Pas de médicament unique Soins L’expert
Plusieurs médicaments, prescrits à des stades différents de la maladie, et un développement des approches non pharmacologiques : c’est ainsi que le Pr Robert envisage l’avenir
Il est malheureusement une réalité à laquelle on est contraint de faire face : il n’existe pour l’instant aucun traitement permettant de guérir la maladie d’Alzheimer. L’immense majorité des recherches thérapeutiques conduites jusque-là ont donné des résultats plutôt décevants. Selon le Pr Philippe Robert, psychiatre, directeur du Centre mémoire de ressources et de recherche (CMRR) du CHU de Nice, cela s’explique en grande partie par la méthodologie : « La plupart des essais cliniques menés à travers le monde ont inclus des patients à un stade déjà avancé de la maladie; ils présentaient déjà des signes cliniques et biologiques de la maladie. » Or, et cela semble désormais bien établi, si l’on veut cibler les plaques amyloïdes, «plaques tournantes» de cette pathologie neurodégénérescente, il est impératif d’intervenir très tôt, avant même l’apparition des signes cliniques. Une période souvent longue de plusieurs années pendant laquelle la maladie évolue silencieusement, sans qu’aucun signe clinique n’alerte. Avec l’évolution des connaissances, l’espoir n’est pas vain que des molécules innovantes arrivent sur le marché dans un futur proche. Mais, « et c’est désormais une quasicertitude, il n’y aura pas de médicaments uniques pour traiter la maladie d’Alzheimer, affirme le spécialiste. Nous nous orientons vers plusieurs types de médicaments qui devront être prescrits à différents stades de l’évolution de la pathologie. » Différents stades, incluant des stades très précoces, lorsque la maladie ne s’est même pas exprimée ; à condition que l’on parvienne à trouver des marqueurs biologiques de sa présence.
Des questions éthiques
Mais se poseront alors des questions d’ordre éthique : peut-on, doit-on, soigner des personnes qui ne présentent aucun symptôme ? Plus sensible encore : quel effet produira l’annonce d’une maladie d’Alzheimer, chez une personne encore bien portante ? Ces questions sont certes prématurées, mais elles devront être posées. Aujourd’hui, l’urgence réside dans la réponse à apporter à ces milliers de personnes qui chaque mois se découvrent atteintes par la maladie d’Alzheimer ou une pathologie apparentée. S’il n’existe pas de traitements curatifs, quatre médicaments principaux sont disponibles, agissant partiellement sur certains des symptômes. Cela fait plusieurs années qu’ils suscitent un débat dans le monde la santé et sont menacés d’être déremboursés ; les généralistes, dans leur majorité portent sur ces molécules, un regard plutôt sévère, estimant qu’ils ne servent pas à grand-chose et ne sont pas dénués d’effets secondaires. Les médecins spécialistes sont, eux, plutôt favorables à la délivrance de ces traitements estimant qu’ils peuvent apporter un bénéfice à certains patients, tout en les inscrivant dans une prise en charge globale. Le Pr Robert fait partie de ces défenseurs. « On sait que leur efficacité est limitée, mais pour un certain nombre de patients, mieux vaut en avoir que de ne pas en avoir. » Autre sujet de débat, directement lié au manque de traitements curatifs : quel est finalement l’intérêt du diagnostic, lorsque l’on ne peut pas proposer de solutions ? « Même si l’enjeu n’est pas de traiter avec des médicaments, le diagnostic précoce de la maladie reste utile. Il permet de mettre rapidement en place une prise en charge non pharmacologique et des actions de prévention qui, sans avoir la prétention de ‘‘ guérir’’, ont une efficacité incontestable sur l’évolution des troubles. » Des approches qui font appel aux nouvelles technologies et favorisent en particulier la stimulation cognitive individuelle (1). « Sur une période de quelques semaines les patients sont incités à utiliser différents jeux (les fameux serious games) et entraînements cognitifs… À l’issue de cette période, on évalue leurs performances. » Si la Même si les médicaments à disposition ont une efficacité limitée, il reste préférable d’être traité. Les chiffres de la Base nationale Alzheimer indiquent ainsi qu’une diminution à l’échelle nationale de la prescription d’inhibiteurs de la cholinestérase et de mémantine [principaux traitements contre la maladie d’Alzheimer, ndlr] s’accompagnait d’une augmentation de la prescription d’antidépresseurs. Il est important de pouvoir individuellement choisir, pour chaque patient, s’il doit être traité par l’un ou l’autre des médicaments disponibles et d’évaluer son efficacité après six mois de traitement.
preuve est apportée que ce type d’évaluation représente un outil complémentaire du soin intéressant, il peine encore à trouver son public. « Peut-être parce que les gens ont encore peur aujourd’hui… Si des médicaments étaient disponibles, ils viendraient certainement beaucoup plus nombreux… »