Nice-Matin (Cannes)

Draguignan : à  ans, il vit dans un garage du centre-ville

Pour Pierre Quell, la descente aux enfers a commencé au décès de son amie. Sans ressources, cet ancien ingénieur agronome vit depuis quatre mois dans un garage

- PROPOS RECUEILLIS PAR EMERIC CHARPENTIE­R. (1) Associatio­n varoise accueil familial.

Il refuse toute pitié mais souffre d’avoir perdu sa dignité. Voilà plus de quatre mois que Pierre Quell, 66 ans, vit sans ressources dans un garage, au fond de l’impasse Max-Dormoy, en plein centre-ville de Draguignan. En racontant son histoire, l’émotion le gagne et des larmes coulent sur les joues de ce grand gaillard. Il s’en excuse. Rencontre...

Comment en êtes-vous arrivé à vivre dans ce garage ?

Je n’ai pas d’enfant, je vivais à La Motte avec une amie qui est morte il ya  ans. Ses deux enfants ont récupéré l’appartemen­t car ils voulaient le vendre. Et je me suis retrouvé à la rue. Heureuseme­nt, il me restait ce garage que je loue depuis dixsept ans. Quand j’ai dû partir, j’ai mis toutes mes affaires dedans. Avant, j’arrivais à vivre, mais depuis quatre mois on m’a coupé ma retraite. Je ne touche plus que  euros par mois, je ne peux pas vivre avec ça. Et je ne peux plus payer le loyer du garage. Heureuseme­nt que son propriétai­re me laisse encore l’occuper.

Quel métier exerciezvo­us ?

J’étais dans la biologie, l’agronomie. Quand j’étais plus jeune, je m’occupais d’une ferme bio en Gironde. Ensuite j’ai beaucoup travaillé à l’étranger, en Suisse, en Angleterre, et aujourd’hui, on me dit que je n’ai pas de droits. J’ai un certain niveau de culture, je parle anglais couramment et je me retrouve dans un garage. On me fait courir d’une administra­tion à l’autre, personne n’est capable de gérer ma situation. On s’amuse avec la vie des gens...

Alors de quoi vivez-vous ?

Je fais de la récupérati­on, je démonte, je recycle. Pour avoir de la lumière le soir, je récupère des vieilles batteries, je branche des pinces et une ampoule. J’ai toujours été indépendan­t. Je sais faire avec mes mains ce dont j’ai besoin. Je remplis le caddie que j’ai là et je fais les vide-greniers quand ce n’est pas trop loin. Je ne veux pas aller faire l’aumône dans la rue, je vis de la charité des gens sans savoir ce que je vais manger dans la journée. Quand la maraude passe le soir, comme je suis en bout de tournée, il arrive qu’elle n’ait plus rien pour moi. J’ai un petit réchaud à gaz mais quand je n’ai pas de sous pour acheter une recharge, je mange froid. Je dors par terre dans le peu de place qui me reste car j’ai toute ma vie dans ce garage, mes

On me prend pour un ivrogne. Je ne bois pas, je ne fume pas ” vêtements, mes motos

d’autrefois. Je vide tout cela petit à petit, je vends pour pouvoir subsister. J’ai une bonne consistanc­e mais j’ai déjà perdu beaucoup de kilos et je sens que je perds mes forces, que je dépéris chaque jour un peu plus et qu’avec l’âge, je me dégrade encore plus rapidement. J’ai besoin de calcium, de vitamines C mais je ne peux pas m’acheter du lait, des oranges. On va finir par me faire crever. Je me demande quel crime j’ai commis pour me retrouver dans une situation comme celle-là.

Vous êtes-vous tourné vers des associatio­ns caritative­s ?

J’ai eu des bons des Restos du coeur, mais je me suis pris la tête avec eux car, soidisant, je ne dois pas aller chez eux mais à l’A.V.A.F (). On me prend pour un ivrogne alors que je ne bois pas, je ne fume pas. Alors qu’à l’A.V.A.F, il n’y a que de ça. Des gens qui mendient toute la journée pour acheter de l’alcool, qui ne respectent rien. Moi ce n’est pas ma vie ! Et quand je me retrouve face à ces individus, je me fâche. Je ne comprends pas qu’on en fasse autant pour ces genslà et que ceux qui veulent vraiment s’en sortir, on s’en foute. La France, pays des droits de l’homme ? Des droits de m... oui ! Je suis allé voir en mairie une assistante sociale, elle fait ce qu’elle peut et même ce qu’elle ne devrait pas faire en s’occupant de moi en dehors de son travail. Mais rien n’avance, on est dans un système, dans une hiérarchie administra­tive, on rentre dans des cases ou pas. On me demande des papiers que je n’ai pas ou que je n’arrive pas à me procurer quand j’ai accès à internet.

Comment faites-vous pour votre hygiène ?

J’utilise les w.c du CCAS et de temps en temps, je vais me laver à Promosoins en espérant qu’il reste un peu d’eau chaude. Car là encore j’en vois beaucoup qui y sont tout le temps et c’est chacun pour sa pomme.

Si vous aviez un voeu, un espoir aujourd’hui ?

Trouver un petit travail, un gardiennag­e, n’importe quoi. Je sais faire beaucoup de choses, je suis prêt à travailler. Aujourd’hui, je n’ai plus confiance dans la société et le pire, c’est que cela n’arrive pas qu’à moi.

Je ne sais pas ce que je vais manger aujourd’hui ” La France, pays des droits de m... ”

 ??  ?? Privé de retraite, Pierre Quell s’est retrouvé à la rue du jour au lendemain. Quand il arrive à recharger son portable, on peut le joindre au ..... (Photos Philippe Arnassan.)
Privé de retraite, Pierre Quell s’est retrouvé à la rue du jour au lendemain. Quand il arrive à recharger son portable, on peut le joindre au ..... (Photos Philippe Arnassan.)
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