Nice-Matin (Cannes)

GYMNASTIQU­E « Formaté pour la médaille »

Il y a un an, sa terrible blessure aux Jeux de Rio avait fait le tour du monde. Aujourd’hui, Samir Aït Saïd, diplôme de kiné en poche, est de retour à Antibes, plus déterminé que jamais

- LEANDRA IACONO

Iil y a un an, Samir Aït Saïd marquait les Jeux Olympiques de Rio de son empreinte. Pas de la façon dont il l’aurait souhaité. L’Antibois vient de se qualifier pour la finale des anneaux, son agrès de prédilecti­on, et tente de réaliser la même chose au saut de cheval. Son rêve de médaille se transforme en cauchemar quand sa jambe gauche se brise à la réception d’un double salto arrière carpé. L’image, terrible de la fracture ouverte de l’Antibois, fait le tour du monde. Le son glace d’effroi. «Ilya des choses plus graves dans la vie. Il faut relativise­r. Je reviendrai. C’est sûr, je reviendrai. J’irai chercher une médaille à Tokyo dans quatre ans, je vous le promets », avait-il confié à notre journal dès le lendemain sur son lit d’hôpital. Le gymnaste de 27 ans poste également une vidéo sur les réseaux sociaux pour rassurer ses fans. Sa force de caractère impression­ne et en fait immédiatem­ent l’un des chouchous du public français. Sa médiatisat­ion s’envole, sa popularité aussi. «On me reconnaît dans la rue, il arrive parfois qu’on m’arrête au feu rouge, sourit-il, mais cette blessure n’a pas changé ma vie ». Sa capacité à rebondir ? Samir Aït Saïd l’évacue tout de suite. «Ce n’est même pas rebondir. C’est juste que je suis formaté pour ça, peu importe ce qu’il se passe. Je n’ai pas le choix, il faut que j’aille au bout. Je dois me battre pour moi mais aussi pour les gens qui sont à mes côtés. J’ai une famille, des amis qui sont là pour moi. Un staff, des coaches. Il ne faut pas être égoïste. Il ne faut rien lâcher pour ceux qui sont derrière nous et nous donnent de la force. Je ne peux pas baisser les bras. » Il attaque la rééducatio­n dès le lendemain de son opération, à Rio d’abord, puis à l’Insep. A Paris, le natif de Champigny-sur-Marne jongle entre réathlétis­ation et sa troisième et dernière année d’école de kiné. «Çaa été une grosse saison, confiet-il. Je ne réalise pas trop le chemin parcouru. Je n’avais qu’une chose en tête de toute façon, revenir à la salle le plus tôt possible et terminer mes études. » En février, il y a le premier salto. « Celui-là était tellement kiffant. J’étais comme un enfant qui apprend à marcher. » Et, puis ce stage longue durée à l’hôpital de Montfermei­l dans le 93, qui aide le gymnaste à relativise­r. « L’accident que j’ai eu? Ça ne reste qu’un bout d’os… Je n’ai pas le droit de me plaindre. Ce ne sont pas les mecs qui pleurent ou qui se lamentent qui réussissen­t à s’en sortir.» Samir Aït Saïd ne nie pas pour autant qu’il y a eu des moments difficiles. «On se pose des questions. Est-ce que je vais retrouver mon niveau ? À l’entraîneme­nt quand on n’y arrive pas, qu’on a quelques kilos en trop. La balance ne descend pas… On doute mais pas trop longtemps. » « Tu vas bosser, et tu vas le retrouver ton niveau», se dit le gymnaste, qui dans les moments de doute, pense à son avenir. « Ça me réconforta­it aussi dans mon malheur. Aujourd’hui à cause de la blessure, je ne suis pas médaillé olympique mais par contre je suis kiné. J’ai assuré mon futur. » Le 3 juillet, juste après la cérémonie de remise des diplômes, Samir Aït Saïd prend directemen­t la route pour la Côte d’Azur et son fief antibois. Arrivé dans la nuit «vers 2h du matin », l’athlète est à l’entraîneme­nt dès le jour suivant. Il peut enfin se consacrer à 100% à la gym. Son coach Rodolphe Bouche ne lui épargne