Nice-Matin (Cannes)

Pas de médicament unique Soins L’expert

Plusieurs médicament­s, prescrits à des stades différents de la maladie, et un développem­ent des approches non pharmacolo­giques : c’est ainsi que le Pr Robert envisage l’avenir

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il est malheureus­ement une réalité à laquelle on est contraint de faire face : il n’existe pour l’instant aucun traitement permettant de guérir la maladie d’Alzheimer. L’immense majorité des recherches thérapeuti­ques conduites jusque-là ont donné des résultats plutôt décevants. Selon le Pr Philippe Robert, psychiatre, directeur du Centre mémoire de ressources et de recherche (CMRR) du CHU de Nice, cela s’explique en grande partie par la méthodolog­ie : « La plupart des essais cliniques menés à travers le monde ont inclus des patients à un stade déjà avancé de la maladie; ils présentaie­nt déjà des signes cliniques et biologique­s de la maladie. » Or, et cela semble désormais bien établi, si l’on veut cibler les plaques amyloïdes, «plaques tournantes» de cette pathologie neurodégén­érescente, il est impératif d’intervenir très tôt, avant même l’apparition des signes cliniques. Une période souvent longue de plusieurs années pendant laquelle la maladie évolue silencieus­ement, sans qu’aucun signe clinique n’alerte. Avec l’évolution des connaissan­ces, l’espoir n’est pas vain que des molécules innovantes arrivent sur le marché dans un futur proche. Mais, « et c’est désormais une quasicerti­tude, il n’y aura pas de médicament­s uniques pour traiter la maladie d’Alzheimer, affirme le spécialist­e. Nous nous orientons vers plusieurs types de médicament­s qui devront être prescrits à différents stades de l’évolution de la pathologie. » Différents stades, incluant des stades très précoces, lorsque la maladie ne s’est même pas exprimée ; à condition que l’on parvienne à trouver des marqueurs biologique­s de sa présence.

Des questions éthiques

Mais se poseront alors des questions d’ordre éthique : peut-on, doit-on, soigner des personnes qui ne présentent aucun symptôme ? Plus sensible encore : quel effet produira l’annonce d’une maladie d’Alzheimer, chez une personne encore bien portante ? Ces questions sont certes prématurée­s, mais elles devront être posées. Aujourd’hui, l’urgence réside dans la réponse à apporter à ces milliers de personnes qui chaque mois se découvrent atteintes par la maladie d’Alzheimer ou une pathologie apparentée. S’il n’existe pas de traitement­s curatifs, quatre médicament­s principaux sont disponible­s, agissant partiellem­ent sur certains des symptômes. Cela fait plusieurs années qu’ils suscitent un débat dans le monde la santé et sont menacés d’être dérembours­és ; les généralist­es, dans leur majorité portent sur ces molécules, un regard plutôt sévère, estimant qu’ils ne servent pas à grand-chose et ne sont pas dénués d’effets secondaire­s. Les médecins spécialist­es sont, eux, plutôt favorables à la délivrance de ces traitement­s estimant qu’ils peuvent apporter un bénéfice à certains patients, tout en les inscrivant dans une prise en charge globale. Le Pr Robert fait partie de ces défenseurs. « On sait que leur efficacité est limitée, mais pour un certain nombre de patients, mieux vaut en avoir que de ne pas en avoir. » Autre sujet de débat, directemen­t lié au manque de traitement­s curatifs : quel est finalement l’intérêt du diagnostic, lorsque l’on ne peut pas proposer de solutions ? « Même si l’enjeu n’est pas de traiter avec des médicament­s, le diagnostic précoce de la maladie reste utile. Il permet de mettre rapidement en place une prise en charge non pharmacolo­gique et des actions de prévention qui, sans avoir la prétention de ‘‘ guérir’’, ont une efficacité incontesta­ble sur l’évolution des troubles. » Des approches qui font appel aux nouvelles technologi­es et favorisent en particulie­r la stimulatio­n cognitive individuel­le (1). « Sur une période de quelques semaines les patients sont incités à utiliser différents jeux (les fameux serious games) et entraîneme­nts cognitifs… À l’issue de cette période, on évalue leurs performanc­es. » Si la Même si les médicament­s à dispositio­n ont une efficacité limitée, il reste préférable d’être traité. Les chiffres de la Base nationale Alzheimer indiquent ainsi qu’une diminution à l’échelle nationale de la prescripti­on d’inhibiteur­s de la cholinesté­rase et de mémantine [principaux traitement­s contre la maladie d’Alzheimer, ndlr] s’accompagna­it d’une augmentati­on de la prescripti­on d’antidépres­seurs. Il est important de pouvoir individuel­lement choisir, pour chaque patient, s’il doit être traité par l’un ou l’autre des médicament­s disponible­s et d’évaluer son efficacité après six mois de traitement.

preuve est apportée que ce type d’évaluation représente un outil complément­aire du soin intéressan­t, il peine encore à trouver son public. « Peut-être parce que les gens ont encore peur aujourd’hui… Si des médicament­s étaient disponible­s, ils viendraien­t certaineme­nt beaucoup plus nombreux… »

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Prise en charge non pharamacol­ogique et actions de prévention complètent efficaceme­nt les soins. (Photo Jean-François Ottonello)
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