Excédé, il publie la photo du cambrioleur sur Facebook
Le message de cet habitant de Peille a été relayé des centaines de milliers de fois Cette méthode, importée des États-Unis, est-elle légale ? Nous avons posé la question
Dimanche, excédé, un habitant de la commune de Peille postait sur Facebook deux vidéos d’un cambrioleur, tirées des caméras de surveillance de sa résidence secondaire, «visitée» la veille. Ce qu’il n’imaginait pas, c’est le buzz que ces images allaient provoquer, bien au-delà de ses 500 abonnés : 200 000 vues sur la première vidéo, 80 000 sur la seconde. «Au départ, je les avais postées pour informer mes voisins», sourit-il. Cette méthode qui débarque, comme souvent, des États-Unis, est appelée le « doxxing », du mot anglais « to document » qui signifie « documenter ». Il s’agit de diffuser l’identité ou la photo de quelqu’un sur Internet dans le but de le dénoncer ou de le retrouver après avoir compilé des informations sur lui. Un Cluedo 2.0 qui fascine les internautes. Avec tous les abus qui s’ensuivent. Ce fut le cas lors de l’attentat de Boston, le 15 avril 2013. Pour retrouver la trace des terroristes, chacun s’était improvisé enquêteur amateur, amassant les informations sur des forums comme Reddit ou 4Chan. Ce fut un fiasco considérable. S’appuyant sur les photos faites par des anonymes quelques secondes avant l’attentat, chacun essayait de retrouver le, ou les suspects, dans la foule. Déchaînés, les internautes avaient alors ciblé des profils : « Les deux frères au sac à dos »,« le mec à la robe de chambre bleue », « pantalon déchiré »et« Monsieur Cardigan ».
Chasse à l’homme .
Autant d’erreurs dramatiques : aucun de ces suspects désignés par la vindicte populaire n’était le véritable auteur de l’attentat, qui s’avérèrent être les frères Tsarnaev. Les fameux « deux frères au sac à dos » étaient en fait des étudiants dont la vie a été bouleversée par cette chasse à l’homme 2.0. L’un des deux, traumatisé, avait même pris la fuite en courant après avoir entendu un passant dire dans la rue près de lui : « Je viens de voir le gars qui est à la télévision.» Plus récemment, la technique du « doxxing » a été utilisée dans la chasse aux suprémacistes blancs de Charlottesville qui avaient tabassé un noir. Avec son lot de dérapages. En France, en juillet dernier c’est un habitant de Seine-et-Marne qui avait pratiqué le « doxxing »en diffusant le portrait de son cambrioleur. Début août un boulanger de Cannesla-Bocca identifiait grâce à cette méthode l’homme qui avait dérobé des objets personnels dans son arrière-boutique. L’affaire de la disparition de la petite Maël ys a également engendré des dérives inquiétantes. La mode du «doxxing» joue à la frontière avec certains principes du droit, notamment la question de la présomption d’innocence, de la diffamation et de l’injure. Un débat que les internautes, qui ont relayé le post viral sur le cambrioleur de Peille, ont tranché à une écrasante majorité : ils s’accordent pour saluer le geste de ce citoyen en colère.