«L’état d’urgence n’a pas vocation à être pérenne »
L’Assemblée nationale a attaqué hier la discussion du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui vise pour l’essentiel à intégrer dans le droit commun des dispositions jusque-là inhérentes à l’état d’urgence, appelé à cesser en novembre. La députée niçoise Marine Brenier, auteur d’une vingtaine d’amendements sur les soixante-dix de son groupe, est sur ce dossier la porte-parole des Constructifs.
Votre sentiment général, d’abord, sur ce projet de loi ?
Sur la philosophie, on se rejoint tout à fait avec le gouvernement. L’état d’urgence n’a pas vocation à être pérenne. Tel qu’il a été créé en avril , il est destiné à des situations exceptionnelles et doit donc rester temporaire. Mais comme la menace du terrorisme islamiste est devenue une menace quotidienne, il faut bien que certaines de ses dispositions puissent se retrouver dans le droit commun, pour faciliter à la fois le travail des enquêteurs et celui de la justice. Ceci étant, le texte qui nous est présenté reste un peu pauvre. Il est trop restrictif et ne sera pas assez efficace contre le terrorisme.
Quels sont donc les principaux amendements que vous proposez ?
Parmi les plus symboliques, il y a la demande que les préfets puissent communiquer aux maires les noms des individus fichés « S » résidant sur leur commune. Cela nous paraît un préalable indispensable, à l’heure où les maires sont devenus, parfois malgré eux, des acteurs majeurs de la sécurité. Les familles de victimes veulent aussi que soit empêchée la diffusion d’images choquantes et blessantes, comme celles publiées par Paris Match en juillet dernier. Je réclame également l’anonymisation des terroristes. On voit bien qu’il existe aujourd’hui un phénomène de starification malsain et il ne faut plus que leur identité puisse être diffusée dans les médias. Je propose par ailleurs le renforcement des prérogatives des polices municipales et la mise en oeuvre du dispositif de reconnaissance faciale, dont le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a reconnu l’intérêt lors de sa venue à Nice, en indiquant qu’il serait souhaitable de l’expérimenter.
Cette fameuse reconnaissance faciale aurait-elle permis d’éviter l’attentat du juillet ?
Non, on ne peut pas dire qu’on aurait pu l’éviter. Le chauffeur du camion niçois n’était pas fiché « S », ça n’aurait donc pas pu fonctionner. Le but de la reconnaissance faciale est de faire en sorte de diminuer le risque, même si celui-ci existera toujours. Il est important que le projet de loi et des amendements soient votés. Mais cela doit s’accompagner d’une autre démarche absolument primordiale, l’augmentation des moyens donnés à la police mais aussi à la justice. On voit bien en effet que nombre de difficultés résultent du fait que la réponse pénale n’existe plus. Elle n’est plus suffisante parce qu’il n’y a plus assez de juges pour faire exécuter les peines et pas assez de places dans les prisons. Il y a besoin de moyens humains et matériels pour accompagner cette réforme. RECUEILLI PAR THIERRY PRUDHON