Dame de coeur
Mireille Darc est décédée à Paris à l’âge de 79 ans. Une belle carrière, une longue liaison avec Alain Delon, des accidents de vie : quatre pages spéciales pour retracer un parcours exceptionnel qui l’a souvent menée sur la Côte d’Azur.
Très chers amis, J’ai une triste nouvelle à vous annoncer. Le petit coeur de Mireille si tendre, si beau, mais si fragile, s’est arrêté de battre ». C’est de cette manière délicate que l’architecte Pascal Desprez, qui partageait sa vie depuis une vingtaine d’années, a annoncé hier matin à ses amis le décès de son épouse, Mireille Darc. L’actrice emblématique des années 70, à la frange blonde et au sourire mutin, égérie de Georges Lautner et fantasme de plusieurs générations de Français depuis son apparition en robe Guy Laroche, ouverte jusqu’au bas du dos, dans Le Grand Blond avec une chaussure noire, s’est éteinte à son domicile, après des mois de bataille et plusieurs jours de coma. De santé fragile, elle avait survécu en 2016 à plusieurs hémorragies cérébrales et a dû lutter toute sa vie contre un coeur défaillant. Un souffle au coeur (« Ma faille secrète » disait-elle), diagnostiqué dès son plus jeune âge, l’a empêchée d’avoir des enfants et elle avait dû subir plusieurs interventions chirurgicales. « La Grande Sauterelle » – surnom que lui donnait Michel Audiard, dont Georges Lautner fera un titre de film célèbre – ne manquait pourtant de coeur, ni dans ses relations amoureuses (la plus célèbre, avec Delon, a duré 15 ans), ni dans ses engagements : elle était la très active marraine de l’association « La Chaîne de l’espoir » et elle a consacré plusieurs documentaires à des sujets de société touchant les femmes, comme la prostitution ou l’excision.
Née à Toulon
Née Mireille Aigroz, le 15 mai 1938 à Toulon, où ses parents tenaient une petite épicerie, l’actrice ne gardait pas un très bon souvenir de son enfance modeste, marquée par la révélation de sa maladie et par l’absence de son père biologique. C’est à l’école de Valbourdin qu’elle se souvenait pourtant avoir découvert sa vocation en déclamant un jour, à la demande de son institutrice, un poème de Ronsard. Elle entre au Conservatoire de Toulon et en ressort en 1957 avec un Prix d’excellence. Éblouie par Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme, elle se fait teindre en blonde et « monte à Paris ». C’est un autre Toulonnais, Gilbert Bécaud, rencontré dans le restaurant où elle travaille pour payer sa chambre, qui lui donne le nom d’une agent. Lorsqu’elle l’appelle, celleci cherche justement une remplaçante pour un rôle de soubrette au théâtre: après un essai concluant, Mireille décroche le rôle. Quelques autres figurations à la télévision plus tard, elle devient Mireille Darc et rencontre Georges Lautner qui lui propose le premier rôle féminin des Pissenlits par la racine. Elle y fait forte impression sur le public et sur le réalisateur, dont elle va devenir l’égérie. Après Rockie La Braise, il en fait la délicieuse Amaranthe des Barbouzes. Mais c’est dans une autre de ses films, Galia, qu’elle explose en 1965 en croqueuse d’hommes: le film fait scandale dans la France corsetée de l’époque et Mimi devient la presqu’égale de Bardot (qui dit avoir perdu sa « petite soeur de cinéma »). Après cette première incursion dans le drame, Mireille tournera même avec Godard (Week-end en 1967, un mauvais souvenir pour tous les deux). Mais c’est en blonde de comédie que le public la préfère.
Héroïne de feuilletons TV
Après Ne nous fâchons pas et Laisse aller... c’est une valse (Lautner toujours), elle triomphe en 1972 aux côtés de Pierre Richard dans Le Grand Blond avec une chaussure noire et continue d’enchaîner les rôles de mutine sexy, délurée mais jamais vulgaire. Seule fille admise dans la bande à Audiard, elle impose son style – nouveau pour l’époque – de garçonne sexy, tenant la dragée haute aux véritables « tontons flingueurs » que sont dans le privé les Ventura, Blier et consorts. Cela ne l’empêche pas de former pendant 15 ans un couple glamour et mythique avec Alain Delon. Rencontré sur le tournage de Jeff en 1968, Delon l’impose sur nombre de ses films de la décennie (L’Homme pressé, Mort d’un Pourri, Borsalino, Les Seins de glace…). Leur séparation (parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant) marque le début des années noires : elle est victime d’un grave accident de voiture et subit une première opération à coeur ouvert. L’actrice ne refera vraiment surface que la décennie suivante, triomphant à la télévision dans de grandes sagas estivales comme Les Coeurs brûlés, Les Yeux d’Hélène ou Terre Indigo. Le public, avec lequel elle a toujours gardé un lien d’empathie très fort, la plébiscite aussi au théâtre et c’est elle qui y ramène Delon pour une adaptation à succès de La Route de Madison. Ces dernières années, Mireille Darc se consacrait à l’écriture de ses mémoires, à la photographie et à la réalisation de documentaires de société. Ses engagements et sa carrière lui ont valu d’être faite officier de la légion d’honneur et commandeur de l’ordre national du mérite. Pas si mal pour une grande sauterelle au coeur fragile…