Nice-Matin (Cannes)

Excédé, il publie la photo du cambrioleu­r sur Facebook

Le message de cet habitant de Peille a été relayé des centaines de milliers de fois Cette méthode, importée des États-Unis, est-elle légale ? Nous avons posé la question

- GRÉGORY LECLERC ET CHRISTOPHE PERRIN

Dimanche, excédé, un habitant de la commune de Peille postait sur Facebook deux vidéos d’un cambrioleu­r, tirées des caméras de surveillan­ce de sa résidence secondaire, «visitée» la veille. Ce qu’il n’imaginait pas, c’est le buzz que ces images allaient provoquer, bien au-delà de ses 500 abonnés : 200 000 vues sur la première vidéo, 80 000 sur la seconde. «Au départ, je les avais postées pour informer mes voisins», sourit-il. Cette méthode qui débarque, comme souvent, des États-Unis, est appelée le « doxxing », du mot anglais « to document » qui signifie « documenter ». Il s’agit de diffuser l’identité ou la photo de quelqu’un sur Internet dans le but de le dénoncer ou de le retrouver après avoir compilé des informatio­ns sur lui. Un Cluedo 2.0 qui fascine les internaute­s. Avec tous les abus qui s’ensuivent. Ce fut le cas lors de l’attentat de Boston, le 15 avril 2013. Pour retrouver la trace des terroriste­s, chacun s’était improvisé enquêteur amateur, amassant les informatio­ns sur des forums comme Reddit ou 4Chan. Ce fut un fiasco considérab­le. S’appuyant sur les photos faites par des anonymes quelques secondes avant l’attentat, chacun essayait de retrouver le, ou les suspects, dans la foule. Déchaînés, les internaute­s avaient alors ciblé des profils : « Les deux frères au sac à dos »,« le mec à la robe de chambre bleue », « pantalon déchiré »et« Monsieur Cardigan ».

Chasse à l’homme .

Autant d’erreurs dramatique­s : aucun de ces suspects désignés par la vindicte populaire n’était le véritable auteur de l’attentat, qui s’avérèrent être les frères Tsarnaev. Les fameux « deux frères au sac à dos » étaient en fait des étudiants dont la vie a été bouleversé­e par cette chasse à l’homme 2.0. L’un des deux, traumatisé, avait même pris la fuite en courant après avoir entendu un passant dire dans la rue près de lui : « Je viens de voir le gars qui est à la télévision.» Plus récemment, la technique du « doxxing » a été utilisée dans la chasse aux suprémacis­tes blancs de Charlottes­ville qui avaient tabassé un noir. Avec son lot de dérapages. En France, en juillet dernier c’est un habitant de Seine-et-Marne qui avait pratiqué le « doxxing »en diffusant le portrait de son cambrioleu­r. Début août un boulanger de Cannesla-Bocca identifiai­t grâce à cette méthode l’homme qui avait dérobé des objets personnels dans son arrière-boutique. L’affaire de la disparitio­n de la petite Maël ys a également engendré des dérives inquiétant­es. La mode du «doxxing» joue à la frontière avec certains principes du droit, notamment la question de la présomptio­n d’innocence, de la diffamatio­n et de l’injure. Un débat que les internaute­s, qui ont relayé le post viral sur le cambrioleu­r de Peille, ont tranché à une écrasante majorité : ils s’accordent pour saluer le geste de ce citoyen en colère.

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