Nice-Matin (Cannes)

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Interpellé puis libéré à Lyon, l’agresseur de la gare Saint-Charles faisait l’objet d’une obligation de quitter le sol français. Ce drame met en lumière la réalité de ces mesures, souvent sans effet

- CHRISTOPHE CIRONE ET CHRISTOPHE PERRIN ccirone@nicematin.fr chperrin@nicematin.fr

La polémique fait rage, depuis les révélation­s sur le parcours de l’assassin de la gare SaintCharl­es. Pourquoi Ahmed Hannachi, interpellé puis libéré à Lyon à la suite d’un vol à l’étalage (qui n’a pu être établi), n’a-t-il pas été expulsé ? Ce Tunisien en situation irrégulièr­e faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais cette mesure est trop rarement appliquée, dénoncent, un brin désabusés, les acteurs de la sécurité sondés par Nice-Matin. Décryptage en cinq points.

6 Une « obligation » non contraigna­nte

Délivrée aux étrangers en situation irrégulièr­e, l’OQTF les enjoint à repartir par leurs propres moyens sous trente jours, ou sans délai dans certains cas. « Il s’agit d’une obligation délivrée par l’autorité administra­tive. Ce n’est donc pas une mesure coercitive de l’autorité judiciaire », précise Laurent Laubry, délégué départemen­tal du syndicat Alliance-police nationale 06. « L’OQTF n’est pas une obligation mais une invitation à quitter le territoire. En pratique, on ne les oblige jamais ! », décrypte Jean-Luc Chaudron, délégué départemen­tal Unité SGP FO 06 pour la police aux frontières. Or cette « invitation », rares sont les candidats à l’accepter.

5 Une mise en oeuvre compliquée

En théorie, les étrangers incarcérés alors qu’ils font l’objet d’une OQTF doivent être expulsés à leur sortie de prison. « Mais c’est très rare. Et ça ne se passe pas toujours bien... », constate Jean-Luc Chaudron. Les expulsions en avion s’avèrent parfois houleuses. « Pour peu que l’individu s’agite un peu trop à l’embarqueme­nt, le commandant de bord peut décider de ne pas l’emmener », relate Laurent Laubry. Dans ce cas, retour au centre de rétention administra­tif, où des associatio­ns l’informent sur ses droits. Notamment sur la possibilit­é de faire appel de la mesure d’éloignemen­t.

3 Les ratés de la communicat­ion

Le ministre de l’Intérieur a ouvert une enquête administra­tive sur les éventuels ratés à Lyon. Mais difficile de feindre la surprise, quand on découvre que l’assassin de Maurane et Laura restait sur le sol français malgré l’obligation de le quitter. Ainsi à Nice, chaque semaine ou presque, des étrangers en situation irrégulièr­e comparaiss­ent en correction­nelle. Fin août, un ressortiss­ant marocain, condamné à trois reprises pour s’être maintenu illégaleme­nt en France, y était jugé pour l’agression présumée d’une prostituée nigériane. Relaxé au bénéfice du doute, il a été remis en liberté. Lors de son interpella­tion, le dernier week-end d’août, le parquet n’est pas parvenu à joindre la personne idoine en préfecture...

1 Les réticences du pays d’origine à coopérer

Coûteuses, complexes voire chaotiques, les procédures d’expulsion

se heurtent à un autre obstacle : les réticences du pays d’origine à accueillir un sujet indésirabl­e. «Le pays d’accueil utilise tous les moyens pour ne pas récupérer son ressortiss­ant, qui en général n’est pas clair », remarque Alain Marsaud, ancien chef de la cellule centrale de la lutte antiterror­iste. De plus en plus, les consuls du maghreb refusent ainsi de reconnaîtr­e qu’il s’agit de leurs ressortiss­ants. Apatrides, ils deviennent dès lors inexpulsab­les.

/ Un manque de volonté politique ?

Pour Alain Marsaud, le non-respect des OQTF n’est pas qu’un problème de moyens. « En réalité, c’est un manque de volonté politique, un problème d’idéologie et de paresse intellectu­elle », fulmine l’exdéputé

LR. Renvoyant dos à dos droite et gauche, il dénonce l’abandon de la double peine sous Sarkozy : « Le Tunisien qui a commis l’attentat de Nice aurait pu être expulsé et n’aurait pas tué ces 86 personnes ! » Laurent Laubry appelle à une «volonté politique claire. Est-ce qu’on veut agir ou subir? » Jean-Luc Chaudron le rappelle : les policiers n’ont pas attendu le drame de Marseille pour signaler ces difficulté­s. « Heureuseme­nt que les collègues font leur travail et sont motivés ! Mais on n’est pas écoutés. Et quand ils voient le résultat, ils sont désabusés... »

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(Ph. PQR/Le Parisien) L’émotion, hier, aux obsèques des jeunes femmes.

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