Terrorisme : un combat collectif
Aucune recette miracle, évidemment. Le débat citoyen organisé hier à Nice sur la lutte contre la barbarie a surtout permis d’évaluer l’ampleur de la tâche, qui appelle des réponses multiples
On aimerait tellement que cet homme de 85 ans, qui s’est proposé de livrer (en privé) à Christian Estrosi la clé d’une ville 100 % prémunie contre le terrorisme, détienne la recette miracle. Il est à craindre, hélas, que ce ne soit pas le cas. « On n’est plus à l’époque d’un terrorisme sophistiqué où, pour abattre deux tours, il fallait des millions et des mois voire des années de préparation. Aujourd’hui, le terrorisme low cost peut faire des dizaines de morts avec un simple camion. » Ouvrant hier soir le dialogue citoyen organisé dans sa ville, en lien avec l’Union européenne et en partenariat avec Nice-Matin ,sur les défis que nous impose le terrorisme, Christian Estrosi a d’emblée imagé la terrifiante complexité du problème. A défaut de solutions toutes faites, le débat
(1) aura surtout montré la nécessité de réponses multiples. Forcément. Qu’elles soient sécuritaires, éducatives, religieuses, culturelles. Au gré des questions du public, la lutte contre la barbarie s’est esquissée dans un chapelet de ripostes encore balbutiantes. Améliorer la coopération européenne, lutter contre la propagande en ligne, imaginer des dispositifs urbains de protection : il faut bien l’avouer, la contre-attaque se nourrit encore de pis-aller. Seule certitude affichée, l’exigence d’une mobilisation collective et plurielle.
Un arsenal sécuritaire
Est-il possible d’empêcher les islamistes de communiquer entre eux, via les réseaux sociaux ? « Huit fois sur dix, les contenus incitant à la haine sont supprimés. Mais il faut aller plus loin. Nous devons être prêts à légiférer si les opérateurs ne le font pas spontanément », a insisté Julian King, commissaire européen à la sécurité. Qui s’est aussi voulu rassurant : « Les contrôles aux frontières extérieures de la zone Schengen ont été renforcés pour lutter contre le retour des djihadistes. On est beaucoup mieux organisé maintenant qu’il y a dix-huit mois. On croise les fichiers au niveau européen. » Christian Estrosi, de son côté, a défendu la pertinence d’un arsenal sécuritaire innovant, qui passe notamment à ses yeux par l’autorisation de la reconnaissance faciale : « Si nous avions la possibilité de l’utiliser, avec la vidéosurveillance, sur un groupe de 400 personnes, lorsque l’une d’elles apparaîtrait en rouge, on saurait tout de suite qu’elle est fichée S. Et on pourrait intervenir immédiatement. »
Un défi éducatif aussi
Mais puisque la surenchère sécuritaire ne mettra jamais à l’abri des entreprises suicidaires des plus fanatiques, il faut aussi s’attaquer aux racines du mal en prévenant la radicalisation, des jeunes principalement. Un travail de longue haleine qui, chacun en est convenu, doit mobiliser aussi bien l’école que les parents ou les associations pour lutter contre ce «romantisme malsain qui pousse certains vers le djihad », évoqué par une grand-mère inquiète. « Il faut prévenir à tout prix, parce qu’on n’obtiendra jamais le risque zéro, a acquiescé Christian Estrosi. Les terroristes seront toujours assez inventifs pour contourner les dispositifs de protection mis en place. Il faut une conjugaison des forces de l’Education nationale, des religions, qui doivent enseigner le bien contre le mal, mais aussi des parents qui doivent signaler leurs difficultés. Tout le monde doit être un maillon. » Et le maire de Nice de fustiger «le communautarisme, plus grand fléau de notre société », en vantant au passage l’attitude de ses grandsparents qui l’ont empêché, enfant, de parler l’italien, de façon à ce qu’il « s’assimile » plus aisément. Lui faisant écho, Julian King a relevé que « la plupart des dernières attaques en Europe ont été réalisées par des gens qui ne sont jamais partis faire le djihad ». En conclusion, Christian Estrosi a plaidé pour « une meilleure coopération de l’Union européenne avec les collectivités territoriales, par le biais d’aides financières aux villes prenant des initiatives ». Ce sera l’un des objets du rendezvous des maires européens face au terrorisme, aujourd’hui à Nice.