Un round d’observation
Il y a bien sûr la traditionnelle bataille des chiffres : combien étaient-ils hier dans la rue pour manifester contre la réforme du code du travail ? Les données fournies par les syndicats d’une part et la police d’autre part sont si éloignées qu’il est bien difficile d’apporter une réponse. Il est évident, cependant, que nous n’avons pas assisté à
une déferlante sociale même si les manifestants étaient, semble-t-il, plus nombreux que lors de la première manifestation contre la loi El Khomri en mars . Naturellement, le gouvernement peut se réjouir de cette mobilisation très relative. La CGT, qui était à la manoeuvre, ne peut triompher mais elle ne subit pas non plus un revers cinglant. Bref, nous venons d’assister à un premier round social dans lequel chacun trouve des raisons d’espérer. Pour la CGT, qui jouait sa partition en solo, le risque était grand de se retrouver en situation d’échec. Elle a démontré qu’elle sait encore sauver la face. Mais il est évident que la rue n’est plus une réponse efficace dans la bataille sociale. Interrogé par l’Ifop, % des Français approuvent le mouvement de contestation sociale, pour autant ils ne se mobilisent pas. C’est ce qu’a compris JeanClaude Mailly, le patron de FO. En , il défilait, aujourd’hui, il discute, conscient que le pouvoir a une légitimité démocratique pour engager ses réformes. Il a compris aussi qu’Emmanuel Macron ne reculerait pas sur cette réforme emblématique. Il l’avait annoncée. Il avait dit qu’il procéderait par ordonnances. Bref, il n’a pris personne par surprise. Il ne fait qu’appliquer son programme. Si le chef de l’Etat venait à renoncer, il ferait avorter son quinquennat. Une reculade condamnerait toute autre réforme d’envergure. Or doivent être présentées très vite des mesures importantes sur l’assurance chômage, la formation professionnelle, les retraites, sans parler de l’université. Autant dire des dossiers délicats qu’il serait d’ouvrir après une capitulation du travail. Pour faire plier le gouvernement, il faudrait que le pays soit à feu et à sang. Rien de tout cela hier. Alors pourquoi Jean-Luc Mélenchon annonce-t-il que cette manifestation n’est pas un baroud d’honneur et que le pouvoir finalement reculera ? Pour des raisons tactiques, évidemment. En parlant très fort, il veut démontrer qu’il est le seul opposant. Il espère ainsi élargir son espace politique alors que le PS est encore KO et inaudible. Mais n’entend-il pas aller plus loin ? A demi-mots, il en appelle à la violence comme s’il voulait provoquer ainsi une crise de régime dans la rue. Un jeu dangereux qui rend sa propre manifestation du mars plus inquiétante pour le pouvoir que les défilés de la CGT hier.