Le nid s’agrandit pour les femmes victimes de violences
Après des travaux d’extension, le foyer du Mas Saint-Vincent peut désormais offrir un cocon à plus de parcours, à davantage d’urgences. Point d’étape pour se reconstruire
Devant ses grands yeux, une troupe de regards. Des inconnus, des familiers, des bienveillants. Des dizaines et dizaines de paires de pupilles qui se braquent sur elle en un instant. Silence. Quelques secondes. Si vous croyez que ça suffit à l’intimider, vous vous trompez. Parce qu’aujourd’hui Victorine compte prendre la parole pour ouvrir son coeur. En toute confiance. Le genre de démarche qui en dit long sur le chemin parcouru, long sur les étapes vécues, long sur le courage déployé par cette femme-force. Elle inspire. Se lance. Dans sa voix, l’épure de l’indicible. Cette maman de trente ans évoque les «moments très difficiles» et son arrivée «ici, il y a quatre mois ». Résidente du Mas SaintVincent d’Antibes, elle prend la parole pour poser des mots sur sa reconnaissance. Sur les « valeurs » défendues au sein du foyer d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales qu’elle occupe avec son fils. Sur le soutien constant des équipes pour « renforcer »son« autonomie ». Et sur sa vision de l’avenir.
Pour accueillir mères et enfants
Un projet rendu tout à coup possible. Un nouvel horizon : « Rien n’est impossible à celui qui le veut. Alors j’ai décidé de consacrer ma vie à des oeuvres associatives. De tendre la main aux autres. » Comme un passage de relais qui se concrétise sous les oliviers du site. Là où, d’ici quelques jours, de nouvelles résidentes viendront rejoindre Victorine. Puisque l’établissement vient d’inaugurer l’extension de ses murs. Un événement qui sent la peinture neuve et les besoins imminents. «Les années passent et les appartements ne désemplissent pas. À l’origine nous avons cinq studios pouvant accueillir une mère et son enfant. La liste d’attente continuant de s’allonger, nous avons mené à bien des travaux pour augmenter notre capacité d’accueil », indique Mia Latrille, du bureau national des Équipes Saint-Vincent qui a piloté le projet. Désormais, un T2 et un T3 prennent place dans la maison du regretté donateur, Charles Amourettou (voir ci-dessous). Intérieurs proprets, cuisine fonctionnelle, chambres lumineuses : « Maintenant, des femmes avec deux ou trois enfants peuvent venir s’installer. » Une possibilité ouvrant des perspectives de reconstruction. Si en moyenne les habitantes occupent les lieux pour une durée de « six mois », le foyer n’offre pas seulement un abri. Il permet également de recréer un cocon. Une sphère protectrice pour poser les fondations de sa famille de demain. « Notre équipe de bénévoles et les professionnels qui interviennent proposent des ateliers d’art-thérapie, de soutien scolaire pour les enfants ou encore d’informatique. En parallèle, un suivi psychologique est également programmé», indique Mia Latrille en jetant un oeil à la petite tente de cirque pour minots occupant une salle commune : « Les enfants sont également suivis. Ils ont eux aussi besoin de parler. Et besoin de vivre leur enfance. Ici, ils le peuvent. »
« Tous les âges, toutes les catégories sociales »
Une bulle temporaire avant de passer définitivement le portail. Une fois un logement et un travail en poche : « Le but est de retrouver une situation stable. Quand certaines anciennes reviennent nous voir, c’est avec beaucoup d’émotion. Mais je ne vais pas vous mentir, elles sont rares. Pour la majorité, ce lieu – même si elles ont pu se relever ici – cristallise les souvenirs de leur vie d’avant. » Un quotidien inimaginable par ceux qui ne l’ont vécu. Le drame silencieux qui dévore l’esprit. Jusqu’au point de non-retour. Alors pour faire face aux situations d’urgence, le Mas SaintVincent vient d’ouvrir deux studios : « Une mère et son enfant peuvent être logés ici. C’est du très temporaire mais dans ce cas-là il s’agit de mettre à l’abri des femmes dont la vie est en danger immédiat. » Des visages et des silhouettes qui, contrairement à de nombreuses idées reçues, ne se ressemblent pas. À chacune son parcours, ses blessures, son passé : « Tous les âges, toutes les catégories sociales sont touchées par cette précarité. Il n’y a pas de règle en la matière. » Un havre pour les coeurs en quête d’une paix intérieure.