Nice-Matin (Cannes)

Soupçonné de terrorisme à cause de son téléphone

À cause du piratage de sa ligne téléphoniq­ue, Bernard, 58 ans, a passé une trentaine d’heures en garde à vue, soupçonné de «menace terroriste». Il se bat pour prouver son innocence

- SANDIE NAVARRA snavarra@nicematin.fr

Quand on est un honnête citoyen, on n’a pas à subir tout ça ! » Bernard, 58 ans, ne s’est toujours pas remis de sa mésaventur­e qui lui a valu une trentaine d’heures de garde à vue. « L’affaire » commence le 9 juin dernier. En début d’après-midi, le retraité cannois reçoit un appel du commissari­at, l’informant qu’il doit se présenter de toute urgence dans leurs locaux. Bernard pense alors à un canular. Dans la foulée, un restaurate­ur voisin lui téléphone, pour l’informer qu’une quinzaine de pizzas ont été commandées avec son numéro. L’appel aurait en effet été passé depuis sa ligne fixe... Mais le commerçant a flairé la blague, et rappelé dans la foulée.

Interpellé et menotté à son domicile

Moins d’une heure plus tard, Bernard et son épouse Martine s’apprêtent à aller faire des courses, sans plus se préoccuper de ces mystérieux coups de fil. « J’attendais mon mari dans la rue, devant chez nous », retrace Martine. Six policiers, en gilet pare-balle et armés jusqu’aux dents, font alors irruption dans l’immeuble situé en centre-ville, rue EmileNégri­n, interpelle­nt le quinquagén­aire et pénètrent chez lui. « Ils m’ont menotté, demandé si j’avais des armes, raconte Bernard, abasourdi. Ils m’ont ensuite ramené à pied, menottes aux poignets, jusqu’au commissari­at ! J’ai traversé la ville ainsi. » Une fois sur place, il apprend qu’il est placé en garde à vue pour «menace terroriste». De graves accusation­s, incompréhe­nsibles pour le couple, elle ancien adjudant de l’armée, lui excommerci­al. « Tout est en fait parti d’un coup de fil passé au commissari­at, menaçant de faire sauter l’endroit. L’appel aurait été passé depuis notre téléphone fixe. Sauf qu’après avoir demandé un relevé téléphoniq­ue à notre opérateur, aucun appel n’a été émis à cette heure-ci de chez nous ! » s’indignent les époux.

La technique du spoofing

Une situation ubuesque que tous deux ont bien du mal à justifier. Bernard est ainsi interrogé à plusieurs reprises, et passe la nuit dans les geôles du commissari­at. « Un cauchemar éveillé ! Je n’ai pas voulu d’avocat, je n’avais rien à me reprocher. On m’a fait examiner par un psy, et pris mes empreintes. » Le Cannois est finalement libéré le lendemain aprèsmidi. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. « Dès mon retour chez moi, je me suis renseigné sur Internet. Et j’ai trouvé de nombreux sites où il était possible de pirater des numéros de téléphone. Cela s’appelle du spoofing. C’est une technique très répandue » (lire ci-dessous, Ndlr). Bernard dépose plainte pour « usurpation d’identité ». Mais ce n’est pas pour cela qu’il est reconvoqué la semaine dernière. « Je me suis présenté... et on m’a remis en garde à vue, en me reposant les mêmes questions ! » Le « calvaire » dure cette fois-ci sept heures. « C’est grâce au commerçant, qui s’est présenté au commissari­at pour expliquer l’histoire de la fausse commande, que j’ai été libéré ! »

Un combat pour être blanchi

Une enquête est toujours en cours. « On m’a informé que le procureur avait six mois pour poursuivre ou classer l’affaire. Je n’ai toujours pas de nouvelles concernant ma plainte. » Aujourd’hui, l’inquiétude se mêle à la colère. « J’ai un casier vierge. Je ne veux pas être fiché, encore moins pour terrorisme! Nous voyageons souvent, je ne veux pas avoir de problème ou être refoulé d’un pays pour cette histoire ! Mais là encore, ce sera à moi d’effectuer des démarches, de demander des justificat­ifs pour que mes empreintes ne soient pas fichées ou répertorié­es. » Bernard compte bien obtenir justice. Pour lui, et pour que cette situation ne se reproduise pas. «Je ne suis pas croyant, je n’adhère à aucun parti politique, je n’ai rien contre la police... Si ça m’est arrivé, ça peut arriver à n’importe qui ! »

 ??  ??
 ?? (Photo S.N.) ?? Bernard et son épouse Martine espèrent obtenir justice rapidement.
(Photo S.N.) Bernard et son épouse Martine espèrent obtenir justice rapidement.

Newspapers in French

Newspapers from France