Le premier opposant de Macron?
La rencontre n’a pas été annoncée à grands roulements de tambour. Pourtant, le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a rencontré discrètement hier à l’Assemblée nationale, le patron de la CGT, Philippe Martinez. Paradoxalement, entre les deux hommes, qui pourtant, chacun à sa manière, veut incarner une gauche populaire, l’humeur, depuis des mois, n’a pas souvent été au beau fixe. Chacun des deux leaders entend faire respecter son indépendance : la CGT, qui a si longtemps voulu démontrer qu’elle n’était pas la courroie de transmission du Parti communiste, ne veut pas aujourd’hui se laisser absorber par la France insoumise. Et Jean-Luc Mélenchon ne souhaite en aucun cas paraître comme un suiviste de la CGT. Même s’ils partagent, l’un et l’autre, la conviction que les ordonnances organisent le travail au rabais, la précarité et la domination des patrons, petits ou grands, sur les classes populaires. Pour autant, aucun des deux hommes n’est prêt à se laisser damer le pion par l’autre. La compétition entre eux est relativement simple : il s’agit de savoir lequel de deux sera le premier opposant à Emmanuel Macron. Du coup, si la CGT annonce depuis quelques semaines une grande manifestation contre les ordonnances le , Jean-Luc Mélenchon a, lui, appelé les contestataires à un autre rassemblement un peu plus tard, le . Après la rencontre d’hier, les positions se sont légèrement assouplies : le constat de la France insoumise et celui de la CGT sur
le contenu des ordonnances s’accordent, mais, a assuré Jean-Luc Mélenchon, le syndicat et le mouvement politique « analysent de la même manière les conditions de leur indépendance mutuelle » et admet même que leur double manifestation se complète. Comme lorsqu’il s’agit de cyclones, mettons que désormais, après leur rencontre d’hier, la compétition, réelle, entre Mélenchon et Martinez a été rétrogradée de la force à la force . Il n’en reste pas moins que, derrière sa revendication d’indépendance, la France insoumise entend bien profiter de la position, unique, qu’elle occupe aujourd’hui sur l’échiquier politique. Le Front national est discret, sans doute parce que sa présidente, Marine Le Pen, se remet à peine de son échec de l’entre deux tours. Les Républicains se consacrent à leur congrès prévu pour décembre, rejettent ceux d’entre eux qui se sont rapprochés d’Emmanuel Macron, et chacun de leurs leaders vise déjà la présidence de leur mouvement tout en s’interrogeant sur la ligne politique à suivre, droite dure, ou droite ouverte. Quant aux socialistes, ils tournent en rond, s’interrogeant sans fin sur ce qui a pu amener la social démocratie à un tel échec présidentiel. Le seul, sur les gradins de l’Assemblée nationale, qui peut s’enorgueillir d’une situation claire, d’un groupe parlementaire énergique et cohérent, c’est Jean-Luc Mélenchon, qui parle désormais comme s’il était le seul, en France, à incarner l’opposition au Président de la République. A vrai dire, aujourd’hui il n’a pas tout à fait tort, vu la faiblesse des autres. Mais pour combien de temps ? Sans programme alternatif crédible, Mélenchon peut s’épuiser vite.
« Sans programme alternatif crédible, Mélenchon peut s’épuiser vite. »