Salut l’artiste ! L’horreur de la vie
De Michel Hazanavicius (France). Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo. Durée : h . Genre : biopic. Paris 1967. Jean-Luc Godard (Louis Garrel), le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu’il aime, Anne Wiazemsky (Stacy Martin), de vingt ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, adulés... Mais l’échec du film enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde qui va bouleverser son art et sa vie amoureuse...
Trois ans après l’échec critique et public cinglant de The Search, film de guerre, mélodramatique et maladroit, il fallait un certain courage, voire un peu de témérité, à Michel Hazanavicius pour se lancer dans la bio filmée d’une des figures tutélaires de la Nouvelle Vague, le redoutable JeanLuc Godard. Un pari au moins aussi risqué que celui de The Artist... Mais le père d’OSS117 a bien fait d’oser. Revenant à ce qu’il sait faire de mieux (le pastiche parodique), il a réussi à éviter une fatwa des gardiens du temple godardien à Cannes, où le film était présenté en compétition et a mis les festivaliers rieurs de son côté. Léger, drôle, pop et coloré, Le Redoutable est un exercice de style gentiment iconoclaste, qui égratigne l’homme, mais caresse le mythe Godard dans le sens du poil. Le scénario adapte très librement l’autobiographie d’Anne Wiazemsky, compagne de Godard en 1968, et se concentre sur les mois qui précèdent et suivent mai 68. La reconstitution de l’ambiance électrique de l’époque, avec manifs De Darren Aronofsky (USA). Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris. Durée : h . Genre : drame. Notre avis : ★★★
Un couple (Jennifer Lawrence et Javier Bardem) voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité.
Le huis clos d’une grande bâtisse hantée perdue au fond de la nature. Une jeune femme sur ses gardes, prisonnière a priori de son mari, un écrivain énigmatique deux fois plus vieux qu’elle, la présence d’un autre couple étrange et égaré interprété par le duo Ed Harris/Michelle Pfeiffer… Sans oublier ces murs vivants sanglants, organiques, synonyme de la présence d’une forme surnaturelle… L’atmosphère pesante renforcée par un travail sonore de premier plan laisse croire à un film d’horreur. Ce n’est qu’à demi-vrai. Mother ne fait pas dans le jump scare ni dans le gore… et pourtant on déconseillera aux âmes sensibles d’entrer dans la salle obscure. La tension est omniprésente, directement palpable et constamment au service d’un drame psychologique intense. Tout comme l’héroïne, le spectateur est mis à l’épreuve, cherche à comprendre la finalité de la démarche et où l’auteur de Requiem For a Dream veut en venir. Parfois il se perd lui-même, mais son sens de la réalisation emporte (presque) tout sur son et barricades, est impeccable. Louis Garrel, méconnaissable, campe un JLG plus vrai que nature, reproduisant à la perfection sa gestuelle et sa diction chuintante. Stacy Martin, découverte dans Nymphomaniac de Lars von Trier, prête ses jolies jambes, son sourire mutin et son air ingénu au personnage attachant d’Anne Wiazemsky. Comme le répète Hazanavicius dans chaque interview, il n’est pas nécessaire de connaître JLG et son cinéma pour apprécier le film, qui est plus une comédie romantique qu’un biopic. Même les fans d’OSS 117 pourront l’aimer. Mais les cinéphiles se régaleront d’autant plus que les citations du maître et de ses films sont nombreuses... et souvent hilarantes ! passage. L’objet, inclassable, ressemble à un trip sous acide qui va constamment dans la surenchère. Conséquence, c’est souvent virtuose comme lorsqu’il revisite la barbarie humaine… ou quelquefois grotesque lorsqu’il recrée la Nativité, nouveau signe que ses références bibliques déjà au coeur de The Fountain puis Noé demeure son talon d’Achille. Et pourtant, on adhère devant le défi, l’ambition d’un tel film, porté par une impressionnante Jennifer Lawrence. Dans l’un de ses meilleurs rôles, elle tient tête à un ambigu Javier Bardem tour à tour sensible puis cruel. Autant de qualités nécessaires pour que l’analyse pessimiste (ou réaliste, au choix) de l’état du monde faite par Darren Aronofsky prenne sens. Ce qui est heureusement le cas.