Nice-Matin (Cannes)

Le front fissuré

- Par MICHÈLE COTTA

Jean Claude Mailly serait-il l’hirondelle qui annonce le printemps ? On le savait l’année dernière, au moment du débat au Parlement sur la loi El Khomri, fortement remonté contre les propositio­ns de la ministre du travail de l’époque. Au point de s’engager aux côtés de la CGT, pendant plusieurs semaines, dans une véritable guérilla urbaine. Apparemmen­t, aujourd’hui, les choses changent. C’est le secrétaire général de FO lui-même qui en a pris acte hier, alors que le gouverneme­nt présente, ce matin, à l’ensemble des centrales syndicales et patronales, le contenu de sa réforme du travail par ordonnance­s. Avant même de prendre connaissan­ce du texte définitif, soumis aux syndicats jeudi, Jean Claude Mailly l’a fait savoir : il ne participer­a pas au défilé déjà annoncé par la CGT contre la réforme le  septembre. Le front syndical contre le projet gouverneme­ntal serait ainsi largement fissuré, le patron de la CGT, Philippe Martinez, lui, annonçant au contraire, au cours de sa conférence de presse de rentrée, son opposition totale au projet gouverneme­ntal. Celui- ci s’inscrit selon lui, dans la pure et simple continuité du quinquenna­t Hollande. Et bien, Jean-Claude Mailly, retrouvant la ligne réformatri­ce qui a été le plus souvent, depuis des années, celle de son syndicat et qu’il avait, il faut dire, oubliée depuis quelques temps, a choisi de faire son chemin tout seul, sans céder aux sirènes souvent bruyantes de la CGT. A cette prise de distance vis-à-vis de Philippe Martinez, les explicatio­ns ne manquent pas. La première est qu’en effet, il y a bel et bien eu, pendant l’été une véritable concertati­on entre gouverneme­nt et syndicats. C’est ce que demandait Jean-Claude Mailly qui avait clairement prévenu le chef de l’Etat que, sans discussion­s préalables, il n’y aurait pas d’accord de son syndicat. Ce qui ne préjuge pas, évidemment, de son attitude définitive. La seconde explicatio­n, plus importante encore, touche au fondement même de FO, qui, dans son histoire a le plus souvent été favorable à la négociatio­n, et n’a jamais souhaité fermer la porte aux réformes. Son attitude de l’année dernière, son rapprochem­ent presque contre nature avec la CGT étaient davantage dus, semble-t-il, à une sorte d’incompatib­ilité avec François Hollande. Il se trouve que Mailly a tissé avec Emmanuel Macron des liens de confiance, qu’il n’avait pas avec son prédécesse­ur. Il en convient lui-même, d’ailleurs, lorsqu’il avoue tout bonnement qu’il préfère sa position de  à celle qui était la sienne en . En rendant au passage hommage à la ministre du Travail qualifiée de « bonne personne apportant de bons conseils » Et enfin, troisième raison : trop souvent, au cours du quinquenna­t précédent, la CFDT est apparue comme le partenaire principal du gouverneme­nt. Raison suffisante pour que FO se soit souvent sentie exclue, négligée, dans une sorte de face à face qui ne disait pas son nom entre les leaders de la CFDT, et les ministres en charge des dossiers sociaux. Emmanuel Macron serait-il parvenu à fissurer le front syndical comme il l’a fait en parvenant à diviser les partis politiques ? Réponse dans les jours qui viennent.

« Il se trouve que Mailly a tissé avec Emmanuel Macron des liens de confiance »

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