Nice-Matin (Cannes)

La rentrée des Choristes avec Christophe Barratier

Le film avait fait 8,5 millions d’entrées. Treize ans après, voici Les Choristes sur scène. Demain à Nice et samedi à Marseille. Ou le retour d’un metteur en scène prolifique et comblé

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Plus qu’un film, c’est un phénomène. Les Choristes, 8,5 millions d’entrées, deux César et autant de nomination­s aux Oscars. Le poids d’un huis clos mais le parfum des années cinquante et le salut par le chant. Petite piqûre de rappel. 1949, l’arrivée d’un nouveau surveillan­t passionné de musique vient donner un ballon d’oxygène aux pensionnai­res d’un internat écrasés par une sévérité d’un autre âge. Gérard Jugnot, François Berléand, Kad Merad et le jeune Jean-Baptiste Maunier sont à l’affiche. Le casting a tout bon, c’est un énorme carton. Treize ans après, le réalisateu­r Christophe Barratier, qui a signé entre-temps Faubourg 36 et l’une des deux versions de la nouvelle Guerre des boutons, est de retour. Mais sur scène, avec un spectacle musical créé aux Folies Bergère et qui part aujourd’hui en tournée. Tandis que débute, au Palais des Sports, son autre comédie musicale, Jésus, de Nazareth à Jérusalem, sur un livret de Pascal Obispo.

Quel point commun entre Les Choristes et Jésus ?

Il y a toujours un moment où ce qui fait progresser l’homme se retrouve honni. C’est une autre façon de dire que nul n’est prophète en son pays. Dans Les Choristes, le surveillan­t Clément Mathieu essaie de bouleverse­r des règles qu’il juge rétrograde­s, inadaptées. Or, les évolutions ne sont jamais acceptées. S’il y a un point commun, c’est celui-là.

Nul ne sait comment sera accueilli votre Jésus ,maislefilm a suscité à l’époque un débat.

On a un peu exagéré sur l’assassinat dont ce film aurait été l’objet. Au début, il est apparu comme étant sympathiqu­e. Quand il est devenu un phénomène, vendu partout dans le monde, les gens ont commencé à se pencher sur le cas. Même ceux qui n’en avaient pas parlé jusque-là. On s’est demandé s’il n’y avait pas un goût pour la discipline d’autrefois, avec quelque chose de « vieille France », quelque chose de « moisi ». Honnêtemen­t, si je cultivais une certaine nostalgie, je le dirais. J’ai plutôt l’impression que l’on confond l’intérêt pour l’Histoire avec la nostalgie. On a parlé de retour aux blouses et aux punitions ? Les Choristes, c’est exactement le contraire.

Le succès a-t-il provoqué une forme d’agacement ?

Ce serait un peu trop simple. Je pense que cela fait partie du fonctionne­ment de la presse. On veut une voix discordant­e. Si l’on continue à dire « c’est bien » en même temps que les autres, on perd de sa personnali­té. Moi, quelqu’un qui me dit ne pas aimer ce film, ça va. En revanche, le procès en nostalgie est absurde. Le spectacle le prouve : combien d’enfants viennent le voir qui n’étaient même pas nés à la sortie du film !

Comment s’est opéré le passage de l’écran à la scène ? Et pourquoi avoir autant attendu ?

D’abord, je n’étais pas prêt à faire une suite au cinéma. En revanche, adapter le récit à une autre forme d’expression, pourquoi pas ? Ce n’est pas un défi, mais il ne fallait tout de même pas décevoir. La pire des choses eut été de projeter des images du film et de monter quelque chose au milieu, à la façon d’un ciné-concert. Je ne voulais pas faire un produit dérivé. Je n’ai pas fait un copiercoll­er, j’ai vraiment eu le sentiment de partir du répertoire pour faire une oeuvre nouvelle. Et finalement, j’ai l’impression que la vérité de l’histoire était là. Comme si le spectacle avait existé avant le film.

La musique est votre première vocation. Le plaisir y est plus grand qu’à l’écran ?

L’univers n’est pas totalement différent. Et puis, mon père était l’assistant de Jacques Demy. J’ai une photo à trois ans, dans les bras de Gene Kelly. Est-ce que la comédie musicale est pour moi une passion ? Je ne sais pas, je suis né avec.

Finalement, à quoi ça ressemble, Les Choristes sur scène ?

Il y a toute une série de différence­s. Là où le public risque d’être un peu étonné, c’est que les adultes chantent. Mais là, nous ne sommes pas sur le terrain de la performanc­e vocale : le vrai beau chant, ce sont bien les enfants. En fait, j’ai tenté de surprendre les gens sur ce qu’ils attendaien­t. L’émotion. Les personnage­s, hauts en couleur ; je pense à Rachin ou au vieux jardinier. Je n’imaginais pas faire quelque chose de mauvais, mais j’avais peur que certains soient déçus. À la fin, on nous dit merci.

Malgré la difficulté du live et de la distributi­on multiple ?

Effectivem­ent, ce n’est pas tout à fait le même réel tous les soirs. C’est la grande différence. Pas de disque, pas de filet. En vertu des lois sur le travail des enfants, nous avons trois groupes en alternance, issus de la maîtrise des Hauts-de-Seine. Chacun a sa personnali­té, c’est ce qui rend chaque soirée unique.

Avez-vous tenté de convaincre Gérard Jugnot et les autres ?

Je suis allé voir Jugnot. Je ne pensais pas réussir à le convaincre, mais je trouvais normal de lui demander. Je savais très bien qu’il ne partirait pas sur les routes pour deux ans. En plus, on aurait dit : « c’est le film qui revient ». Je trouve ça très bien, d’avoir une distributi­on totalement renouvelée.

 ?? (Photo Franck Fernandes) ?? Christophe Barratier (à droite) sur la promenade des Anglais, au côté du jeune comédien Victor Le Blond qui reprend sur scène le rôle de Pascal Mondain, le trublion de la pension.
(Photo Franck Fernandes) Christophe Barratier (à droite) sur la promenade des Anglais, au côté du jeune comédien Victor Le Blond qui reprend sur scène le rôle de Pascal Mondain, le trublion de la pension.

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