Nice-Matin (Cannes)

Son potager est autonome en eau et six fois plus productif

Avec l’aquaponie, Frédéric peut nourrir en légumes, une famille de quatre personnes toute l’année. Il utilise l’eau de pluie et consomme, en électricit­é, l’équivalent d’une ampoule

- CAROLINE ANSART solutions@nicematin.fr

Au fond de son petit jardin, sur les hauteurs de Nice, Frédéric, 59 ans, cultive son potager depuis longtemps. Mais, il y a deux ans, il a changé de technique, et c’est la révolution. Sa femme était sceptique : «Je lui avais dit si ça ne marche pas, on mettra une piscine ! » Le résultat est là. « Avec 5 m2, en fait c’est comme si j’en avais trente , annonce Frédéric. Tout pousse trois fois plus vite, avec des plans deux fois plus serrés qu’un potager classique. C’est facteur six. » Ce pompier lieutenant-colonel a opté pour l’aquaponie. « On est quatre ou cinq dans les Alpes-Maritimes », estime-t-il. Concrèteme­nt, ses plants de tomates, concombres, aubergines… poussent désormais dans des grands cubitainer­s, remplis aux deux tiers d’eau, et à un tiers de billes d’argile. Pas de terre. En trois semaines, les plants de tomates donnent de quoi faire des salades à l’envi. En deux jours, une aubergine naissante de la taille d’une cerise devient grosse comme une belle pomme de terre. L’été dernier, les dix pieds de tomates ont produit 60 à 80 kilos. Les courgettes grimpent jusque sur la tonnelle. «Les courgettes j’en pouvais plus, sourit Valérie, l’épouse de Frédéric. On a tellement de légumes qu’on est obligé d’en donner, sinon on gâche. Mes collègues sont super-contents ! » Les cubitainer­s sont oxygénés et tous reliés au même circuit d’eau, alimenté par deux pompes qui consomment en électricit­é l’équivalent d’une ampoule de 60 watts. L’eau circule, épurée par des papyrus et des poissons, nourris aux granulés. Des poissons rouges, des tilapia (poissons exotiques), des carpes koï. « Les poissons dégagent de l’ammoniac, transformé par des bactéries en nitrite puis en nitrate, qui fait pousser les légumes», détaille le jardinier. Des poissons qui, adultes, finiront au barbecue ou en papillote. « Un tilapia c’est 400 ou 500 grammes. J’en ai 33 ! » Toutes espèces confondues, Frédéric table sur trente kilos de poissons. Pour préserver leur santé, il traite ses légumes avec du purin d’orties. Pour que son eau soit la plus riche en nutriments, il ajoute du fer (des clous dans un bocal avec du jus de citron ! ), du potassium… Les billes d’argile sont nettoyées par des vers issus de son vermicompo­st. Pourtant, «l’aquaponie n’est pas reconnue bio en France, parce que le bio doit pousser en terre, mais elle l’est au États-Unis ». L’esprit bio est d’autant plus présent dans le potager de Frédéric qu’il est autonome en eau. D’une part le système consomme dix fois moins qu’un potager classique, deux fois moins qu’un goutte à goutte. D’autre part, sous les bacs, un gros trou a été creusé à la pelleteuse pour installer huit fûts en plastique qui récoltent l’eau de pluie. «J’ai 8000 litres qui me suffisent pour alimenter le système toute l’année. Je suis totalement autonome en eau d’arrosage.» Et son eau, il l’assure, est meilleure. « L’eau du robinet, c’est de l’eau morte, il n’y a rien dedans. » Contrairem­ent à la sienne qu’il bichonne pour qu’elle ait du fer, du potassium, des tas de nutriments. Il en fait profiter tout son jardin qui le lui rend bien. « Il est devenu luxuriant c’est incroyable », confirme Valérie. Une partie des tuyaux est percée pour y planter directemen­t des laitues, du persil… Le couple niçois ne tarit pas d’éloge sur l’aquaponie. Mais c’est compliqué ? «C’est différent , répond le pompier. Dans un potager classique, vous devez arroser tous les jours, vous plier en deux pour enlever les mauvaises herbes, vous ne pouvez pas

‘‘ rester un mois sans arroser. Ici, je n’arrose pas, je ne mets pas d’engrais, je travaille à hauteur d’homme. Quand je rentre dans mon jardin avec ce bruit d’eau, je n’ai plus envie d’en sortir. » Et c’est l’esprit plus tranquille, désormais, que Valérie et Frédéric partent en vacances. « On demande juste au voisin de nourrir les poissons, et en échange il ramasse les légumes ! » Frédéric a potassé le sujet pendant quatre mois avant de se lancer. « Ça m’a pris ensuite un bon mois pour concevoir et construire. » Avoir un potager aquaponiqu­e, c’est être « un peu bricoleur, un peu chimiste, un peu jardinier ». Le coût ? 6000 € pour l’installati­on de Frédéric, faite maison. 8 000 € pour une serre de 24 m2 achetée neuve. Cher? « Pensez à tout ce que cela apporte… c’est un investisse­ment. Un bon investisse­ment ! » Sans compter le plaisir infini du jardinier qui, chaque jour, cueille sa production – la meilleure du monde évidemment – et le doux bruit de l’eau qui coule… zen. «C’est l’avenir, conclut Frédéric. Voyez la place que ça prend ! C’est de l’agricultur­e urbaine. On peut le faire à petite échelle sur un balcon… Des gens sont venus voir comment je faisais, parce que j’ai publié sur internet. Et certains se mettent à faire la même chose.» WWW.NICEMATIN.COM

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