Nice-Matin (Cannes)

Rachline : « Une seule ligne au FN, celle de Marine Le Pen » À Fréjus, les avis divergent

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr THIERRY PRUDHON

La démission de Florian Philippot du Front national n’occupait guère de conversati­ons hier à Fréjus. Néanmoins, les personnes rencontrée­s dans la ville du sénateur maire David Rachline ont bien voulu commenter cet épisode politique. « Il doit y avoir un malaise dans ce parti difficile à comprendre. Mais ça reste le deuxième parti de France », remarque Ange, 82 ans, électeur de Jean-Luc Mélenchon. Il souligne «à droite comme chez les socialiste­s il y a aussi des divisions. » Pour Anthony, « c’est un parti qui divise les gens et qui est divisé. Je pense qu’il va couler. Cette démission va fragiliser Marine Le Pen. Philippot a un électorat derrière lui, surtout pour les questions sociales. Là, il ne va rester que les fachos purs et durs. »

L’avenir c’est Marion À la terrasse d’un café, Alain et Arlette, 57 ans de mariage, grattent des cartes de jeu. « C’est personnel entre elle et lui, cela ne devrait pas nous concerner, selon Arlette. C’était une équipe. Il était son bras droit mais il voulait rester à sa place sans rien faire ». Son époux estime que «Marine Le Pen a perdu son parti. Avec elle, ça n’ira pas. » Antoine, retraité et électeur frontiste, juge que « Marine Le Pen a commis une grosse erreur en voulant sortir de l’euro. Elle le paye et Philippot aussi. C’est un parti qui va faire Le départ fracassant et inévitable de Florian Philippot est l’aboutissem­ent d’une Annus horribilis pour le FN. Une année de turbulence­s que rien ne laissait pourtant présager. En septembre dernier, Marine Le Pen faisait la course en tête des sondages présidenti­els, capitalisa­nt jusqu’à près de 35 % des intentions de vote au premier tour. Seul Alain Juppé apparaissa­it capable de lui barrer à coup sûr la route de l’Elysée. Et puis la machine s’est soudain grippée. Louée pour avoir su rénover l’image de son parti, l’affranchir des excès de son père et lui conférer une crédibilit­é, la fameuse dédiabolis­ation, Marine Le Pen n’a pas su trouver un second souffle. C’est même par un trou de souris (21 %) qu’elle s’est frayé un passage vers le second tour de la présidenti­elle.

Fracture idéologiqu­e Les séminaires de réflexion sur le projet frontiste n’ont rien changé à l’affaire. Si la vieille garde des partisans de Jean-Marie Le Pen a été marginalis­ée en douceur, de nouveaux clivages comme la droite et le PS, qui va exploser. Celui qui commence à se frotter les mains c’est Mélenchon, ça m’inquiète beaucoup » regrette-t-il. Et d’ajouter « Philippot est l’un des plus intelligen­ts, il a bien fait de quitter le FN, qui est très mal. Le clan Le Pen est toujours là et Marine toujours sous l’influence de son père que les Français n’aiment pas. Je ne voterai plus... » Enzo, militant du FN est au contraire ravi : « Je n’étais pas pour ce monsieur. Il a mis la zizanie entre le père et la fille, a demandé qu’on change de nom, de logo, il a mis la pagaille dans le parti, a voulu mettre la main dessus. Alors bon vent ! C’est en faisant se sont fait jour, de plus en plus violents, entre deux sensibilit­és antagonist­es. Entre partisans d’une ligne identitair­e centrée sur les questions d’immigratio­n et tenants d’une ouverture aux questions sociales, ces souveraini­stes regroupés autour de Florian Philippot, prosélyte convaincu des bienfaits d’une sortie de l’euro. Entre la ligne libérale incarnée par Marion Maréchal-Le Pen, l’étoile montante du mouvement, et celle souveraino-sociale de Florian Philippot, le fossé n’a cessé de s’élargir, les aigreurs personnell­es de rancir.

Le départ de Maréchal-Le Pen Marine Le Pen, qui avait fait de Florian Philippot son bras droit, séduite par sa vision, son bagout et son sens de la méthode, a longtemps fait mine de ne pas s’en apercevoir. Mais sa nette défaite présidenti­elle, en dépit de sa présence au second tour, a accéléré le processus de décomposit­ion du FN. Les adversaire­s de Philippot, dont l’omniprésen­ce médiatique agace, n’ont pas manqué de faire valoir que le ménage qu’on travaille bien ensuite. Tout va bien, le parti existe et va bien. Il y a eu d’autres départs au FN. Les militants resteront. Marion va revenir, je l’espère. C’est elle l’avenir. » la volonté de sortie de l’euro, puis les atermoieme­nts qui ont suivi, avaient déboussolé l’électorat. Et accentué la claque finale face à Macron. Après la présidenti­elle, les événements se sont précipités. Le 9 mai, Marion Maréchal-Le Pen a annoncé son retrait de la politique, renonçant à se représente­r aux législativ­es dans le Vaucluse. Dans la foulée, Florian Philippot a fondé Les Patriotes, scellant peu ou prou sa future sortie du FN. L’élection de huit députés frontistes en juin, dont celle de Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais, n’a pas suffi à masquer le malaise et les interrogat­ions engendrées par la catastroph­ique prestation de la présidente du FN lors du débat télévisé présidenti­el. Les sept ans de compagnonn­age de Philippot avec le FN, au regard de son profil chevènemen­to-gaulliste et de l’ADN du parti, relevaient presque de l’incongruit­é. Il est donc peu probable que son départ entraîne des défections en cascade. Le FN est loin, pour autant, d’être sorti de sa mauvaise passe. Par CLAUDE WEILL

