Nice-Matin (Cannes)

La justice saisit la villa à  M€ supposée appartenir à un oligarche

La villa Hier, un des joyaux du Cap d’Antibes, achetée officielle­ment 35 millions par un homme d’affaires suisse pourrait appartenir en réalité à un sénateur russe qui aurait déboursé quatre fois plus

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

En 1988, la villa Hier avait servi de décor au réalisateu­r Franck Oz pour tourner quelques scènes du film Le Plus Escroc des deux. Trente ans plus tard cette somptueuse propriété du Cap d’Antibes pourrait bien être au coeur d’une nouvelle carambouil­le financière, bien réelle celle-là. La villa Hier fait désormais partie du patrimoine de l’agence de gestion des avoirs criminels (l’Agrasc). La justice niçoise a en effet saisi, au cours de l’été, cette propriété évaluée à près de 150 millions d’euros. Du moins si l’on en croit certaines estimation­s. Car le prix réel de ce petit joyau du Cap, construit en 1951 par l’architecte Barry Dierks, semble bien difficile à établir avec certitude. Tout comme, d’ailleurs, l’identité de son véritable propriétai­re. Derrière un dédale de succursale­s monégasque­s de banques françaises et de sociétés luxembourg­eoises, la justice soupçonne, en effet, que se cache en réalité le milliardai­re Suleyman Kerimov. L’influent sénateur daghestana­is qui siège au conseil de la fédération de Russie, pourrait ainsi avoir multiplié les acquisitio­ns foncières sur la Côte d’Azur au travers d’un prête-nom suisse. Car, sur le papier, la villa Hier a été achetée par un homme d’affaires suisse, Alexander Stuldhalte­r. Celui qui se présente volontiers comme l’héritier d’une famille d’entreprene­urs ayant fait fortune dans l’immobilier est au regard de l’administra­tion française l’heureux propriétai­re de plusieurs biens sur la Côte d’Azur. Il possède déjà au Cap d’Antibes la somptueuse villa Medy Roc et ses 12 000 m2 de parc en front de mer, ainsi que ses plus modestes voisines, les villas Lexa et Florella. Le Suisse est ainsi en train de se tailler à coups de millions un Eden de plusieurs hectares à deux pas de la baie des milliardai­res.

 millions d’euros de dessous de table

Dernière acquisitio­n en date, la villa Hier lui aurait coûté 35 millions d’euros. Du moins officielle­ment. Car la justice soupçonne que le montant réel de la vente a largement été sous-évalué auprès du fisc français. Et pour cause, une enquête vise depuis 2014 un avocat antibois qui a participé à la transactio­n. Pris dans une affaire d’escroqueri­e et de blanchimen­t celui-ci était en fait sur écoute lors des négociatio­ns. Or, les intercepti­ons « Moi-même et ma compagne on s’est retrouvés avec les menottes », témoigne Stéphane. « Impossible d’avoir davantage d’informatio­ns. On a entendu du bruit. Les policiers nous ont fait sortir dans la rue. »

Des pétards dans une cour intérieure

« Ce type-là, depuis qu’il a emménagé, n’arrête pas d’embêter tout le monde », se plaint un riverain. Les détonation­s n’étaient en fait que de gros pétards qui ont explosé en pleine nuit dans une cour téléphoniq­ues laissent entendre que le prix réel de la villa Hier serait plutôt de 127 millions d’euros et qu’un colossal dessous de table de 90 millions d’euros aurait intérieure. « Le bruit a été amplifié par la configurat­ion des lieux. On pouvait réellement penser qu’un homme venait de tirer », confie un policier. À 8 heures, les forces de l’ordre quittaient les lieux, hormis les démineurs et les enquêteurs chargés de la perquisiti­on du studio. L’individu est en garde à vue. «Finalement, c’était un bon exercice de coordinati­on entre services. Et ça a plutôt bien fonctionné » ,se félicitait un officier du Raid. ainsi été versé directemen­t sur des comptes en Suisse. Le juge Alexandre Julien qui instruit ce tentaculai­re dossier financier s’est d’ailleurs rendu, il y a Pierre-Alain Mannoni, chercheur au CNRS, et ingénieur de l’Université de Nice Sophia Antipolis, vient de lancer une campagne de financemen­t participat­if via la plateforme GoFundMe, afin de récolter de quoi assurer sa défense. Le Niçois de  ans attend, ce lundi, la décision de la cour d’appel d’Aix. Il est poursuivi pour « aide au séjour et aide à la circulatio­n d’étrangers en situation irrégulièr­e ». Le sympathisa­nt de Roya citoyenne avait été relaxé par le tribunal correction­nel de Nice qui avait jugé qu’il avait agi pour « préserver l’intégrité et la dignité des personnes ». Mannoni risque, de nouveau,  ans de prison et   euros d’amende. L’universita­ire avait, en octobre , convoyé d’Italie trois Érythréenn­es et avait été interpellé à La Turbie. « Elles étaient blessées, d’ailleurs devant la cour d’appel j’ai fourni la déposition de l’infirmière qui atteste que l’une était brûlée au troisième degré et une autre avait la rotule fracturée », explique le chercheur niçois. quelques semaines, en Suisse pour en avoir le coeur net.

Le « neveu » de l’oligarche

Le magistrat a-t-il réussi à percer le secret bancaire helvète ? Pour l’heure le mystère reste entier. Tout comme celui qui entoure le véritable propriétai­re de la villa Hier. Plusieurs dizaines de policiers avaient déjà procédé à sa perquisiti­on, en février dernier, dans le but d’y trouver les preuves matérielle­s que le sénateur Kerimov en est le propriétai­re occulte. Des documents bancaires confidenti­els dont Nice-Matin a été rendu destinatai­re semblent en effet démontrer que le véritable ayant droit économique de la holding, le Swiru group, qui a acquis cette propriété du Cap d’Antibes (et les autres) au travers d’un montage de sociétés offshore n’est pas le Suisse Alexander Stuldhalte­r... Mais le propre « neveu » de l’oligarche russe Suleyman Kerimov. Pour autant, le sénateur du Daghestan nie faroucheme­nt toute acquisitio­n sur la Côte d’Azur. Il faut dire que sa déclaratio­n de patrimoine à l’administra­tion russe n’en fait pas état ! « Le jugement du tribunal de Nice était exemplaire. Ils avaient admis qu’il fallait que j’agisse pour ces trois jeunes femmes. » Pierre-Alain Mannoni espère que les magistrats d’Aix comprendro­nt, eux aussi, l’urgence humanitair­e. Et plaide : « La solidarité ne doit pas être condamnée ».

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(Photo Eric Ottino) Un homme ivre lançant des pétards en pleine nuit, a mobilisé les forces de l’ordre, hier vers  h , dans le quartier du Parc Impéral à Nice. (Photo C. Perrin) Pierre-Alain Mannoni avait été interpellé en octobre  à la Turbie, avec dans sa...
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La justice vient de saisir la villa Hier, au Cap d’Antibes, estimée à près de  millions d’euros. (Photo Denis Fuentes)

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