Negresco: «La justice n’a pas vocation à gérer un hôtel» Des salariés inquiets
Le parquet a demandé au tribunal de commerce de mettre un terme à la mission de l’administratrice judiciaire qui gère le palace niçois depuis 4 ans. Le procureur de la République explique sa démarche
Nouvelle péripétie judiciaire dans l’affaire dite du Negresco : le tribunal de commerce pourrait détricoter aujourd’hui l’une des mesures de sauvegarde qu’il avait pourtant lui-même prise en 2013 en s’apercevant que l’emblématique patronne de ce palace art-déco de la promenade des Anglais n’était plus en capacité de gérer ses affaires. Le tribunal doit examiner ce matin la requête du parquet de Nice qui demande à ce qu’il soit mis un terme au mandat de l’administratrice judiciaire, Me Nathalie Thomas, qui depuis quatre ans gère le Negresco en lieu et place de Jeanne Augier (Nice-Matin d’hier). « La justice n’a pas vocation à gérer un hôtel », estime le procureur de la République de Nice qui tient à rappeler le contexte très particulier dans lequel cette mesure de sauvegarde avait été prise.
Une mesure provisoire… depuis quatre ans
« C’était une mesure d’administration provisoire, insiste le magistrat, prise à l’époque par le tribunal de commerce de Nice. C’était en 2013. Tout le monde avait été secoué en découvrant que Mme Augier n’était plus réellement capable de concevoir ce à quoi elle s’engageait. » Une expertise médicale avait alors démontré que la patronne du Negresco, aujourd’hui âgée de 94 ans, souffrait d’une « altération globale, significative et marquée au plan pathologique des fonctions cognitives. » « C’est dans ce contexte de potentiel péril imminent, ainsi que dans un climat de suspicion », rappelle le procureur de la République – puisqu’une information judiciaire est toujours à l’instruction sur un potentiel abus de faiblesse dont aurait pu être victime Jeanne Augier – qu’un certain nombre de mesures d’urgence avaient été prises. Notamment la désignation d’une administratrice judiciaire pour gérer le Negresco.
«Me Thomas a fait un super-boulot », reconnaît Jean-Michel Prêtre qui estime que le provisoire a néanmoins assez duré .
«Rester dans l’immobilisme serait mortifère»
« La justice n’est pas un chef d’entreprise. Ce n’est pas sa vocation et elle n’en a tout simplement pas la compétence. On ne peut pas s’en remettre indéfiniment à l’état de santé de Mme Augier et rester ainsi dans l’immobilisme. Cet hôtel doit pouvoir se doter aujourd’hui d’une direction générale, qui peutêtre la même d’ailleurs. C’est la mission supplémentaire que j’ai demandée au tribunal de commerce. Parce qu’on ne peut pas se contenter d’une gestion en bon père de famille. Ce serait mortifère pour cette entreprise. Le Negresco doit avoir une politique industrielle et commerciale dynamique, à la hauteur de la concurrence pour affronter sereinement l’avenir. » Le procureur de la République de Nice tient d’ailleurs à rassurer les salariés qui n’ont pas manqué de manifester leurs craintes face à ce nouveau chamboulement : « Pour eux, la nomination d’un mandataire ad hoc ne changera rien dans l’immédiat. » Même si une telle décision ne lui revient pas. Il appartient désormais au tribunal de commerce, dont Jean-Michel Prêtre rappelle qu’il est « indépendant », de se prononcer sur sa requête. Ce nouveau rebondissement judiciaire n’a pas manqué d’inquiéter les salariés du palace. Au travers d’un communiqué ils se sont exprimés hier, « dans une très large majorité en faveur du maintien de l’administration judiciaire ». Une délégation entend bien se rendre aujourd’hui devant le tribunal de commerce appelé à statuer sur cette question. Parce que, expliquent les élus membres du comité d’entreprise, « les petits de Madame » sont et seront présents et attentifs à l’avenir de leur « Maison… » Les représentants syndicaux ont été informés le septembre de la requête lors d’un comité d’entreprise convoqué » par Me Nathalie Thomas, « vu l’urgence et le péril imminent sur la bonne marche de l’entreprise ». Dans sa missive aux instances représentatrices du personnel, l’administratrice judiciaire dont la mission est aujourd’hui remise en cause, ne cachait pas sa propre inquiétude qu’elle qualifiait même d’« immense » pour « le fonctionnement de cet hôtel, sa pérennité et son personnel. » Voilà qui n’était sans pas de nature à rassurer les représentants du personnel. Lors de ce comité d’entreprise, ils se sont interrogés sur le paiement de leur salaire à la fin du mois ou encore sur une éventuelle cessation de paiement du Negresco qui… avec près de millions d’euros de trésorerie en banque semble pourtant avoir largement de quoi voir venir. Les efforts de Me Thomas au cours de ces quatre années d’administration ont largement contribué à redresser les comptes et les taux de remplissage de l’hôtel.