rester sur trottoir, il faut rentrer dedans. » Un moment intense donc, à l’image de ce 14 juillet si particulie­r : « C’était une journée extrêmemen­t bouleversa­nte. Comme une parenthèse, très chargée. Ce moment à Nice a été extrêmemen­t fort pour moi. Je trouve que c’était un bel hommage. Après ça ne fait pas revenir les gens… »

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