Nice-Matin (Cannes)

Elle se bat pour obtenir une « assurance prêt »

Victime il y a cinq ans d’une rupture d’anévrisme, cette prof de sport de 39 ans ne parvient pas à contracter un prêt bancaire pour l’achat d’un appartemen­t. Elle témoigne pour que les choses changent enfin...

- ÉRIC FAREL efarel@nicematin.fr

Voilà qui tombe à pic ! Alors même que se déroule à Cannes le Festival internatio­nal du film sur le handicap, l’histoire de Fanny Bourgeois vient rappeler que rien n’est rose pour ceux qui ont la malchance de se trouver confrontés à un drame de la vie. Fanny a 34 ans lorsqu’en juillet 2012, alors enceinte de 7 mois, elle est victime d’une rupture d’anévrisme. C’est le ciel qui s’abat sur sa tête... « Les médecins ont pratiqué une césarienne en urgence, puis m’ont plongée dans un coma artificiel. Lorsque je me suis réveillée, je pensais que j’étais comme avant. Mais je me suis vite aperçue qu’il y avait des problèmes au niveau cognitif : je présentais des troubles de la mémoire, de la vue et du langage. J’ai consulté des spécialist­es qui m’ont fait comprendre qu’il fallait accepter les choses et qu’il me faudrait vivre avec ce handicap. »

La double peine

Fanny n’a pas le choix. Même si le diagnostic est amer pour cette sportive, prof d’EPS à Sainte-Marie, aujourd’hui âgée de 39 ans et maman d’une petite fille de 5 ans. Elle raconte... « Mon champ visuel est réduit. Lorsque je me trouve dans un environnem­ent connu, je n’ai pas de problème. C’est plus compliqué quand je suis dans un lieu que je ne connais pas. Pour reconnaîtr­e et pallier un handicap, il faut en parler. Sauf que quand on en parle trop, on a vite fait de saouler son entourage. C’est pour cela que je souhaitais tout simplement me retrouver à travers un projet : acheter un appartemen­t. » Financière­ment, pour aller au bout de son rêve, la jeune femme est aidée par ses parents : apport et caution. Reste à trouver une banque qui accepte de lui prêter 150 000 euros et... l’assurance qui va bien pour finaliser les choses. Et là, tout se complique. « J’ai démarché plusieurs établissem­ents bancaires, la Caisse d’Épargne la BNP, la Banque postale, d’autres encore ; consulté plusieurs compagnies d’assurances. La réponse est toujours la même. » La réponse ? Pour faire simple, résumons-la ainsi : le risque est trop élevé. Fanny ne peut être prise en charge que pour le décès, avec une forte surprime, mais pas pour la PTIA (Perte totale et irréversib­le d’autonomie), ni pour d’autres pertes de capacité à travailler. Injuste. Cruel, même, que de se voir imposer la « double peine ». « Je suis prof de sport, je ne bois pas, je ne fume pas, j’essaie juste d’avoir une vie normale et je me rends compte que, pour ces organismes, je suis réduite à un chiffre. Pourtant, je suis aussi un être humain qui a le droit de vivre et de nourrir des projets. Songez qu’aujourd’hui, je vais être “condamnée” à payer un loyer pendant vingt ans alors qu’il peut très bien ne rien m’arriver. Mais cela, la banque et les assurances ne veulent pas l’entendre. »

Malgré l’A.E.R.A.S.

Bon, et la convention A.E.R.A.S. dans tout ça, censée permettre aux personnes présentant un risque aggravé de santé, d’emprunter plus facilement et de s’assurer ? De toute évidence, son applicatio­n est à géométrie variable. « Quand on fait un prêt, on remplit un premier questionna­ire sur les conditions de santé et si on répond “oui” à une question, ça déclenche une autre question. Si la réponse est encore “oui”, il faut satisfaire à un deuxième questionna­ire qui passe devant un médecin-conseil. Dans mon cas, on pense que je ne vais pas vivre, ou que je ne pourrai pas continuer à travailler pour rembourser. » Fanny, heureuseme­nt, est une battante qui ne baisse jamais les bras. « J’ai l’impression de mener un combat dans lequel l’arbitre n’est pas impartial, et qui va forcément pencher vers l’adversaire. Alors je m’accroche. Il y a des amis qui connaissen­t des gens susceptibl­es de m’aider. Là, par exemple, l’un d’entre eux m’a mise en contact avec quelqu’un à la HSBC. Grâce à ce réseau, j’ai pu rencontrer le directeur d’agence et peut-être, enfin, va-t-on m’écouter. » Il serait temps. Car la prof, a signé son compromis au mois de mai dernier. Il est arrivé à terme le 18 juillet. Et elle craint que l’appartemen­t convoité ne lui passe sous le nez. Un comble, car vous savez quoi ? Son père a été cadre de banque pendant 42 ans ! La preuve que les cordonnier­s sont toujours les plus mal chaussés...

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(Photo Patrice Lapoirie) Fanny mène un dur combat contre l’injustice.

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