À Toulon, secrètes réserves d’Art
Entrer dans les réserves d’un musée, c’est suivre un maître des clés version moderne, bardé de badges et digicodes. Derrière la porte forcement blindée, un monde silencieux fait de charpentes et casiers métalliques renferme les trésors du musée d’art de Toulon. Brigitte Gaillard, conservatrice en chef, enclenche un bouton pressoir : 92 casiers hermétiques s’ouvrent, un à un, et révèlent ici des peintures anciennes, contemporaines, là des photographies, et encore des paysages, des portraits des XVIIIe et XIXe siècles. Le musée toulonnais est riche de cette grande époque provençale, héritage de legs et donations depuis 1857. «Souvent des notables donnaient des peintures, des artistes régionaux aussi », relève Brigitte Gaillard. On regarde, les mains dans le dos. On hume un air dont l’hygrométrie est contrôlée à distance. Pas la moindre odeur de vieux papier dans ce temple de la conservation. L’oeuvre la plus ancienne est un retable du XVe siècle, représentant Jésus et les apôtres. Au fil de l’eau et des décennies, la collection s’est constituée, puis étoffée via des histoires singulières. Les années 50 et leurs salons de peinture; l’année 1975 et la création d’un fonds photographique grâce à deux grandes dames, photographes et toulonnaises, les soeurs Theret. Les années 80 sont fastes pour l’art contemporain et Toulon brille nationalement en achetant 400 oeuvres picturales, 150 photos et une centaine de sculptures qui font encore la richesse de la collection. Mais l’époque des grandes acquisitions est révolue – il n’y a plus les budgets. « L’État nous demande de travailler sur la restauration et sur les réserves.» Fin 2012, après remise en état, 90 dessins anciens sont montrés au public pour la première fois. Ce que Brigitte Gaillard aime surtout, c’est « explorer des thématiques, en associant art contemporain et art ancien ». La richesse d’un dialogue inattendu. Le cahier de mouvement marque précisément la sortie et le retour de chaque pièce. Les 1 600 oeuvres en réserve habitent une partie du bâtiment du musée. À part Brigitte Gaillard, seules trois personnes peuvent y accéder sans autorisation. Sur la mezzanine, les meubles à dessins contiennent des centaines de planches, photos, gouaches… Sur une boîte protégeant une oeuvre d’Arman, un papier est scotché : « Attention, ne rien poser ! ». «Les réserves sont saturées», sait pertinemment la conservatrice qui travaille justement depuis des mois, sur le projet d’extension du Musée d’Art. En 2019, la réserve deviendra salle d’exposition et partira se nicher dans un autre lieu secret.