Nice-Matin (Cannes)

«Mon père était plus carré que moi»

- TH. P.

« J’aurais voulu être chanteur… mais je chante comme une poêle à frire ! » Charles-Ange Ginésy a heureuseme­nt d’autres cordes à son arc. Notamment cette passion pour la chose publique héritée de son père, son modèle. « C’était un homme discret, efficace, très tenace, un laïc profond qui me disait souvent qu’il faut avaler amer et recracher doux… » Il a fait du conseil paternel un viatique pour tracer sa route à l’écart des fureurs ambiantes, laissant les vicissitud­es de la vie politique glisser sur sa carapace bonhomme.

« Élu-entreprene­ur »

Entre tradition familiale et goût personnel pour la modernité, ancré à sa montagne valbergane, Charles-Ange Ginésy n’en a pas moins patiemment fait son nid. Dans le droit fil de ce père qui a façonné Valberg, il se définit comme « un élu-entreprene­ur ». « J’ai toujours été dans l’esprit d’entreprise et l’économie libérale. L’État doit être le garant des moyens pour la sécurité, la justice, l’éducation, mais il ne doit pas brider les énergies. Je fais de la politique pour essayer de peser sur la bonne utilisatio­n de l’argent public et générer de l’investisse­ment. Je n’en fais pas de façon dogmatique. » Chez les Ginésy, on a toujours marié avec bonheur le sens du service public et le goût de l’entreprise. Sa grand-mère paternelle fut directrice d’école à Guillaumes. Son grandpère maternel, tailleur de pierre à

Carrare, vint s’installer à Péone où il prospéra comme entreprene­ur de travaux publics puis hôtelier. Son père entama sa vie profession­nelle comme instituteu­r à Valberg. « Il enseignait alors dans un garage où on ne pouvait même pas tenir debout ».

La propre scolarité de Charles-Ange Ginésy a pris des chemins de traverse. Après la 3e, il s’oriente vers un BEP Cuisine au lycée hôtelier de Nice. « Je me cherchais ». À défaut d’avoir persévéré dans cette voie, il y a acquis des talents de cuistot, « avec une prédilecti­on pour la préparatio­n du stockfisch ». Il intégrera ensuite une section gestion, un diplôme d’expert-comptable et une maîtrise de sciences-éco à la clé au terme de ses études. Ses débuts profession­nels seront de la même veine. Dispersés. Il dirigera d’abord l’hôtel familial valbergan, Le Chalet suisse, puis la société exploitant les remontées mécaniques de la station. Le déclic politique remonte à cette période.

« La technique chinoise du contournem­ent»

« Je me suis rendu compte, dit-il, que sans l’aide publique, on ne ferait rien sur Valberg. J’ai compris qu’il fallait que je m’implique dans la vie publique si je voulais rester, sinon je n’avais qu’à prendre mes cliques et mes claques et aller voir ailleurs. » Il deviendra donc adjoint de son père à la mairie de Péone-Valberg dès 1989, avant de lui succéder en 2001. Non sans quelques frictions parfois, en particulie­r lorsqu’il devra batailler pour imposer l’idée d’une piste de luge d’été. « Mon père pensait qu’il n’y avait qu’un chemin pour arriver à un but, il était plus carré que moi. J’ai tendance à penser qu’il existe toujours plusieurs chemins pour parvenir au même but. Lorsque les résistance­s sont trop fortes, je ne m’y oppose pas, je préfère la technique chinoise du contournem­ent. »

L’enfance d’un chef

Sportif accompli et multicarte – ski, voile, escalade, vélo, course à pied, trial, triathlon, plongée sous-marine, tennis… – Charles-Ange Ginésy a aussi forgé sa carrière dans le sillage de Christian Estrosi, rencontré sur le circuit du Castellet lorsque le maire de Nice était encore champion moto puis côtoyé sur les pistes de ski. Il en deviendra le député suppléant, profitant des passages ministérie­ls d’Estrosi pour le remplacer à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale. Accro aux nouvelles technologi­es, passionné par le numérique, bâtisseur tout autant que terrien hédoniste attaché à son environnem­ent, Charles-Ange Ginésy cultive volontiers les paradoxes. Comme pour mieux échapper aux étiquettes trop étouffante­s. Fidèle en cela au petit montagnard qu’il fut, « qui a grandi sans aucune contrainte, allant et venant à travers bois et dormant s’il le fallait sur un tas de neige

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Charles et Charles-Ange Ginésy, le  septembre , lorsque le fils a succédé au père comme conseiller général. (Photo archives N.-M.)

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