Nice-Matin (Cannes)

Bernard Brochand en correction­nelle

L’ex-maire de Cannes et doyen de l’Assemblée devra comparaîtr­e en justice pour avoir omis de déclarer un compte en Suisse à la Haute Autorité pour la transparen­ce de la vie publique

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Pour reprendre l’un de ses plus célèbres slogans publicitai­res, Bernard Brochand a-t-il trahi « le contrat de confiance » passé avec les organismes de contrôles fiscaux et parlementa­ires ? C’est ce que devra juger le tribunal correction­nel de Paris, devant lequel le député réélu de la 8e circonscri­ption des A-M a été renvoyé hier matin. Contre toute attente. Après enquête portant sur des soupçons de blanchimen­t de fraude fiscale et manquement à ses obligation­s déclarativ­es, le Parquet de Paris avait proposé la procédure simplifiée du « plaider coupable », qui évitait une comparutio­n de l’ex-maire de Cannes. En échange d’une peine de huit mois de prison avec sursis et d’une amende. Mais le juge du siège en a décidé autrement hier, qui a refusé d’entériner cet « accord à l’amiable judiciaire ». « Une décision scandaleus­e, selon Me Antoine Vey. Son confrère et associé, Me Eric Dupont-Moretti pointe « un juge qui s’est montré plus procureur que le procureur ».

 M€ plus les intérêts en Suisse

Que reproche-t-on exactement à Bernard Brochand ? D’avoir omis de déclarer des avoirs détenus à l’étranger. À savoir 1 million d’euros, plus les intérêts générés (200 000 euros) déposés à la banque UBS en Suisse, de 1976 à 1979. C’était avant sa vie politique, alors qu’il était président de plusieurs filiales européenne­s d’une multinatio­nale publicitai­re (DDB) et confortabl­ement rémunéré pour cela. Une partie de ses émoluments était alors directemen­t versée depuis New York sur le compte helvète. « Mais c’est un compte en vase clos, de l’argent auquel Bernard Brochand n’a jamais touché, et qu’il avait même un peu oublié après en avoir confié la gestion par mandat à UBS », précise encore Me Vey. Depuis l’enquête ouverte en 2013 après l’affaire Cahuzac, l’intéressé l’a toujours clamé haut et fort: «J’ai travaillé dur pour gagner mon argent. J’ai toujours payé mes impôts, je n’ai jamais fraudé ! ».

Redresseme­nt fiscal, mais pas fraude ?

En 2013, Bernard Brochand a néanmoins dû régularise­r sa situation auprès du fisc, en raison des 200 000 euros d’intérêt générés par le compte UBS. Un redresseme­nt fiscal a alors été opéré, avec amende de pénalité. Mais l’élu de la République a également « omis » de mentionner le compte suisse auprès de la Haute Autorité pour la Transparen­ce de la vie publique (HATVP), créée en 2013 après le scandale Cahuzac. D’où les poursuites judiciaire­s. Et ce renvoi en correction­nelle, notamment parce que la peine envisagée par le plaider coupable ne serait pas « adaptée » à la politique du gouverneme­nt en matière de lutte contre la fraude fiscale. «C’est plus un effet d’affichage qu’une décision de justice, alors que le Parquet de Paris avait reconnu que l’honnêteté de M. Brochand n’était pas mise en cause », estime Me Vey. «Mon client s’exprimera donc sereinemen­t devant un tribunal, ajoute Me DupontMore­tti. Mais s’il avait été malhonnête, il aurait rapatrié l’argent suisse dans une valise, et personne n’en aurait rien su… ». Autrement dit, pour plagier un autre slogan de Bernard Brochand pour un soda : ça a la couleur d’une fraude fiscale, le parfum d’une fraude fiscale, mais ce n’est pas (?) une fraude fiscale…

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 ??  ?? Renvoyé devant le tribunal correction­nel de Paris, Bernard Brochand, doyen de l’Assemblée nationale à  ans, nie toute fraude fiscale via son compte en Suisse. (Photo Patrice Lapoirie)
Renvoyé devant le tribunal correction­nel de Paris, Bernard Brochand, doyen de l’Assemblée nationale à  ans, nie toute fraude fiscale via son compte en Suisse. (Photo Patrice Lapoirie)

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