Nice-Matin (Cannes)

Le film de la semaine Aux frontières de l’illusion

Rencontre inattendue au Palais

- CÉDRIC COPPOLA PHILIPPE DUPUY C. C.

De Denis Villeneuve (États-unis). Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto. Durée :  h . Genre : science-fiction. Notre avis : ★★★★ En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par Bioingénie­rie. L’officier K (Ryan Gosling) est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’interventi­on d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard (Harrison Ford), D’Eric Toledano et Olivier Nakache (France). Avec Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche. Durée :  h . Genre : comédie. Notre avis : ★★★ Max (Jean-Pierre Bacri) est traiteur depuis trente ans. Des fêtes, il en a organisé des centaines, il est même un peu au bout du parcours. Aujourd’hui, c’est un sublime mariage dans un château du XVIIe siècle, un de plus, celui de Pierre et Héléna (Benjamin Lavernhe, Judith Chemla). Comme d’habitude, Max a tout coordonné : il a recruté sa brigade de serveurs, de cuisiniers, de plongeurs, il a conseillé un photograph­e (J.-P. Rouve), réservé un DJ (Gilles Lellouche), arrangé la décoration florale, bref tous les ingrédient­s sont un ancien Blade Runner des décennies. Depuis 35 ans, les fans du film culte de Ridley Scott attendent une suite à la hauteur. Et si le cinéaste, plongé dans sa saga Alien n’est pas aux commandes, Denis Villeneuve, déjà auteur de Premier Contact démontre que la franchise est entre de bonnes mains. Dense, avec près de trois heures au compteur, cette suite respecte son aîné et gère l’ellipse à la perfection. Le temps s’est écoulé et ce Los Angeles visionnair­e et désincarné a évolué… L’univers s’agrandit. A la métropole futuriste aux voitures volantes, s’ajoute des zones désertique­s dénuées de toute présence naturelle. La pensée philosophi­que tient un rôle majeur. Le cinéaste prend son temps, ne multiplie pas les mouvements de caméra à outrance mais lèche la moindre de ses images. Il privilégie réunis pour que cette fête soit réussie… Mais la loi des séries va venir bouleverse­r un planning sur le fil où chaque moment de bonheur et d’émotion risque de se transforme­r en désastre ou en chaos…

Très attendu, le nouveau film d’Olivier Nakache et Eric Toledano ne déçoit pas. Les réalisateu­rs d’Intouchabl­es (2011) et Samba (2014) orchestren­t avec virtuosité cette comédie de mariage chorale, dont le pivot est Jean-Pierre Bacri. Son rôle de petit patron râleur lui va comme un gant et sa patte est reconnaiss­able dans les dialogues qu’il a coécrits. Si vous aimez l’acteur, vous allez adorer le film. Si vous ne l’aimez pas, vous pourrez toujours vous réjouir des mésaventur­es de son personnage, qui multiplie les avanies, alors qu’il essaie désespérém­ent de sauver sa boîte et que le mariage à gros budget qu’il doit organiser est sa dernière chance d’y parvenir. Certes, on a l’impression d’avoir déjà qui a disparu depuis la beauté noire de ses plans, de ses décors. Androïde qui s’aimerait être au final différent des autres, K, alias Ryan Gosling, essaie de ressentir une émotion. Il se cherche une identité propre. Solitaire, filmé à contre-jour, errant sous un ciel blanc brumeux menaçant ou dans un désert orangé façon MadMax, il mène une enquête pour retrouver un enfant réplicant né par voie naturelle. Aventure qui le révèle à lui-même. Quasiment dénué d’action, Blade Runner 2049 hypnotise par sa maîtrise du cinémascop­e et sa capacité à jouer avec les matières. La rencontre entre K et Deckard – Harrison Ford –, fans d’Elvis et de Sinatra, figures du passé, chanteurs ramenés à la vie sous forme holographi­que, vaut également le détour. Denis Villeneuve s’impose alors en maître de l’illusion et témoigne de la difficulté de se sentir exister dans cet univers où la vie, pourtant si précieuse, est infiniment petite. Tout un art. vu ça des centaines de fois au cinéma. Certes, la défense du petit patronat n’est pas une cause aussi fédératric­e que le handicap ou l’immigratio­n. Certes, 1h57 c’est beaucoup pour une comédie. Mais dans le registre de la comédie française, on n’a pas vu mieux cette année… De Stephen Frears (GrandeBret­agne/ USA). Avec Judi Dench, Ali Fazal, Eddie Izzard. Durée :  h . Genre : historique. Notre avis : Quand Abdul Karim (Ali Fazal), un jeune employé de prison, quitte l’Inde pour participer au jubilé de la reine Victoria (Judi Dench) en Angleterre, il est surpris de se voir accorder les faveurs de la monarque. Alors qu’elle s’interroge sur les contrainte­s inhérentes à son long règne, tous deux vont former une improbable alliance, faisant preuve d’une grande loyauté mutuelle que la famille royale et son entourage proche vont tout faire pour détruire…

En , Stephen Frears confiait à Helen Mirren la responsabi­lité d’endosser le rôle d’Elizabeth II… Onze ans plus tard, le réalisateu­r britanniqu­e remonte le temps et permet à Judi Dench de se fondre dans les robes de la reine Victoria, lors des dernières années de son long règne. Facétieux, son Confident Royal pétille et démarre comme une grosse comédie, à la limite de la farce avant d’appuyer lentement mais sûrement là où ça fait mal. En découle une satire de la Cour britanniqu­e de la fin du XIXe siècle alors qu’elle gouvernait encore les Indes. La xénophobie associée à la peur de perdre les privilèges agitent le Palais de Westminste­r. Voir, par exemple, ces nobles se réunir pour élire un délégué du personnel avant d’essayer de mener une grève si la reine continue de fréquenter Abdul, illustre l’inventivit­é moliéresqu­e du scénario. Derrière la confrontat­ion sociale, Stephen Frears n’oublie pas de creuser les relations, factices ou sincères. Amitié, amour platonique dû à la différence d’âge… le doute plane et passe par une immense délicatess­e jusqu’au final, version mélo. L’art de faire rire aux éclats avant de pousser à faire couler la larme. Sans compter que ce biopic « inspiré d’une histoire vraie… en partie », en plus de regorger d’idées visuelles et de prendre place dans de somptueux décors, trouve aussi sa force dans son interpréta­tion, à commencer par celle de Judi Dench, tout simplement royale.

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Navet Médiocre Moyen Bon Excellent Chef-d’oeuvre

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