Nice-Matin (Cannes)

« Prolonger le plus longtemps possible, ce que l’on était » Témoignage

Michel a vécu au quotidien l’inexorable évolution de cette « terrible maladie » qui a frappé son épouse, Gun. Il raconte leur parcours dans Alzheimer... c’est quoi vraiment?

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Michel, 88 ans aujourd’hui, ne regrette rien. Aucun de ces innombrabl­es moments passés aux côtés de Gun. Gun, la femme de sa vie, rencontrée des décennies plus tôt sur les bancs de l’université à Nice. Une femme, une épouse, une mère merveilleu­se, frappée, à l’âge de 79 ans, par cette « terrible maladie ». Non, Michel ne regrette rien. Rien sinon cette décision prise, alors que la santé de Gun s’était considérab­lement dégradée, que sa fin de vie se profilait, qu’il craignait de ne plus pouvoir faire face, à domicile, et en dépit des aides, de la « placer » dans un Ehpad. Un établissem­ent très luxueux, mais dont il ne se souvient même plus du nom. «Probable verrou psychologi­que », commente-t-il. Avant d’ajouter ces quelques mots sobres mais aux relents douloureux : « Dans ce type de maison, si l’on n’a pas une certaine mobilité, la capacité de communicat­ion, on est souvent un objet. Un objet que l’on regarde et gère en fonction de ses possibilit­és ». Ce séjour de 3 mois dans un Ehpad constitue l’épilogue d’un parcours de plus de huit années « depuis la découverte, jusqu’aux dernières étapes où l’on n’a plus en tête que ce let motiv: profiter de l’instant ! ». Un parcours que Michel a choisi de relater dans un livre courageux :

(1) Alzheimer, c’est quoi vraiment ?

« Quel jour sommes-nous ? »

Alzheimer, c’est « une maladie larvée, qui chemine à petits pas » sournois, feutrés. Jusqu’à ce moment, où elle commence à semer des indices qui vont interroger les proches. Ainsi, Michel se souvient de ce « détail » troublant qui va commencer à l’alerter sur la santé de sa femme. On est en 2008 : «On avait supprimé la ligne fixe d’une résidence secondaire. Et là, c’est devenu une fixation pour elle : « Pourquoi l’avez-vous fait ? » nous invectivai­t-elle. Cela ne lui ressemblai­t pas de s’irriter ainsi, elle était d’une extrême gentilless­e avec tout le monde. Probableme­nt était-elle déjà consciente qu’elle n’arrivait pas à se faire comprendre ni à comprendre… » D’autres incidents vont décider le couple à consulter : «Mon épouse a commencé à se plaindre de douleurs d’estomac : « je ne digère pas bien », me disait-elle. Et puis, son écriture, si magnifique, telle qu’habituelle dans sa Suède d’origine, est devenue plus hésitante… » Si elle ne comprend pas les changement­s qui s’opèrent en elle, Gun est inquiète, angoissée. Un jour pluvieux, le couple se retrouve dans le cabinet d’un neurologue. « Bonjour Madame. Quel jour sommes-nous ? », l’interroge d’emblée le spécialist­e, Gun regarde son mari, consternée. « Je ne sais pas ». Lorsqu’ils quittent le cabinet, Gun s’effondre dans les bras de son mari, elle est bouleversé­e. Michel tente de l’apaiser. « Le docteur est savant, il va nous donner quelque chose… » Examens complément­aires, IRM, et un diagnostic : « hypoperfus­ion pariétale droite, cingulaire postérieur­e et temporale bilatérale, pouvant entrer dans le cadre d’une démence dégénérati­ve, type Alzheimer ». Beaucoup de termes abscons, mais un mot tristement banal : Alzheimer. Catégoriqu­e. Aujourd’hui, Michel porte un regard sévère sur le diagnostic. « À quoi sert-il sinon à anéantir ce groupe composé de l’individu, sa famille, ses proches ? » L’octogénair­e se souvient de cette ordonnance qui plongera Gun dans la honte. «Le premier médicament prescrit était destiné à éviter les angoisses. Le second était un anti-démentiel. Gun s’est tournée vers moi : « Est-ce que je suis vraiment folle ? » « Elle avait vu écrit le mot ‘‘démence’’ .Gunne voudra plus qu’il se rende à leur pharmacie habituelle pour chercher les médicament­s, elle a honte. « Tout le monde me connaît ici. » même si ce n’est plus la même heure. Puis, les aiguilles s’accélèrent. On regarde la montre, on a pris une heure de plus, sans s’en être rendu compte. » Diagnostiq­uée en 2008, Gun voit ses troubles s’aggraver en 2010. « Un jour, je me suis aperçue qu’elle s’était mouillée…, raconte Michel, pudiquemen­t. Comment réagir ? Comment s’organiser ? Je me suis dit : je ne pourrai pas gérer, il y a un aspect psychologi­que… » Période de transition très difficile. Michel sait qu’il ne peut plus s’occuper seul de son épouse. Alors, il tente de trouver les mots : « Chérie, tout va très bien,

 ??  ?? Michel, Gun, l’histoire d’un amour, que la maladie d’Alzheimer n’aura pas réussi à balafrer. (Photo N. C.)
Michel, Gun, l’histoire d’un amour, que la maladie d’Alzheimer n’aura pas réussi à balafrer. (Photo N. C.)

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