Pour faire vivre le pilou, ils ont une tactique gagnante En vidéo
Une équipe de passionnés mouille le maillot pour que vive le pilou. Un sport aussi étroitement lié au patrimoine niçois que le sont, en matière culinaire, la socca ou le pan-bagnat
Il a bien failli disparaître du paysage niçois, le pilou. Star des cours de récréation dans les années 1950-60, cette pièce de monnaie trouée équipée d’un volant a été éclipsée au fil des décennies. Le vent a tourné, balayant le pilou. À la fin des années soixante, il devient difficile de se procurer les pièces trouées, de 10 ou 20 centimes, essentielles pour fabriquer le jeu. Elles sont vendues seulement dans les brocantes. Alors, il décline. Au risque de disparaître du paysage niçois… C’est sans compter sur d’ardents défenseurs du pilou. Volant à la rescousse de ce jeu de leur enfance, ils mettent alors toute leur énergie à transmettre leur passion. C’était il y a… 30 ans.
Chanté par Nux Vomica
Des démonstrations sont faites en 1987 lors d’Art Jonction par Alain Amiel, Alain Corriéras, André Giordan, avec le concours des artistes Ben et Jean Mas. Puis c’est à Coaraze qu’est organisé par Richard Lazzari, le premier tournoi de pilou. Nux Vomica lui dédie une chanson. Pour donner des ailes à sa renaissance, le groupe niçois chante ce «jeu d’argent qui ne coûte pas un franc », et n’est «pas pour les pédants. » Et ces accros de la pièce virevoltante se retrouvent derrière une devise fédératrice : «Et vive le WWW.NICEMATIN.COM pilou ! », souvent déclinée en niçois : « E viva lo pilo ! » En 2000, les défenseurs du jeu niçois créent
(1) une association : Nissa Pilo. Cette mobilisation au long cours a permis de relancer la «piloumania ». Pour séduire de nouveaux joueurs et que le pilou ne tombe pas aux oubliettes, Ninou, Julien, Elie, André, José et les autres poursuivent le match. Ils ont une stratégie, bien huilée. En trois temps.
Ils jouent pour susciter l’envie
Leur terrain de jeu : les villages du haut pays, la place Garibaldi, ou la promenade des Anglais. Au coeur de la cité, ils font virevolter le pilou. Du pied au genou, de la tête à la poitrine. Un véritable show ! Et voilà près de 20 ans que ça dure. Promenade des Anglais, les badauds s’arrêtent. Touristes, niçois assistent aux « envolées » du pilou. Admirent l’adresse de Julien, Ninou et les autres. Certains trépignent d’essayer. Comme Jacob, 11 ans. Fraîchement débarqué d’Heidelberg, en Allemagne, pour des vacances en famille sur la Côte, il n’a d’yeux que pour cette pièce aérienne. C’est le moment choisi par les « ambassadeurs » du pilou, pour approcher les passants. Resté au bord du « stade », pendentif pilo en or autour du cou, Elie Gallo, 60 ans de jeu au compteur, engage la conversation avec les néophytes. Comment fabriquer un pilou ? «Rien de plus simple». Julien Alquier se propose d’en préparer un en direct. « On trouve ces pièces de 10 ou 20c, de la gamme Lindauer en vente sur internet, on en a un stock ». Il en prend une trouée. «Pile en haut, face contre terre», commente Elie. Julien découpe le volant dans un sac plastique. « Il faut que ça ait la forme d’une goutte d’eau. Vous pliez la base. » En deux temps, trois mouvements, il fait rentrer le morceau dans le trou, « partie pointue vers le haut. Avec un briquet, vous chauffez le plastique, côté face, pour que ça tienne. » Pendant que les parents discutent, Ninou, dit « pieds d’or », fait jouer les enfants. Se livre à quelques démonstrations. Il lâche la pièce, la contrôle du genou. Elle atterrit sur le haut de sa chaussure. «À toi», il la lance vers Alessandro, 4 ans. Le garçon est subjugué. Tout comme Jacob.
Un championnat de ligue
Pour motiver les joueurs, les inciter à se surpasser, un championnat de ligue a été lancé. Il se déroule chaque année. Les compétiteurs s’affrontent. Et gare au faux pas s’ils ne veulent pas redescendre en 2e division ! Ce n’est pas sur la Prom’ que ça se passe, mais au piloudrome du mont Boron. Tous les dimanches. «On a une vingtaine d’équipes», note Julien Alquier. En charge de la ligue. Un championnat du monde, qui est un peu au pilou ce que le Mondial est au foot, se tient chaque année à Coaraze. « Faï Kaga » Chris et Adri ont été sacrés champions 2 017. Laura, 24 ans, évolue en Ligue 2. Accro de ce sport « intense, convivial, à mille lieues du foot business », la jeune femme espère progresser la saison prochaine pour monter en Ligue 1. Si vous avez envie de découvrir leur adresse, rendez-vous au mont Boron. Et l’été prochain, sur la Prom’, Ninou, André, José, Elie et les autres vous attendront, tous les vendredis à partir de 18 h 30 à hauteur du voilier.