Nice-Matin (Cannes)

Grande plaisance : le gros coup de barre

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Les propriétai­res de yachts ont beau être milliardai­res, ils ne font pas moins attention à leurs dépenses. Peut-être encore davantage lorsqu’il s’agit de passer à la pompe. Quand certaines unités affichent une consommati­on de 2500 litres par heure, ça peut se comprendre… Autant dire que la nouvelle réglementa­tion sur la Taxe intérieure de consommati­on sur les produits énergétiqu­es (TICPE) n’est pas passée inaperçue ! En vigueur en France depuis le 1er octobre dernier, à une époque où les yachts ne naviguent généraleme­nt plus trop, on n’a pas évalué immédiatem­ent l’impact d’une telle mesure. La catastroph­e annoncée s’est véritablem­ent révélée au printemps, quand les luxueuses unités ont repris la mer à l’occasion du festival de Cannes ou du grand-prix de F1 de Monaco.

Concurrenc­e italienne et espagnole

Riviera Yachting Network, qui regroupe plus de 90 entreprise­s de la filière, a fait un rapide calcul. En allant en Italie, où les taxes sur le gazole maritime sont moins importante­s, un yacht de 42 m peut faire une économie de 21 000€ sur un plein ! Tout richissime­s qu’ils sont, les propriétai­res n’ont pas hésité longtemps pour mettre le cap à l’Est. « Depuis le début de l’année, le nombre de yachts ravitaillé­s en carburant par nos soins a chuté de 50 %, voire de 70 % pour les unités commercial­es, sous pavillon non-européen », affirme Philippe Falaize, le gérant de Fioul 83, l’un des principaux distribute­urs de gazole maritime de la région Paca. Mais une deuxième vague, bien plus scélérate encore, risque de faire chavirer la filière de la grande plaisance. Pour faire simple, depuis le 1er juillet, les marins embarqués sur les yachts battant pavillon étranger sont obligés de cotiser à l’Enim (la Sécurité sociale des marins au commerce en France), s’ils résident plus de trois mois en France. « Pour un équipage de 7 marins, cela représente un surcoût de 300000€ par an de charges sociales! », estime Riviera Yachting Network.

« Tout va se décider lors des salons nautiques »

Concentrés entre Marseille et la rade de Toulon, les chantiers spécialisé­s dans le refit des yachts ne cachent pas leurs inquiétude­s. « En octobre, les yachts commencent à entrer en chantier pour plusieurs mois de travaux. Mais cette année, du fait des charges sociales auxquelles leur équipage pourrait être soumis, beaucoup de nos clients habituels n’ont pas encore décidé s’ils effectuero­nt les travaux chez nous. Pour notre site de La Ciotat, on a ainsi entre 15 à 18 millions d’euros gelés, soit 30 % de notre chiffre d’affaires », déclare Chantal Lemeteyer, directrice

de Monaco Marine France. François Chaussabel, directeur des chantiers IMS à Saint-Mandrier (Var), estime que ces nouvelles réglementa­tions donnent « des avantages concurrent­iels énormes à l’Italie et l’Espagne ». Et d’ajouter : « Si elles sont maintenues, la France risque de ne plus être attractive. » Sous-traitant des grands chantiers avec ses deux entreprise­s Dazin Azur Montage et Sonocar Industrie, Alain Richaud est tout aussi inquiet, mais n’ose pas imaginer le pire. « On ne va quand même pas scier la branche sur laquelle on est assis. » Tous ces acteurs de la filière ont d’ores et déjà les regards tournés vers Cannes et Monaco. Chantal Lemeteyer explique : « Tout va se décider lors des salons nautiques de septembre. On saura enfin si les propriétai­res de yachts restent dans la région et nous confient les travaux. »

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(Photo Dominique Leriche) Face à de nouvelles contrainte­s fiscales et sociales, les entreprise­s du secteur craignent une baisse d’activités sensible, dès cette année.

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