La justice saisit la villa à M€ supposée appartenir à un oligarche
La villa Hier, un des joyaux du Cap d’Antibes, achetée officiellement 35 millions par un homme d’affaires suisse pourrait appartenir en réalité à un sénateur russe qui aurait déboursé quatre fois plus
En 1988, la villa Hier avait servi de décor au réalisateur Franck Oz pour tourner quelques scènes du film Le Plus Escroc des deux. Trente ans plus tard cette somptueuse propriété du Cap d’Antibes pourrait bien être au coeur d’une nouvelle carambouille financière, bien réelle celle-là. La villa Hier fait désormais partie du patrimoine de l’agence de gestion des avoirs criminels (l’Agrasc). La justice niçoise a en effet saisi, au cours de l’été, cette propriété évaluée à près de 150 millions d’euros. Du moins si l’on en croit certaines estimations. Car le prix réel de ce petit joyau du Cap, construit en 1951 par l’architecte Barry Dierks, semble bien difficile à établir avec certitude. Tout comme, d’ailleurs, l’identité de son véritable propriétaire. Derrière un dédale de succursales monégasques de banques françaises et de sociétés luxembourgeoises, la justice soupçonne, en effet, que se cache en réalité le milliardaire Suleyman Kerimov. L’influent sénateur daghestanais qui siège au conseil de la fédération de Russie, pourrait ainsi avoir multiplié les acquisitions foncières sur la Côte d’Azur au travers d’un prête-nom suisse. Car, sur le papier, la villa Hier a été achetée par un homme d’affaires suisse, Alexander Stuldhalter. Celui qui se présente volontiers comme l’héritier d’une famille d’entrepreneurs ayant fait fortune dans l’immobilier est au regard de l’administration française l’heureux propriétaire de plusieurs biens sur la Côte d’Azur. Il possède déjà au Cap d’Antibes la somptueuse villa Medy Roc et ses 12 000 m2 de parc en front de mer, ainsi que ses plus modestes voisines, les villas Lexa et Florella. Le Suisse est ainsi en train de se tailler à coups de millions un Eden de plusieurs hectares à deux pas de la baie des milliardaires.
millions d’euros de dessous de table
Dernière acquisition en date, la villa Hier lui aurait coûté 35 millions d’euros. Du moins officiellement. Car la justice soupçonne que le montant réel de la vente a largement été sous-évalué auprès du fisc français. Et pour cause, une enquête vise depuis 2014 un avocat antibois qui a participé à la transaction. Pris dans une affaire d’escroquerie et de blanchiment celui-ci était en fait sur écoute lors des négociations. Or, les interceptions « Moi-même et ma compagne on s’est retrouvés avec les menottes », témoigne Stéphane. « Impossible d’avoir davantage d’informations. On a entendu du bruit. Les policiers nous ont fait sortir dans la rue. »
Des pétards dans une cour intérieure
« Ce type-là, depuis qu’il a emménagé, n’arrête pas d’embêter tout le monde », se plaint un riverain. Les détonations n’étaient en fait que de gros pétards qui ont explosé en pleine nuit dans une cour téléphoniques laissent entendre que le prix réel de la villa Hier serait plutôt de 127 millions d’euros et qu’un colossal dessous de table de 90 millions d’euros aurait intérieure. « Le bruit a été amplifié par la configuration des lieux. On pouvait réellement penser qu’un homme venait de tirer », confie un policier. À 8 heures, les forces de l’ordre quittaient les lieux, hormis les démineurs et les enquêteurs chargés de la perquisition du studio. L’individu est en garde à vue. «Finalement, c’était un bon exercice de coordination entre services. Et ça a plutôt bien fonctionné » ,se félicitait un officier du Raid. ainsi été versé directement sur des comptes en Suisse. Le juge Alexandre Julien qui instruit ce tentaculaire dossier financier s’est d’ailleurs rendu, il y a Pierre-Alain Mannoni, chercheur au CNRS, et ingénieur de l’Université de Nice Sophia Antipolis, vient de lancer une campagne de financement participatif via la plateforme GoFundMe, afin de récolter de quoi assurer sa défense. Le Niçois de ans attend, ce lundi, la décision de la cour d’appel d’Aix. Il est poursuivi pour « aide au séjour et aide à la circulation d’étrangers en situation irrégulière ». Le sympathisant de Roya citoyenne avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Nice qui avait jugé qu’il avait agi pour « préserver l’intégrité et la dignité des personnes ». Mannoni risque, de nouveau, ans de prison et euros d’amende. L’universitaire avait, en octobre , convoyé d’Italie trois Érythréennes et avait été interpellé à La Turbie. « Elles étaient blessées, d’ailleurs devant la cour d’appel j’ai fourni la déposition de l’infirmière qui atteste que l’une était brûlée au troisième degré et une autre avait la rotule fracturée », explique le chercheur niçois. quelques semaines, en Suisse pour en avoir le coeur net.
Le « neveu » de l’oligarche
Le magistrat a-t-il réussi à percer le secret bancaire helvète ? Pour l’heure le mystère reste entier. Tout comme celui qui entoure le véritable propriétaire de la villa Hier. Plusieurs dizaines de policiers avaient déjà procédé à sa perquisition, en février dernier, dans le but d’y trouver les preuves matérielles que le sénateur Kerimov en est le propriétaire occulte. Des documents bancaires confidentiels dont Nice-Matin a été rendu destinataire semblent en effet démontrer que le véritable ayant droit économique de la holding, le Swiru group, qui a acquis cette propriété du Cap d’Antibes (et les autres) au travers d’un montage de sociétés offshore n’est pas le Suisse Alexander Stuldhalter... Mais le propre « neveu » de l’oligarche russe Suleyman Kerimov. Pour autant, le sénateur du Daghestan nie farouchement toute acquisition sur la Côte d’Azur. Il faut dire que sa déclaration de patrimoine à l’administration russe n’en fait pas état ! « Le jugement du tribunal de Nice était exemplaire. Ils avaient admis qu’il fallait que j’agisse pour ces trois jeunes femmes. » Pierre-Alain Mannoni espère que les magistrats d’Aix comprendront, eux aussi, l’urgence humanitaire. Et plaide : « La solidarité ne doit pas être condamnée ».