Quinze ans de réclusion pour avoir tenté de tuer sa mère
Selon les jurés, Alain Solelhac, 59 ans, a bien tenté de tuer sa mère à coups de maillet, dans une maison de retraite de Juan-les-Pins, en juin 2015. Ses explications psychanalytiques n’ont pas convaincu
Àchaque confrontation chez le juge d’instruction, l’accusé et sa victime tombaient dans les bras l’un de l’autre ! Me Christophe Petit, conseil de Michèle Solelhac, 80 ans, qui a failli mourir sous les coups de maillet de son fils, l’a confié lors de sa plaidoirie hier après-midi. La cour d’assises des Alpes-Maritimes avait à juger, depuis jeudi, un crime rarissime. Une tentative de matricide survenue le 19 juin 2015 dans une maison de retraite de Juan-les-Pins. Un acte tabou, dérangeant. On aurait préféré avoir affaire à un malade mental. Les experts psychiatres n’ont décelé aucune pathologie chez Alain Solelhac, 59 ans, gérant d’une société de construction de bateaux en faillite. On imaginait une mère castratrice, une marâtre maltraitante et vindicative. Michèle Solelhac est tout le contraire.
Le prétexte de la machine à laver
Non seulement la retraitée a échappé de peu à la mort, mais elle doit subir les propos vexatoires de son fils – persuadé qu’il a raté sa vie à cause d’elle –, les réflexions culpabilisantes d’une psychiatre appelée à la barre. Ce même expert affirme péremptoire : « Je ne pense pas qu’il y soit allé pour tuer sa mère. » « Merci Madame, pour votre travail, c’est remarquable », intervient l’accusé, qui délivre, depuis deux jours, les bons et les mauvais points aux témoins, cite les cotes d’un dossier d’instruction qu’il connaît sur le bout des doigts. Criblé de dettes, aurait-il voulu hériter plus vite ? Solelhac en sourit. Comment sa mère peut-elle avancer une hypothèse aussi vulgaire. Il le répète à l’envi. La raison de son accès de violence remonte à son enfance quand ses parents l’ont confié bébé pendant sept mois à une nourrice, alors que son père, prospecteur pétrolier, était muté au Gabon. Il avait alors 14 mois. Il y a aussi l’une de ses trois filles, qu’il a complètement délaissée, et qui venait de se marier à son insu. Tout cela l’a poussé à vouloir « faire du mal à sa mère ». Il voulait, le jour du drame obtenir des explications sur son abandon. Il lui demande uniquement comment fonctionne la machine à laver, prétexte pour l’agresser dans la salle de bain. « Il a fait trois heures de voiture avec un maillet dans un sac, le visage masqué par un chapeau pour éviter la vidéosurveillance, résume son oncle avec un certain bon sens. Sa seule erreur est d’avoir oublié de fermer la fenêtre. » Les cris ont alerté un voisin qui a découvert l’octogénaire dans une mare de sang. Le président Véron, jusquelà patient malgré les digressions de l’accusé, le pousse dans ses retranchements : « Parlez-nous des faits plutôt que de vous attardez sur la qualité des expertises ».
Un double mobile
Solelhac ne se souvient de rien sauf d’avoir jeté ses vêtements tachés de sang. « Pas la peine de convoquer Freud, Rufo ou Dolto, recentrons les débats autour de faits gravissimes, s’exaspère Me Petit. Quand il rentre chez lui, il en est convaincu et le dit : “J’ai tué ma mère. La préméditation aurait pu être retenue .”» L’avocat général Ludovic Manteufel pense que le mobile est double : « Ilya,àla fois, ses difficultés financières et ses fragilités psychologiques avec un délire de persécution. » Le magistrat requiert « huit à dix ans de réclusion ». La défense, par la voix de Me Michel Bourgeois, conteste à la fois la tentative de meurtre et tout délire chez son client. L’avocat souhaite une requalification des faits en violences volontaires avec arme. La peine maximale encourue passerait alors de la perpétuité à dix ans de prison. « C’est un homme en grande souffrance qui a un amour infini pour sa mère. Il est, marqué, à tort ou à raison, par un profond sentiment d’abandon », plaide Me Bourgeois qui décrit « une cocotte-minute qui explose, qui donne deux trois coups en quelques secondes. » La défense conteste que l’intervention du voisin ait sauvé la vie de Mme Solelhac. Peu importe. La Cour et les jurés, à l’instar des policiers d’Antibes, ont démasqué l’accusé. Verdict : quinze ans de réclusion et trois ans de suivi sociojudiciaire.