Le dur labeur des Gioanni à Saint-Isidore
Route de Grenoble, dans le quartier de Saint-Isidore, 14h45. Un soleil de plomb fait ployer les cultures de la famille Gioanni. Les feuillages des poivrons, des tomates, de certaines courgettes, sont flétris et grillés. Mais les légumes et les fruits eux-mêmes ne font pas peine. Beaux, gorgés de soleil, fruits du travail acharné de la famille de maraîchers, qui a dû redoubler d’ardeur en cette période de canicule. «Tout est très sec…», confirme Thomas Gioanni. «Il n’a pas vraiment plu depuis deux mois et demi… Quand on passe le tracteur, pour labourer, on arrive à 80-90 centimètres de profondeur. D’habitude, c’est toujours un peu humide… Là, pas du tout. Un été normal, on arrose une bonne fois dans la journée à n’importe quelle heure, et ça suffit… Là, arroser en journée, c’est gaspiller de l’eau. Parce que c’est sec en à peine une heure…»
Travail de nuit Alors Thomas et sa femme, Sophie, épaulés par leur fils, ont dû adapter leurs journées, et celles de leurs employés. «D’abord, on ne peut pas travailler entre 11 h et 15 h, c’est impossible… On passe le tracteur de nuit. Et puis on arrose le matin, entre 4 heures et 6 heures, ainsi que
le soir…» Une situation qui, outre l’effort de travail supplémentaire, engendre un coût financier plus élevé : «Par exemple, en ce qui concerne l’électricité, par rapport à un été classique, on a doublé
la facture ! » En cause, le fonctionnement plus récurrent de la pompe pour l’arrosage, et le fonctionnement accru des frigos et du camion frigorifique pour garder les légumes à une température correcte avant et pendant leur transport vers les étals de Sophie, à la cité marchande de Cagnes-sur-Mer. Et la difficulté ne s’arrête pas là: les prix ont baissé. «Le cours des légumes et des fruits est très bas, parce qu’une des conséquences de la chaleur, c’est que tout mûrit en même temps », indique Sophie Gioanni. Une aubaine pour le consommateur… «Surtout qu’une autre conséquence de ce beau temps et de la chaleur est que les fruits et les légumes sont délicieux cette année, très sucrés!»
Périodes «sans rien»
Sauf que le consommateur ne se réjouira pas longtemps: «Il y a des périodes où on se retrouve
soudain sans rien. On passe de 30 plateaux par jour, à0», indique Sophie Gioanni. Et Thomas de préciser:
«Parce que par exemple, pour les courgettes, le premier bouquet mûrit en même temps que le quatrième… On brûle les rotations. Et tout a un mois d’avance… » Et d’augurer déjà: «Pour la rentrée, pour ce qui est des tomates et des melons, on n’aura plus rien… Alors que d’habitude, on échelonne jusqu’à mi-octobre… On aura un trou dans la production.» Une année très dure, qui aura forcément, pour la famille, des conséquences financières. « Il a fallu semer trois fois les haricots, car les plants brûlaient…», se souvient Sophie. « Et puis beaucoup de courgettes ont avorté, des concombres ont brûlé, et des potimarrons ont même éclaté sous l’effet de la chaleur…» Pour l’avenir ? Ils ne sont pas inquiets. Car ils constatent que « la nappe phréatique n’a pas bougé». Une chance. Qu’ils s’emploient à ne pas gâcher. «On arrose, mais on ne lave pas la voiture, rien! On est à l’économie…» Pas inquiets, mais conscients que si ces épisodes de canicule et de sécheresse devaient durer, et se répéter d’année en année, ils devront s’adapter. Ils en ont l’habitude, et la volonté, surtout sur cette exploitation de trois hectares tout en agriculture intégrée. « Déjà, on ne fait plus les haricots grimpants Merrill l’été, seulement au printemps et en hiver. L’été on ne fait plus que des haricots bas…» «On utilise déjà de la parasoline, une poudre blanche qui opacifie les serres et réfléchit la lumière du soleil. Ce qui permet de maintenir à l’intérieur une certaine fraîcheur… Pour l’an prochain, on réfléchit à des solutions pour créer de l’ombre, un système de voiles… Mais c’est un investissement, ça se réfléchit… »