Nice-Matin (Cannes)

Émoi en Italie après une violente évacuation de réfugiés à Rome

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La violente expulsion de dizaines de réfugiés squattant un immeuble du centre de Rome a illustré cette semaine la nouvelle fermeté de l’Italie et les tensions liées à sa difficulté à intégrer les récentes vagues d’immigratio­n. Plusieurs centaines de personnes, essentiell­ement des militants de gauche et de nombreux réfugiés, ont manifesté hier après-midi dans la capitale italienne pour réclamer la fin de ces expulsions. «Notre seule faute est la pauvreté», proclamait une bannière. Selon plusieurs médias, le ministère de l’Intérieur prépare d’ailleurs une directive exigeant qu’une solution de relogement soit mise en place pour les plus vulnérable­s avant toute évacuation de squat. Ce n’était pas le cas le 19 août à l’aube, quand des policiers ont fait irruption dans un immeuble désaffecté illégaleme­nt occupé par quelque 800 personnes à deux pas de la principale gare de Rome, Termini. La plupart sont arrivées d’Érythrée ou d’Ethiopie il ya 5, 10 ou 15 ans, exhibent volontiers leur permis de séjour de réfugié et les enfants parlent italien avec l’accent romain. Elles ont eu 15 minutes pour faire leurs valises. Et jeudi, la police a dégagé à coups de canon à eau et de matraques les dizaines de réfugiés restés camper sur place, qui ont répliqué en jetant des bonbonnes de gaz et des pierres. Les images ont d’autant plus marqué en Italie qu’une vidéo a montré un responsabl­e de la police lancer: «Ceux-là doivent disparaîtr­e, tant pis pour eux. S’ils jettent quelque chose, cassez-leur un bras. » L’opposition de droite a applaudi cette fermeté à son goût trop tardive dans un pays marqué par des arrivées massives ces quatre dernières années, tandis que les défenseurs des droits de l’Homme ont dénoncé une démarche dans la lignée de la récente campagne contre les ONG secourant les migrants au large de la Libye.

« Comme des animaux »

L’Italie a enregistré plus de 350000 demandes d’asile depuis 2014. Et s’il reste encore des dizaines de milliers de dossiers en attente, la tendance est relativeme­nt stable : 40 % des demandeurs obtiennent un permis de séjour. Pour eux, un parcours d’intégratio­n de 6 mois est prévu avec cours d’italien, formations… Mais, par manque de place, beaucoup n’en bénéficien­t pas et se retrouvent livrés à eux-mêmes. Dans un pays où le taux de chômage des jeunes atteint 37 %, ils peinent à gagner leur vie, et ceux qui travaillen­t voient souvent les bailleurs refuser de leur louer un logement. «En Italie, on vit comme des animaux », déplorait un réfugié érythréen de 28 ans mercredi devant l’immeuble évacué, fulminant contre les règles européenne­s qui l’empêchent d’aller rejoindre des proches en Suède ou en Belgique. La maire de Rome, Virginia Raggi (Mouvement 5 étoiles, populiste), a dénoncé pour sa part une situation inextricab­le, fruit d’«années de négligence». Rome compte encore une centaine de bâtiments illégaleme­nt occupés, souvent sous la coupe de réseaux criminels percevant des loyers au noir, et «l’absence d’une politique nationale sérieuse [...] crée seulement une guerre entre pauvres», a-t-elle insisté. Les Érythréens de Termini ne sont en effet pas les seuls : plusieurs dizaines d’Italiens et de Latino-Américains expulsés en juillet d’un immeuble près des studios de Cinecittà campent dans l’entrée d’une église en face de la préfecture.

 ??  ?? Jeudi dernier, la police a dégagé à coups de canon à eau et de matraque les dizaines de réfugiés campant sur la Piazza Indipenden­za après avoir été évacués d’un squat mardi. (Photo MaxPPP/ZumaPress)
Jeudi dernier, la police a dégagé à coups de canon à eau et de matraque les dizaines de réfugiés campant sur la Piazza Indipenden­za après avoir été évacués d’un squat mardi. (Photo MaxPPP/ZumaPress)

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