Nice-Matin (Cannes)

Questions à... « On avait brûlé le slip de Curbelo

- Demain : interviews de Christian Estrosi et Jean-Pierre Rivère

Il devrait écrire un livre. Pendant  ans, Albert Gal, alias ‘‘Bébert’’() a eu tous les joueurs niçois entre ses mains. Kiné légendaire du Gym et soigneur étoilé de l’équipe France, il nous raconte son centre du monde.

‘‘Bébert’’, tu es encore très jeune, pourtant tu as vu naître le Parc des Sports de l’Ouest ....

C’était un beau bébé. L’enfant du président Roger Loeuillet qui tenait à ce que son Gym ait un centre d’entraîneme­nt. Ça peut paraître fou, mais on était des précurseur­s. A l’époque, le football français, c’était le système D. Sauf pour Saint-Etienne qui avait plusieurs longueurs d’avance sur tous les autres clubs. Avant, le Gym s’entraînait au Ray. Pas dans le stade, non, sur un terrain annexe qui, plus tard, est devenu un parking. C’était plutôt spartiate...

C’est la mairie qui avait financé le centre...

Elle finançait tout. Le club vivait grâce à sa subvention. Et Jacques Médecin avait l’oeil. Un jour, l’ancien maire de Nice passe nous voir au centre. Il revenait des États-Unis où un kiné lui avait soigné des douleurs à l’épaule à l’aide d’une machine révolution­naire le ‘‘Dia pulse’’ qui envoyait des ondes électromag­nétiques. C’était le début de ce genre de pratique. Il me dit : ‘‘Bébert, tu dois avoir cet appareil. Je m’en occupe.’’ Quelques semaines après, j’avais le ‘‘Dia pulse’’ qui pourtant coûtait une fortune. Ça marchait comme ça.

Tu travaillai­s dans quelles conditions ?

J’avais  mètres carrés. Une cave, quoi. Au début, j’allais au centre deux fois par semaine. Puis tous les matins. Quand j’ai pu enfin avoir une petite salle de soins à côté du vestiaire des pros, c’est moi qui ai repeint les murs et qui l’ai aménagée. Dans la majorité des clubs, les kinés ne travaillai­ent pas sur place, mais dans leur cabinet. Ils n’allaient même pas au match. Les médecins non plus. Les joueurs se rendaient chez le docteur Pougheon. C’est l’ami Parienti qui fut le premier médecin à exercer au centre. Moi, j’ai très vite suivi l’équipe partout. Je m’occupais de tout. Sauf des opérations (rires). Quand je vois l’organisati­on aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir vécu la préhistoir­e...

La première scène qui te revient en mémoire...

La pesée des joueurs tous les lundis sous le regard de Jean Snella (entraîneur de  à ). Le coach veillait au poids de chacun. Quand un joueur avait grossi, il devenait fou. C’est moi qui les faisais passer sur une balance à l’ancienne avec les poids. C’était folkloriqu­e. Les uns essayaient de tricher, les autres trafiquaie­nt la balance. Moi, j’avais envie de rire, mais Snella, lui, ne plaisantai­t pas sur le sujet.

Une bagarre ?

Elles resteront à jamais dans le vestiaire... Ah oui, il y en a une que je peux te raconter. Un jour, Jean-Pierre Adams gare sa voiture sur le parking et là, il surprend trois hommes en train de frapper une femme. Il s’interpose et en envoie deux au tapis. Faut dire que c’était un costaud Jean-Pierre ! La dame le remercie et lui nous rejoint au vestiaire. Un quart d’heure après, on voit débarquer six hommes. Des gros bras. C’étaient des ‘‘macs’’. Des proxénètes qui venaient de corriger une de leurs filles. Ils cherchaien­t Jean-Pierre. Tous les joueurs sont sortis pour faire le coup-de-poing. Avec Adams, Isnard, Ascery ou Jouve, les choses se calmaient très vite...

Un joueur qui t’a marqué ?

Leif Eriksson. Il arrivait au centre en costume. Son casier était toujours impeccable. Son linge propre, plié, repassé. Il cirait ses chaussures. Nettoyait ses crampons. Un ovni.

Le plus drôle ?

Le duo Marsiglia-Ricort. Tous les matins, René et Roger venaient me raconter une histoire. La journée était gagnée.

Le plus superstiti­eux ?

Carlos Curbelo. Il passait toujours le premier au massage. Il y avait un rituel entre lui et moi. Il me disait : ‘‘Bébert, fais-moi un massage internatio­nal parce que ce match, je ne le sens pas’’. Et je devais lui répondre mot pour mot : ‘‘Ça tombe mal, Carlos, parce qu’aujourd’hui je ne suis pas en forme’’. Quand je répondais autre chose que ça, il me faisait recommence­r. Un jour, il est même parti sans se faire masser parce que j’avais un trou de mémoire. Dingue ! Carlos a porté le même slip en match pendant des mois, peut-être des années. Le slip a fini en miettes. Quand il accepté de s’en séparer, on l’a brûlé devant le vestiaire avec tous les joueurs autour. Le rite sacré a tellement bien marché qu’on a perdu je ne sais plus combien de matchs d’affilée après. Carlos expliquait toutes les défaites par un mot : ‘‘le slip’’.

Les rapports joueurs - journalist­es ?

Dans les années , , les joueurs attendaien­t et lisaient tous les papiers de Julien Giarrizzi. Quand ce fameux journalist­e de Nice-Matin les avait taclés, c’est Julien lui-même qui était attendu dans le couloir menant au vestiaire. Parfois, ça chauffait. Demande à Jean Chaussier, l’alter ego de Julien, lui aussi doit s’en souvenir...

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