Notre avis
Tahar Rahim humoriste ? Voilà un emploi auquel on n’aurait pas songé spontanément pour la révélation d’Un prophète, qui va bientot incarner Judas dans le Mary Magdelene de Garth Davis. Il est pourtant totalement crédible dans le rôle de Brahim, le jeune héros du deuxième film de Teddy Lussi-Modeste (Jimmy Rivière), dont la carrière de comique est sur le point d’exploser et qui ne sait pas comment annoncer à son frère (Roschdy Zem) qu’il ne veut plus de lui comme manager. Rencontré au Festival du film francophone d’Angoulême, où le film était présenté en avant-première, Tahar nous a parlé de ce rôle particulier, dans lequel on ne peut pas s’empêcher de reconnaître un certain Jamel Debbouze…
Brahim, c’est Jamel ?
Ce n’est pas du tout comme cela que Teddy (le réalisateur du film N.D.L.R.) m’a présenté le personnage. Et je n’ai pas pris modèle sur lui. Mais c’est normal qu’on y songe, parce que Brahim fait du stand-up. Si ça avait été un footballeur, on m’aurait probablement parlé d’Anelka. Si c’était un rappeur de Faudel. La problématique du film est transposable dans tous les métiers qui peuvent se pratiquer en famille. C’est ça qui est intéressant…
Ce pourrait être vous, alors ?
Non plus. Brahim fait preuve de lâcheté en ne parlant pas franchement à son frère et en laissant sa copine le faire à sa place. Je ne pense pas que cela pourrait m’arriver. Je n’ai pas, non plus, les mêmes rapports que lui avec la famille. La mienne m’a toujours soutenu et n’a exercé qu’une influence positive. Je l’en remercie pour cela, car quand on connaît un succès aussi rapide, il y a forcément un syndrome d’imposture Remarqué avec son premier film, Jimmy Rivière (l’histoire d’un jeune gitan champion de boxe thaï), Teddy Lussi-Modeste confirme les espoirs qu’on plaçait en lui, avec cette comédie dramatique très réussie, qui ressemble à s’y méprendre à un vrai-faux biopic de Jamel Debbouze. Remarquablement écrit et dialogué (en collaboration avec Rebecca Zlotowski), superbement mis en scène, le film offre de superbes rôles à Tahar Rahim ainsi qu’à Roschdy Zem et Maïwenn, tous épatants. La description de leurs rapports familiaux, amoureux et professionnels sonne juste tout du long et les problématiques liées à la célébrité, au succès et à la richesse soudaine pour des jeunes gens venus de milieux modestes sont particulièrement bien traitées. Comme le dit le jeune héros : « Échouer dans notre monde, c’est banal. C’est réussir qui pose problème »... doublé, en ce qui me concerne, d’une névrose de classe. Si, à ce moment-là, on n’est pas entouré d’un amour véritable, avec un regard juste et sincère sur ce que vous faites, on peut facilement se détruire.
Pour vous, c’est quoi le prix du succès ?
C’est le temps que je ne peux pas accorder aux gens que j’aime parce que je travaille trop et que je suis souvent parti. C’est le cas pour bien d’autres métiers, mais spécialement dans celui-là, car on part souvent plusieurs semaines en tournage. J’essaie de me rattraper en étant vraiment présent pour les miens quand je ne tourne pas.
Ce rôle, c’est presque un contre-emploi, non ?
Pas pour moi. Les gens qui me connaissent bien vous diront que, dans la vie, je suis plutôt rieur et bon vivant. Je vous accorde que c’est un aspect de ma personnalité que je n’ai pas trop eu l’occasion d’exploiter à l’écran jusqu’ici. Mais justement, j’étais en demande de ça. Je commençais à me lasser de n’être utilisé que dans la retenue. J’avais vraiment envie d’un rôle plus extériorisé. Plus Teddy me parlait du personnage, plus j’avais envie de le faire.
Au point d’avoir envie de faire du stand-up ? Peut-être pas, mais j’ai trouvé ça très chouette à tourner. Comme la scène de danse : je rêvais de faire ça. Pour moi, qui suis plutôt nerveux et agité, c’est beaucoup plus difficile de jouer des rôles en retenue.
Avec Roschdy Zem, vous avez trouvé un grand frère de cinéma ?
Des frères, j’en ai déjà quatre. Je n’avais pas besoin d’un de plus. Mais, bien qu’on n’ait jamais travaillé ensemble, on s’est tout de suite parfaitement accordés. Je respecte beaucoup l’acteur et la personne. On a eu un rapport naturel, c’était évident qu’on allait bien s’entendre.
Qu’est ce qui vous a amené à faire l’acteur ?
L’ennui. A Belfort, tout s’arrêtait à heures. La seule chose à faire, c’était d’aller au cinéma. J’y passais tellement de temps que j’ai fini par rêver de me retrouver sur l’écran. Le rêve est devenu une passion, je ne voulais rien faire d’autre. J’ai fait une licence de cinéma à Montpellier pour faire plaisir à mes parents, mais ce que je voulais c’était jouer. Je suis monté à Paris, j’ai beaucoup travaillé et j’ai fini par décrocher un rôle dans une série de Canal, La Commune. C’est là que Jacques Audiard m’a repéré pour Un prophète. Un vrai cadeau du destin. Notre avis : Un immigré Indien (Pitobash), perdu en France profonde, tombe par hasard sur un quincaillier célibataire, revêche et maladivement maniaque (Benoît Poelvoorde), qui accepte de l’héberger quelques jours. Malgré la différence de culture et de langage, ils vont apprendre à se connaître et à se comprendre… Scénariste des films d’Eric Lavaine (Incognito, Barbecue, Retour chez ma mère), Héctor Cabello Reyes s’essaie à la réalisation avec ce remake du film chilien El Chino, dans lequel Benoît Poelvoorde endosse un rôle de râleur à la Jean-Pierre Bacri. Pas trés original, ni très réussi, son film manque de rythme et de profondeur. Poelvoorde, en pilotage automatique, a rarement paru aussi peu investi. Dommage, car dans le contexte actuel, cette fable philosophique sur la différence, l’acceptation de l’autre et le poids du destin aurait pu faire mouche. PH. D.