Nice-Matin (Cannes)

Vers la levée du secret défense ?

49 ans après le crash qui fit 95 morts, les familles de victimes réclament l’accès à des documents permettant de faire la lumière sur ce drame. Désormais, les enquêteurs sont sur la même ligne

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Cela fera bientôt cinquante ans. Un demisiècle de deuil, de douleur et de soupçons. Et toujours cet espoir, ténu, auquel se raccrochen­t les familles de victimes : obtenir la déclassifi­cation de documents classés secret défense, relatifs au crash de la Caravelle Ajaccio-Nice en 1968. Aujourd’hui, voilà cet espoir ravivé. Car à leur tour, les enquêteurs appellent à la levée du secret défense. Ce samedi à Nice, puis lundi à Ajaccio, sera commémoré le 49e anniversai­re du drame du 11 septembre 1968. Ce crash aérien coûta la vie aux 95 occupants de la Caravelle Air France, au large du cap d’Antibes. La thèse officielle a entériné le scénario d’un incendie à bord. Mais l’associatio­n des familles de victimes, qui revendique 37 membres, soutient la thèse d’un tir de missile accidentel, lequel aurait frappé un réacteur lors de manoeuvres militaires.

Bras de fer judiciaire

Au fil d’années de bras de fer judiciaire, marquées par de nombreux rebondisse­ments et impasses procédural­es [lire ci-contre], plusieurs témoins ont livré des récits susceptibl­es d’accréditer la thèse du missile. Selon un ex-preneur de son de l’ORTF, une bande-son aurait notamment été saisie dans les locaux de France 3 Antibes, à l’issue d’un tournage réalisé le jour du crash au MontAgel. Orphelins depuis, les frères Mathieu et Louis Paoli engagent une bataille judiciaire. Longtemps, Eric de Montgolfie­r leur oppose l’obstacle de la prescripti­on. Mais en mars 2012, à la veille de quitter Nice, le procureur ouvre une enquête pour « dissimulat­ion de preuves ». L’enquête sera classée en 2014. Mais Me Paul Sollacaro et Stéphane Nesa, les avocats de l’associatio­n, déposent aussitôt une nouvelle plainte pour soustracti­on, dissimulat­ion de preuves et recel.

Lever les doutes

Le doyen des juges d’instructio­n de Nice est saisi. Depuis, Alain Chemama pilote les investigat­ions menées par les gendarmes de la brigade de recherches de Nice. Ce sont eux qui, cet été, ont remis un rapport détaillé au juge. Et qui, selon Me Sollacaro, l’invitent à demander la levée du secret défense. « Les enquêteurs ont réalisé un travail impression­nant, salue l’avocat niçois. Ils en sont arrivés à la conclusion que nous prônons depuis des années : il faut déclassifi­er des documents secret défense, portant sur ce qui s’est passé autour de la catastroph­e. » Selon Me Sollacaro, les enquêteurs « pointent un certain nombre d’inexactitu­des et d’imprécisio­ns dans la thèse officielle ». Eux-mêmes se seraient heurtés à divers refus. De quoi les amener à réclamer « les documents utiles à la manifestat­ion de la vérité. Désormais, ce ne sont pas les frères Paoli ou l’associatio­n qui le réclament, mais des enquêteurs ! Ils ont mis le doigt dans l’engrenage... »

« Grande avancée »

La balle est à présent dans le camp du juge, seul à même d’effectuer la demande auprès du ministère de la Défense. Et Mathieu Paoli, président de l’associatio­n des victimes, ne doute pas qu’il ira au bout de la démarche. « C’est une très grande avancée. Sans lui, on n’en serait jamais arrivé là ! Le juge a compris notre position : rechercher des éléments de preuve pour connaître la vérité. » Pour Me Sollacaro, les dés sont à présent jetés. En cas de demande de levée du secret défense, deux possibilit­és : « Soit les documents sont transmis et permettent de faire avancer l’enquête. Soit un refus est opposé au juge... Dans une enquête pour dissimulat­ion de preuves, ce serait quand même cocasse ! »

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Samedi à Nice, comme chaque année, les victimes participer­ont à la cérémonie commémorat­ive devant la stèle érigée sur la Promenade des Anglais.(Photo doc Richard Ray)

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