Nice-Matin (Cannes)

Liliane : « Nous étions deux Varoises dans son palais Zahia au Maroc »

- P. POLETTO P. P.

Toulon l’oubliée. Toulon, une page de son enfance tournée comme pour laisser derrière elle ses tourments de jeunesse. À Toulon, «Mimi» était brune aux cheveux noirs de jais. Par la suite, Mireille Darc sera blonde comme les blés. Après le décès de sa mère en 1993, Mireille Aigroz (son nom de naissance) avouera avoir du mal à revenir dans cette ville où elle est née un 15 mai 1938. Il lui faudra attendre des décennies pour faire un travail d’introspect­ion et évoquer dans des autobiogra­phies sa douleur de ne pas avoir été aimée par ses parents, par Gabrielle l’épicière, par Marcel le jardinier, mari trompé qui l’appellera toute sa vie « la bâtarde».

Chicago, Alain Delon et Marcantoni

Son refuge, elle le trouvera notamment auprès des filles de joie du port militaire. Auprès de celles qui distribuen­t de l’amour différemme­nt et auxquelles elle consacrera, bien des années plus tard, des reportages empreints d’une grande humanité. La longiligne adolescent­e issue d’un milieu très modeste sillonne aussi après guerre les ruelles de Chicago où traînent des marins en goguette. Ces mêmes artères fréquentée­s par un certain Alain Delon, habitué du Marsouin, rue des Savonnière­s, le bar exploité par le truand François Marcantoni. Marcantoni qui restera un fidèle parmi les fidèles.

« Au collège, nous étions très amies »

Élève appliquée, prix d’excellence en arts dramatique­s au Conservato­ire de Toulon en 1957, Mireille a su cacher ce début de vie tumultueux à ceux qu’elle fréquentai­t. À l’instar de la Gardéenne Yvonne Chabot-Delplace qui fut son amie au collège Tessé près de la place de la Liberté. « J’avais 14 ans et elle 16. C’était une fille charmante, souriante, qui rigolait sans cesse. Elle avait une diction parfaite. Savoir qu’elle était montée à Paris et la voir jouer la comédie ne m’a pas étonnée. Elle était faite pour cela. Quand j’ai découvert l’enfance qu’elle avait eue ici, j’ai été stupéfaite. Elle ne laissait rien transparaî­tre. Elle était tellement attachante. Je me souviens d’elle et de son sourire lorsque nous marchions avec des copains sur le cours Lafayette ». « Vous êtes de Toulon ? Moi aussi ! ». C’est en toute simplicité que Mireille Darc rencontre Liliane à Marrakech. Cette Varoise établie au Maroc va devenir proche de la comédienne. Elle sera celle à qui elle confiera durant près de neuf ans les clefs de sa magnifique propriété lovée dans la Médina, le Palais Zahia. C’est dans cette somptueuse demeure orientale que l’actrice vivra la fin de son histoire d’amour avec Alain Delon. « J’ai passé des années extraordin­aires auprès de Mireille », nous confie Liliane désormais revenue dans sa ville natale. « Elle était simple. Généreuse. Quand j’ai eu des problèmes de santé, elle s’est occupée de moi, elle m’a reçu chez elle à Paris. Elle était adorable avec le personnel qui s’occupait de son riad ». Le Palais Zahia était son refuge. « Elle s’y reposait. Elle préservait son intimité. Nous avions une relation de confiance, de confidence­s aussi ». Liliane n’en dira pas plus. Réunies de l’autre côté de la Méditerran­ée, les deux Varoises évoqueront toutefois rarement l’enfance et l’adolescenc­e de Mireille Darc. « Je savais qu’elle avait vécu des moments difficiles mais elle avait une telle force de caractère ! Elle ne se plaignait jamais ». Cette complicité entre Mireille et Liliane – « on se comprenait d’un simple regard, sans grande discussion »–se poursuivra bien après la vente de la propriété marocaine. « On a échangé nos voeux et pris des nouvelles jusqu’en , [période où Mireille Darc a été victime de deux hémorragie­s cérébrales]. C’était une femme exceptionn­elle. Elle était belle à tout point de vue. Elle est inoubliabl­e ».

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À Toulon, en , lors du tournage d’un reportage pour Envoyé spécial sur les moyens de rester jeune et belle après  ans. (Photo doc. Richard Barsotti)

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