«L’avenir me semble assez bouché»
Il s’est déjà mobilisé l’an dernier et a remis ça hier. Romain Ottobruc, 26 ans, est professeur des écoles depuis quatre ans, dont deux à Arziari, route de Turin à Nice. Une école qui accueille 220 élèves pour neuf enseignants. Il était de la manif hier, brandissant un pantin symbolisant un instit acculé par les mesures. « Je manifeste avec mes collègues parce qu’on perd à partir de lundi prochain l’aide administrative. Nous n’aurons plus de secrétaire. C’était un contrat aidé et il est supprimé par le gouvernement. Nous sommes une école difficile à la base, qui n’est pas reconnue en REP + [Réseau d’éducation prioritaire, NDLR] alors que les
élèves mériteraient de bénéficier de ces moyens. L’année dernière, on nous avait déjà supprimé un maître qui intervenait dans les classes de CP-CE1 pour donner un coup de main et démultiplier les classes. Plus de secrétaire: cela veut dire que les élèves qui arrivent en retard ne
pourront plus être accueillis. Si nous devons appeler les parents, cela va être compliqué, nous n’avons pas le droit de quitter nos classes. Cela va être une grosse surcharge de travail pour la directrice qui en a déjà beaucoup actuellement. » Son métier, il l’affirme l’avoir vu se
dégrader rapidement. «Je n’ai que quatre ans d’ancienneté, mais ce que je constate c’est que la part d’éducation que nous devons faire est de plus en plus importante car elle est peu assurée à la maison. La part d’instruction se réduit chaque année. L’avenir me semble assez bouché. » Un peu plus loin, c’est une postière que nous croisons dans le cortège: Caroline Saubaux, 42 ans, 25 ans d’expérience. « On ne peut pas à la fois se serrer la ceinture et baisser son froc », clame sa pancarte. Cash. Elle est responsable du bureau Lympia, sur le port de Nice. «De plus en plus d’emplois sont supprimés et remplacés par des emplois précaires. Dans mon bureau nous étions quatre, nous ne sommes plus que deux. Cela génère de l’attente pour nos usagers, de la nonsatisfaction. J’espère que cette manif est le début d’une grande action, nous sommes nombreux aujourd’hui. » De son côté, Michel Tomasini, 76 ans, retraité d’EDF depuis 25 ans, s’est décidé à défiler, non pas pour lui, mais pour les jeunes. « Je manifeste contre la loi Travail. Je ne suis pas gagnant en tant que retraité, mais je pense surtout à eux plus qu’à moi. Chaque fois que le chômage augmente, je réagis. Je voyage un peu et je vois que dans le monde une précarité incroyable s’installe chez les jeunes. » Même préoccupation chez Jacques Persello, 65 ans, ancien prof de fac. « Je suis en retraite depuis peu. Je ne vois pas dans les préoccupations du gouvernement de quoi offrir du travail aux jeunes. Modifier la loi par ordonnances cela me choque, on confisque un peu la démocratie. À quoi sert un député alors? Cette mobilisation est une bonne chose, elle permet de montrer le mécontentement. »