Cet « extrémiste » de Philippot « Le FN va enfin connaître l’apaisement face à un extrémiste sectaire, arrogant et vaniteux » : c’est en ces termes choisis que Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen, a pris acte de la démission de Florian Philippot. Tandis que Marine Le Pen, faussement désolée, tenait déjà « Florian » pour « politiquem­ent fini ». On n’est pas plus aimable. À se demander comment ils ont pu travailler tant d’années ensemble. Cette violence verbale n’est pas pour surprendre. Elle est dans la culture de la maison. Pas surprenant non plus qu’après la défaite sonne l’heure des règlements de comptes. Entre sociaux-souveraini­stes et libéraux-identitair­es, les désaccords étaient insurmonta­bles. Le chantier de la « refondatio­n » débouche sur une démolition. Un schisme de plus dans une « famille » qui en a tant connus. Et maintenant, « l’apaisement » ? C’est ce que veulent croire les proches de la présidente. Mais venant après une contre-performanc­e électorale qui a jeté le doute sur son aptitude à accéder jamais au pouvoir, cette crise vient entamer encore un peu plus l’autorité de Marine Le Pen. Déjà, à la droite du parti, certains lorgnent du côté de Marion Maréchal-Le Pen. Et si c’était elle? Car les haussement­s d’épaules ne peuvent dissimuler la réalité : le départ de celui qui fut le bras droit et l’inspirateu­r de Marine Le Pen constitue bien, pour elle et son parti, un séisme majeur. Pa seulement parce que l’effondreme­nt du pilier gauche vient déséquilib­rer un édifice justement conçu pour reposer sur deux pieds. Mais parce que la mise à l’écart du « cerveau » du marinisme laisse un vide doctrinal et stratégiqu­e difficile à combler.

Haï par Jean-Marie Le Pen et « Il est à la droite

les tenants de la tradition frontiste, radicale ce que libérale et identitair­e, Philippot est à la droite radicale ce l’ornithoryn­que

que l’ornithoryn­que est au règne est au règne animal : animal : un être hybride. Chevènemen­tiste d’origine, un être hybride. » gaulliste de coeur, il se définit comme « national-républicai­n ». Son projet, combinant social-étatisme à l’intérieur et souveraini­sme à l’extérieur, visait à réunir un front ni gauche-ni droite autour du rejet du libre-échangisme, de l’Europe et de la mondialisa­tion. Le logiciel n’a pas si mal fonctionné. Il a aidé Marine à liquider l’encombrant héritage de Jean-Marie. Et le Front national lui doit son ascension dans les années  et sa spectacula­ire progressio­n dans les milieux populaires. Mais le programme contenait un gros bug : la question de la sortie de l’euro, dont Philippot a fait un point de dogme, alors que l’opération est techniquem­ent quasi-irréalisab­le et politiquem­ent invendable. À toute défaite, il faut un responsabl­e. Cet « extrémiste » de Philippot, avec son fichu euro, fait un bouc émissaire idéal. Cela dispense de s’interroger plus avant sur les causes de l’échec de Marine Le Pen, qui ne tiennent pas seulement aux failles affichées par la candidate lors du débat entre les deux tours, mais aussi, la présidenti­elle l’a confirmé, au fait que le FN n’est toujours pas, aux yeux des Français, un parti « comme les autres ». « Déphilippo­tisé », et même rebaptisé, un FN à droite toute, réconcilié avec le libéralism­e et recentré sur ses fondamenta­ux (immigratio­n et insécurité) aurait-il vocation à devenir majoritair­e? Ou ne serait-il qu’une variante réactualis­ée du FN de papa? À force de virer à droite, il arrive qu’on tourne en rond. Le départ de Florian Philippot du FN propulse le sénateurma­ire de Fréjus David Rachline à la tête du pôle communicat­ion du parti. Une « lourde responsabi­lité » pour celui qui était le directeur de campagne de Marine Le Pen lors de la présidenti­elle. David Rachline dit regretter la décision du vice-président du parti : « Je ne crois pas que le départ de Florian soit positif, assure d’ailleurs le nouveau responsabl­e de la communicat­ion du FN. Il n’était pas prêt à s’engager dans le débat qui va nous permettre de savoir quels axes stratégiqu­es mettre en avant. Car il peut y avoir des débats stratégiqu­es sur différents sujets mais la réalité est que les conviction­s qui sont les nôtres sont celles que portent Marine Le Pen, quels que soient les dirigeants qui l’entourent. Il n’y a qu’une seule ligne au FN : celle de Marine Le Pen. » « Le choix de Florian Philippot, ajoute encore David Rachline, doit nous conduire à avancer, à rassembler les Français. Notre devoir est de répondre à la confiance qu’ont placée des millions d’électeurs en Marine Le Pen lors de la présidenti­elle. Elle incarne l’espoir de notre famille politique, aujourd’hui comme demain, pour que les choses changent. Nous ne ferons pas cela sans elle. »

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Pour Enzo, militant au FN, « tout va bien, le parti existe et va bien. L’avenir c’est Marion ». Selon Alain, ici avec son épouse Arlette « Marine Le Pen a perdu son parti ». (Photos Adeline Lebel)

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