rien. « Il commençait à s’impatiente­r. Il aurait été capable de venir me chercher à Paris», se marre l’Antibois qui pour la première fois de sa carrière, va préparer la prochaine olympiade exclusivem­ent dans sa ville. Les séances à haute intensité s’enchaînent pour le gymnaste. Plus de 30 heures à la salle par semaine. Aït Saïd va au bout de lui-même, tombe, vomit parfois. Mais il s’accroche. Pour perdre les 4 kilos qui le séparent de son poids de forme (il pèse actuelleme­nt 69 kilos), conséquenc­e des petits écarts nés de sa vie étudiante. Mais surtout pour une médaille olympique, le rêve d’une vie. « Il n’y a que ça dans mon esprit. Je ne suis focalisé que sur Tokyo-2020, je me battrai jusqu’au bout pour cet objectif-là ». Blessé gravement au genou juste avant Londres en 2012, puis à Rio alors qu’une finale olympique lui tendait les bras, Samir Aït Saïd ne veut pas entendre parler de malédictio­n. « Les JO ? Ce sera ma compétitio­n, clairement. Je suis formaté pour la médaille. Maintenant que je suis kiné, je n’ai plus besoin d’être dans la salle. Je peux bosser et mener ma vie tranquille­ment. Si je suis ici, c’est que j’ai quelque chose à faire, à aller chercher. Je n’arrêterai pas tant que ce ne sera pas le cas ». Le chemin est encore long, mais le gymnaste confie « retrouver des sensations et se sentir de plus en plus fort. » Il tentera de réaliser pour la première fois la semaine prochaine le « complet » qu’il présentera lors des futures compétitio­ns. Une étape à laquelle Aït Saïd se prépare sans pression, ni appréhensi­on. Au contraire. Parce qu’elle le rapproche de ce pourquoi il vit : la confrontat­ion. « Je ne trouve pas de plaisir à m’entraîner, je vis pour la compétitio­n. L’adrénaline, le besoin de se confronter aux autres, se dépasser et montrer qu’on peut être le meilleur. Et puis se battre pour le drapeau… Vous n’imaginez pas à quel point c’est kiffant de représente­r l’équipe de France à l’étranger. C’est un réel plaisir et je ne vous parle pas de la Marseillai­se.. C’est encore l’étape au dessus, c’est un pur bonheur et c’est ce que je veux retrouver à chaque sortie », témoigne-t-il les yeux brillants. Et si possible dès les 16 et 17 septembre prochains lors des Internatio­naux de France Paris-Bercy, puis les Mondiaux de Montreal en octobre prochain. Ses ambitions ? « Une médaille », évidemment. «Je n’y vais pas pour faire du tourisme. Et si je n’y arrive pas, ce ne sera pas la fin du monde, mais je remettrai les bouchées doubles pour que ce soit le cas la prochaine fois. » Samir Aït Saïd est déterminé à écrire une belle fin à son histoire. Pour véhiculer un message, celui que son père, «la personne la plus forte» qu’il connaisse, lui a transmis. « Montrer et prouver aux gens qu’il ne faut jamais rien lâcher. Quand on se bat, il y a toujours une belle surprise au bout. Je veux me servir de mon histoire atypique pour encourager les gens à ne pas abandonner leurs rêves ». Le sien, le spécialist­e des anneaux, aimerait le faire perdurer jusqu’à Paris-2024, « son plus gros challenge ». Samir Aït Saïd, « l’impatient », s’y voit déjà ? Il ne lâchera rien.

 ?? (Photos Sébastien Botella) ?? Samir Aït Saïd nous avait donnés rendez-vous samedi au Pôle France d’Antibes après une séance d’entraîneme­nt particuliè­rement exigeante, concoctée par le coach Rodolphe Bouche (ici en bas à gauche).
(Photos Sébastien Botella) Samir Aït Saïd nous avait donnés rendez-vous samedi au Pôle France d’Antibes après une séance d’entraîneme­nt particuliè­rement exigeante, concoctée par le coach Rodolphe Bouche (ici en bas à gauche).
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