Bernard Brochand en correctionnelle
L’ex-maire de Cannes et doyen de l’Assemblée devra comparaître en justice pour avoir omis de déclarer un compte en Suisse à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Pour reprendre l’un de ses plus célèbres slogans publicitaires, Bernard Brochand a-t-il trahi « le contrat de confiance » passé avec les organismes de contrôles fiscaux et parlementaires ? C’est ce que devra juger le tribunal correctionnel de Paris, devant lequel le député réélu de la 8e circonscription des A-M a été renvoyé hier matin. Contre toute attente. Après enquête portant sur des soupçons de blanchiment de fraude fiscale et manquement à ses obligations déclaratives, le Parquet de Paris avait proposé la procédure simplifiée du « plaider coupable », qui évitait une comparution de l’ex-maire de Cannes. En échange d’une peine de huit mois de prison avec sursis et d’une amende. Mais le juge du siège en a décidé autrement hier, qui a refusé d’entériner cet « accord à l’amiable judiciaire ». « Une décision scandaleuse, selon Me Antoine Vey. Son confrère et associé, Me Eric Dupont-Moretti pointe « un juge qui s’est montré plus procureur que le procureur ».
M€ plus les intérêts en Suisse
Que reproche-t-on exactement à Bernard Brochand ? D’avoir omis de déclarer des avoirs détenus à l’étranger. À savoir 1 million d’euros, plus les intérêts générés (200 000 euros) déposés à la banque UBS en Suisse, de 1976 à 1979. C’était avant sa vie politique, alors qu’il était président de plusieurs filiales européennes d’une multinationale publicitaire (DDB) et confortablement rémunéré pour cela. Une partie de ses émoluments était alors directement versée depuis New York sur le compte helvète. « Mais c’est un compte en vase clos, de l’argent auquel Bernard Brochand n’a jamais touché, et qu’il avait même un peu oublié après en avoir confié la gestion par mandat à UBS », précise encore Me Vey. Depuis l’enquête ouverte en 2013 après l’affaire Cahuzac, l’intéressé l’a toujours clamé haut et fort: «J’ai travaillé dur pour gagner mon argent. J’ai toujours payé mes impôts, je n’ai jamais fraudé ! ».
Redressement fiscal, mais pas fraude ?
En 2013, Bernard Brochand a néanmoins dû régulariser sa situation auprès du fisc, en raison des 200 000 euros d’intérêt générés par le compte UBS. Un redressement fiscal a alors été opéré, avec amende de pénalité. Mais l’élu de la République a également « omis » de mentionner le compte suisse auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique (HATVP), créée en 2013 après le scandale Cahuzac. D’où les poursuites judiciaires. Et ce renvoi en correctionnelle, notamment parce que la peine envisagée par le plaider coupable ne serait pas « adaptée » à la politique du gouvernement en matière de lutte contre la fraude fiscale. «C’est plus un effet d’affichage qu’une décision de justice, alors que le Parquet de Paris avait reconnu que l’honnêteté de M. Brochand n’était pas mise en cause », estime Me Vey. «Mon client s’exprimera donc sereinement devant un tribunal, ajoute Me DupontMoretti. Mais s’il avait été malhonnête, il aurait rapatrié l’argent suisse dans une valise, et personne n’en aurait rien su… ». Autrement dit, pour plagier un autre slogan de Bernard Brochand pour un soda : ça a la couleur d’une fraude fiscale, le parfum d’une fraude fiscale, mais ce n’est pas (?) une fraude fiscale…