Gorbio: la polémique enfle autour d’un tableau de Raza
Alors que la commune s’apprête à vendre une toile du peintre indien pour financer la réalisation d’un parking, le Comité Raza accuse le maire de faire sortir un chef-d’oeuvre du territoire national
Au départ, c’était une séance ordinaire du conseil municipal, ce jeudi 28 septembre 2017. Les élus de Gorbio approuvaient les unes après les autres les délibérations portant sur les manifestations de l’été prochain au village. Jusqu’à celle qui allait enflammer les bancs de l’opposition, cette dernière remettant en cause la vente « dans la précipitation » par la commune d’un tableau de Raza – le peintre indien décédé en 2016 et qui a fait une importante donation de sa collection à Gorbio en 2007. Elle demandait même le report du vote. Précisant d’emblée que ce tableau intitulé La Terre ,une oeuvre de l’été 1971 issue d’un don des Lottier, était non soumis aux clauses de la donation, le maire Michel Isnard répondait que cette vente était motivée par le seul intérêt pour la commune de financer la réalisation d’un grand parking de proximité. Et que trois propositions d’offres similaires étaient déjà sur les rails à hauteur de 350000 €. «Faux!», rétorque, quelques jours plus tard, le Comité Raza, qui monte au créneau depuis la rue Galilée à Paris, où il s’est constitué après la mort du peintre indien.
Une offre à
« C’est clairement un mensonge et une manipulation de la part de M. le maire ! », s’exclame Soufiane Bensabra, le président de ce Comité, qui a pour membre d’honneur Veena Raza Rughoobar, qui n’est autre que la fille du maître. Selon lui, la première offre à une « étrangère – je soupçonne qu’il s’agit d’une cliente indienne – était à 350 000 € ; or, il y a aussi une offre de la Galerie Charraudeau à Paris à 360 000 €, et une offre de Veena à 360 000 € également ». «Le conseil municipal a choisi l’offre étrangère et a alerté la cliente indienne pour que celle-ci remonte à 360 000 €, poursuit le président du Comité Raza. Veena a donc remonté son offre à 370 000 €, offrant ainsi 20 000 € de plus que le montant initial, mais le maire refuse toujours de vendre et privilégie une cliente étrangère au lieu de Veena ou de cette galerie qui permettrait au tableau de rester en France et de pouvoir être réexposé au château Lascaris de Gorbio en toutes occasions. » Évoquant les « conditions opaques » de cette future vente aux allures « dissimulées » et remettant en cause la légitimité de Michel Imbert en tant qu’expert de l’oeuvre de Raza, le Comité Raza se dit être le « seul garant du rayonnement de l’oeuvre de Raza à travers les institutions nationales et internationales ».
« Consternée par l’attitude du maire »
Avec les missions de faire acte d’authenticité de ses oeuvres et de les répertorier dans le catalogue raisonné de l’artiste. « Quel
(1) est l’intérêt de monsieur le maire à agir ainsi ? Non seulement il privilégie la sortie d’une oeuvre du territoire français, mais en plus, il fait perdre 20 000 € aux caisses de la commune », ajoute M. Bensabra. De son côté, Veena Raza Rughoobar se dit, elle aussi, « consternée par l’attitude du maire » et l’explique dans une lettre qu’elle a adressée aux élus de Gorbio: «Motivée par l’achat de ce tableau, je décide de me mettre en rapport avec Monsieur Isnard afin de faire une offre similaire au prix de 350 000 €. Le maire refuse de vendre cette toile en prétextant qu’il l’a déjà promise à un acheteur étranger. Je suis très surprise par cette réponse et me pose sérieusement des questions », avancet-elle, lui prêtant même le rôle de «marchand d’art», «ce qui n’est sûrement pas dans l’intérêt de la commune de Gorbio ou de notre cher pays… C’est une honte, une fuite de capital, à se demander aux fins de quels intérêts ce tableau est vendu. » Enfin, Soufiane Bensabra veut « rappeler que Veena Raza est la fille de l’artiste, l’ayant droit et titulaire du droit moral ». Une polémique qui ne fait qu’enfler dans le village, à l’image de la réputation d’un artiste défunt, dont la cote grimpe depuis sa disparition. « Raza est le plus grand peintre indien abstrait, rappelle Soufiane Bensabra. Et la valeur de ses oeuvres ne fera qu’augmenter. C’est un artiste international et c’est ainsi dans l’histoire de l’art. »