Nice-Matin (Cannes)

Les anges gardiens de nos forêts

Depuis plusieurs semaines, Canadair, Tracker et Dash de la Sécurité civile sont dans le ciel azuréen et varois pour intervenir sur les incendies. Dix choses à savoir sur la tactique aérienne de lutte

- RAFAËL PERROT rperrot@nicematin.fr

La chaleur et la sécheresse qui sévissent dans notre région ont braqué les projecteur­s sur la flotte aérienne de la Sécurité civile qui multiplie les largages pour combattre les feux en région Paca et notamment dans le Var et les Alpes-Maritimes. Nicolas Daubert, chef du personnel navigant de la base de la Sécurité civile de Nîmes (Gard), lève le voile sur le travail des sauveteurs venus du ciel.

. Combien d’avions ?

Désormais basée à Nîmes, la flotte de la Sécurité civile dispose de 10 Canadair, 8 Tracker, 2 Dash et 3 Beach. Mais pour la période estivale, 2 Canadair sont stationnés à Ajaccio, 2 Tracker à Solenzara et 2 autres à Cannes-Mandelieu. Il faut environ 35 à 40 minutes pour que ces avions relient Nîmes à Nice en cas d’interventi­on et un Canadair dispose de 3 à 3 h 30 d’autonomie de vol.

. Quelle capacité ?

Un Canadair peut transporte­r 6 tonnes d’eau, un Dash 9,5 tonnes de retardant et un Tracker, 3,5 tonnes. En cas de décollage de Nîmes et d’interventi­on dans le Var ou les AlpesMarit­imes, les Canadair écopent dans le Rhône pour arriver pleins sur l’incendie.

. Qu’est-ce qu’un pélicandro­me ?

Les Tracker et Dash peuvent faire le plein de retardant notamment à l’aéroport de Cannes-Mandelieu : il faut 5 à 6 minutes au premier pour faire le plein et 10 secondes au second.

. Comment se fait l’écopage ?

Les Canadair peuvent écoper sur différents points d’eau douce intérieurs en région Paca (Rhône, lacs de Sainte-Croix, Saint-Cassien, Castellane...) et en mer, audelà de la bande des 300 mètres. Pour réaliser l’écopage, un Canadair a besoin d’une «piste» de 2 km de long, 100 m de large et 2 m de profondeur d’eau. Le Canadair effectue un premier vol de reconnaiss­ance sans toucher l’eau pour estimer la sécurité du plan d’eau. Puis, il se représente pour réaliser la prise d’eau. « En mer, l’écopage se fait toujours au-delà de la bande des 300 mètres, mais pour trouver un plan d’eau calme, il faut se rapprocher des côtes en tenant compte des vents et de la houle», précise Nicolas Daubert. Un arrêté de la préfecture maritime stipule que lorsqu’un Canadair fait un passage, les bateaux et autres embarcatio­ns doivent s’écarter de la zone d’écopage pendant trois heures. Parfois, une navette de la gendarmeri­e ou du CrossMed peut intervenir pour sécuriser la zone. Lors du feu de Saint-Cézaire, lundi, les Canadair ont effectué le remplissag­e sur le lac de Saint-Cassien dont le pont a été interdit à la circulatio­n par la gendarmeri­e afin de permettre les manoeuvres.

. On largue à quelle altitude?

« Pour un meilleur rapport efficacité/pénétratio­n, un largage s’effectue à 30 mètres du sol, explique Nicolas Daubert. Au-delà, il perd en efficacité. » Et les Canadair intervienn­ent en escadrille, derrière un avion leader, afin de faire «une attaque massive » de l’incendie. « C’est le nombre et la masse qui assurent l’efficacité du largage. » Mais, rappelle Nicolas Daubert, «un largage de 6 tonnes d’eau, ça tue. Un pilote est pénalement responsabl­e de son largage ». D’où les largages extrêmemen­t rares en zone urbaine ou péri-urbaine.

.Àquoi sert le retardant?

C’est ce produit de couleur rouge largué sur le couvert végétal qui n’a pas encore brûlé et dont les propriétés permettent de retarder et diminuer son inflammati­on. À la base, c’est un produit incolore, mélangé à de l’eau, auquel on ajoute de la bauxite de fer pour lui donner cette couleur qui permet aux pilotes de repérer quelle zone a été larguée. Généraleme­nt, les pilotes larguent le retardant de manière à créer un mur continu afin d’empêcher le feu de progresser.

. Qu’appelle-t-on guet aérien armé?

En période estivale, une partie de la flotte de la Sécurité civile fait le guet aérien armé. C’est-à-dire que du matin au coucher du soleil, ils volent continuell­ement pour assurer une surveillan­ce et pour une interventi­on plus rapide en cas de départ de feu. Ainsi, mardi 1er août, les Canadair qui ont rejoint le feu de Saint-Cézaire étaient déjà en interventi­on du côté du Vaucluse.

. Les Canadair volent-ils la nuit?

Non. « De jour, précise Nicolas Daubert, le risque est déjà important et dangereux, puisque nous intervenon­s dans des conditions dantesques avec des turbulence­s et des vents pouvant aller jusqu’à plus de 100 km/h. Intervenir de nuit serait suicidaire. En fait, les avions peuvent intervenir du lever du soleil jusqu’à la nuit aéronautiq­ue, c’est-àdire le coucher du soleil sur la zone à risque. »

. Combien de pilotes ?

L’effectif de la Sécurité civile atteint aujourd’hui 74 pilotes, tous masculins. Tous ont été pilotes de chasse pendant 17-18 ans et entament une deuxième carrière vers 35-40 ans. Il faut environ quatre à cinq années d’expérience pour un pilote de Canadair avant d’être parfaiteme­nt formé pour attaquer n’importe quel incendie. Un Canadair et un Dash nécessiten­t un commandant de bord et un copilote ; un Tracker, seulement un pilote.

. Faciliter leur mission

Les pilotes de Canadair sont de plus en plus confrontés à l’incivilité et l’imprudence de certains lorsqu’ils réalisent un écopage sur un plan d’eau. Bateaux, scooters des mers ou kitesurfs peuvent se retrouver sur la zone de prise d’eau. D’autres n’hésitent pas à prendre des risques et s’approcher au plus près pour regarder ou filmer la manoeuvre des avions. Nicolas Daubert n’a qu’un message pour eux : «Ne pas s’approcher. »

 ?? (Photo Franck Fernandes) (Photo Franck Fernandes) (Photo Franck Fernandes) ?? Un Canadair, suivi d’un deuxième, lors du violent incendie de Castagnier­s. Le Dash- ne largue que du retardant, car il est obligé d’atterrir pour remplir ses réservoirs Le Tracker doit, lui aussi, atterrir pour faire le plein de retardant.
(Photo Franck Fernandes) (Photo Franck Fernandes) (Photo Franck Fernandes) Un Canadair, suivi d’un deuxième, lors du violent incendie de Castagnier­s. Le Dash- ne largue que du retardant, car il est obligé d’atterrir pour remplir ses réservoirs Le Tracker doit, lui aussi, atterrir pour faire le plein de retardant.

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