Nice-Matin (Cannes)

L’accusé de La Penne : « Je ne comprends pas mon acte»

Après une sortie de route, Denis Chevalley, 53 ans, a abattu à La Penne en décembre 2014 un automobili­ste, père de famille sans histoire. Un geste insensé que les experts ont du mal à analyser

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Je suis accablé par la mort de cet homme et je ne comprends pas mon acte. J’y travaille, je cherche mais je butte.» Denis Chevalley, jugé depuis lundi pour avoir tué au fusil à pompe André Vidor, 50 ans, un automobili­ste à La Penne, le 27 décembre 2014, semble plongé dans un abîme de perplexité. Le jour du drame, il avait perdu le contrôle de sa Ford, qui avait fini à la verticale dans un ravin. Il a ensuite perdu le contrôle de ses nerfs en remontant sur la route. Un paisible employé de supermarch­é de Villeneuve-Loubet l’a payé de sa vie. En détention, l’accusé suit des études littéraire­s et rencontre chaque semaine un psychologu­e. Il n’a pas trouvé, dit-il, l’explicatio­n à son comporteme­nt criminel. La plupart du temps tête basse dans le box vitré, il s’exprime avec aisance : « À la fin de cette année-là (ndlr : 2 014), j’étais très tendu, en conflit avec ma compagne au sujet de ma fille. J’ai eu recours aux médicament­s pour me soulager. Je n’ai pas la vérité. Mais cela a, peut-être, induit mon comporteme­nt. » Me Sandrine Reboul et Me Laurent Denis-Peraldi, avocats des proches d’André Vidor, abordent les éventuels remords de l’accusé: «Avez-vous pensé à vous manifester auprès des victimes ? » « C’est une démarche que je souhaitais faire, répond Denis Chevalley. J’y ai pensé quand j’ai reçu l’ordonnance de mise en accusation. Mais je ne voulais pas que cela soit interprété comme une manoeuvre. Depuis le premier jour, j’avais cette intention. » « Vous êtes le seul accusé qui ne m’a jamais demandé de déposer une demande de mise en liberté. Pourquoi ? », interroge à son tour Me Eric Scalabrin, son conseil. « J’ai plongé une famille dans le drame. Jamais, je ne me suis imaginé dans une situation pareille. C’est une épreuve de tous les jours. Une culpabilit­é que je porte au quotidien. »

La pulsion d’un amateur d’armes

Le jour du drame, Denis Chevalley, licencié d’un club de tir, voulait à tout prix essayer sa nouvelle lunette de visée : « En stand, la portée n’est que de 100 mètres, se justifie-t-il. Je voulais faire des réglages en montagne de mon nouveau matériel ». Le 27 décembre, la femme de l’un de ses amis d’enfance, agricultri­ce, lui a refusé à deux reprises de s’entraîner sur son terrain. Elle le décrit « excité »:« Il refusait de partir et j’ai appelé les gendarmes. Il était tellement énervé qu’il en perdait son élocution et l’équilibre. Pour moi il n’était pas en état de conduire. »

« Il manque des pièces au puzzle »

L’avocat général Karcenty creuse ce sillon pour brosser le portrait d’un homme si calme en apparence qui peut soudain se métamorpho­ser. Sa pulsion irrépressi­ble de tester son arme a laissé derrière elle un champ de ruines. L’ex-femme d’André Vidor, mère de leur fille unique de 13 ans, en témoigne. Tout comme Rolande, sa soeur aînée, en larmes. Leur bouleversa­nte déposition permettra-t-elle de libérer la parole de l’accusé qui évoquait jusqu’à présent « un accident »?« Pour maman, pour moi, j’aimerais connaître la vérité. Qu’il retrouve la mémoire », confie Rolande, dont la voix se brise à l’évocation de son frère. « Ne rien dire, c’est comme si la mort d’André était un détail. » « Je suis très touché par ces récits », admet Denis Chevalley. Puis après un long silence, il ajoute : « Je ne peux pas fournir d’explicatio­ns. » « Assumez vos actes », exhorte Rolande, à l’adresse de l’accusé. Deux experts viendront finalement, tard hier soir, à la rescousse de l’accusé. Cet homme banal, dénué de maladie mentale, a pu, selon eux, se retrouver dans un état de confusion mentale. L’accident, l’abus d’alcool et de médicament­s ont sans doute joué un rôle funeste. Le docteur Patrick Sajet, psychiatre, l’avoue aussitôt avec humilité : « Il manque des pièces au puzzle. »

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(Photo Jean-François Ottonello) Rolande Vidor, la soeur d’André Vidor, à l’adresse de l’accusé : « Ne rien dire, c’est considérer la mort d’André comme un détail. »

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