Nice-Matin (Cannes)

Au boulodrome Troncy, on refait le monde

-

La Bocca change au fil des décennies, mais s’il est une tradition qui perdure, c’est bien la pétanque. L’après-midi, au boulodrome Troncy, les boulistes jouent et les autres commentent. Au comptoir de la buvette, on aime blaguer entre deux parties et sur les bancs, on refait le monde… Bernard, 73 ans, regarde les habitués tirer au fer. Assis sur un banc avec deux amis, il se souvient de son enfance. «En face, il y avait l’abattoir avec des platanes sur toute la voie, raconte-t-il, et les rails d’un tramway qui ne fonctionna­it pas… Ici, c’était un terrain vague et un peu plus loin, il y avait le lavoir. »

Un lieu attractif

L’Histoire est aussi bien présente dans la mémoire collective. « Étant petit, j’ai vu un avion américain tomber du ciel pendant la guer re… » se souvient Raymond, assis un peu plus loin dans ce boulodrome situé à quelques mètres des avenues Michel-Jourdan et Francis-Tonner. «À La Bocca, il y avait des champs », raconte André, 77 ans, gilet noir sur le dos et canette de soda à la main. Le nom même du quartier provient d’ailleurs du provençal «las boucas», «les petites bouches», désignant l’embouchure des ruisseaux de la Roquebilli­ère et de la Maïre (Croix des Gardes). « Avec les autres Boccassien­s scolarisés à Jules-Ferry, on nous appelait ‘‘les paysans’’, ajoute André. « Il fallait se bagarrer!» Encore aujourd’hui, certains se sentent à la marge. « Nous payons autant d’impôts que les autres Cannois, mais c’est de plus en plus mort, ici, estime Henri, 67 ans. Surtout le dimanche où le boulodrome est fermé. L’ouverture de la Bastide Rouge (lire par ailleurs, N.D.L.R.), nous n’attendons que ça ! » Pourtant, le boulodrome attire luimême des résidents de toute la région cannoise et au-delà : Grasse, La Roquette, Pégomas, Le Cannet, Cannes centre… Il faut dire qu’à La Bocca, le moindre morceau de terrain sert à une partie de boules, devant les bars notamment. « On jouait même autour du boulodrome auparavant, ajoute Henri. Le bistro qui se trouvait derrière avait son propre espace de pétanque, mais il a fermé. »

« On est solidaires »

Les 162 licenciés se retrouvent toute la semaine sauf le dimanche. Régulièrem­ent, des concours sont organisés… Pour son attractivi­té, le quartier peut déjà compter sur sa conviviali­té ! Et le matin aussi, quelques habitués se retrouvent pour bavarder. La discussion a lieu devant le marché couvert, précisémen­t où se trouvait autrefois l’entrée de l’abattoir. Le rendez-vous a un nom : c’est « Radio Platane », car l’endroit était jadis entouré d’arbres (voir les photos historique­s ci-dessous). Ici, l’on parle de sport surtout, des actualités internatio­nales ou de la vie du « village » boccassien. «Cannes est une belle ville, mais enfin, c’est un peu luxueux, confie Louis, résidant le Suquet. ÀLa Bocca, on est solidaires. » Et on aime plaisanter. « On regarde passer les femmes. plus elles sont âgées, mieux on les regarde ! » dit Robert, l’air malicieux.

 ??  ?? Des habitants de toute la région cannoise se retrouvent au quotidien sur le terrain couvert par l’ancien maire Bernard Brochand. Des concours de pétanque y sont organisés régulièrem­ent.
Des habitants de toute la région cannoise se retrouvent au quotidien sur le terrain couvert par l’ancien maire Bernard Brochand. Des concours de pétanque y sont organisés régulièrem­ent.

Newspapers in French

Newspapers from France