Cancer: la recherche s’ouvre aux soignants À la une
Le département de recherche en soins du Centre Antoine Lacassagne encourage les études destinées à améliorer le quotidien des malades
Non, les médecins n’ont pas le monopole de la recherche à l’hôpital. La preuve en est fournie au Centre anticancer Antoine Lacassagne (CAL) à Nice. Désormais, les métiers du soin (infirmiers, manipulateurs radio, aides-soignants…) ont eux aussi la possibilité de proposer des projets de recherche. « L’objectif est d’optimiser la prise en charge des patients, en s’appuyant sur les observations issues de notre pratique quotidienne », résume Corinne Lanoye, directrice des soins et membre permanent, avec le Pr Frédéric Peyrade et Christine Lovera, du comité de pilotage du Département de recherche en soins (DRES) du CAL, crééilya2ans. Parmi les études en cours, le projet Canyon, dont Marie Claude Borg (cadre de pôle) et Audrey Giannotti, infirmière de coordination en hématologie, nous expliquent la genèse: « Nous avons souhaité analyser l’utilisation et l’impact d’internet chez les patients jeunes, au moment de la découverte de la maladie, mais aussi tout au long du parcours de soins. Nous avions en effet remarqué que les patients, globalement, étaient nombreux à se présenter en consultation avec des documents téléchargés sur Internet. Manque de confiance dans les équipes? Problème de prise en charge? Nous avons voulu comprendre… » Moins d’un an plus tard, et après avoir inclus une cinquantaine de jeunes gens âgés de 16 à 35 ans, les infirmières ne dissimulent pas leur surprise: « Nous étions persuadés que ces jeunes malades consultaient régulièrement les forums, rejoignaient des groupes Facebook. Ce n’est pas le cas; certes, ils s’informent un peu sur internet à l’annonce, mais y vont beaucoup moins, voire plus du tout dès que le traitement est instauré. Ils semblent faire confiance aux professionnels de santé qui les prennent en charge. Finalement, la communication verbale entre l’équipe médicale et le patient suffit à assurer une information de qualité. » L’étude Canyon n’entend pas se satisfaire de ces premiers résultats. « On va établir une liste des sites les plus fréquentés, identifier ceux de qualité, ceux qui ne le sont pas, pour mieux orienter les patients. » Une autre étude, nommée « Bien-être en Unité de soins continus en hématologie » a été conduite, elle, par des aides-soignantes. « Les patients hospitalisés au sein de l’unité protégée souffrent souvent de sécheresse cutanée, relate Julie Oudin, cadre de santé. Avec l’appui de l’industrie pharmaceutique, nous avons évalué une gamme de gels douches et crèmes pour le corps, en mesurant dans le cadre d’une analyse prospective le bien-être ressenti par les patients. On a ainsi pu sélectionner les produits cosmétiques les plus confortables, agréables pour eux, et obtenir leur financement. » « Le métier d’aide-soignant est très dur, insuffisamment rémunéré et pas assez valorisé, alors qu’il est fondamental! Ce travail qui est conduit – et on peut vraiment parler de recherche et d’innovation – permet d’aider à ce que cette profession soit mieux reconnue », commente le Pr Peyrade. Avant de conclure: « Tout cela peut paraître de “petites choses”, lorsqu’il s’agit de pathologies aussi graves. Ce n’est pas le cas: c’e st fondamental pour les patients. Nous, médecins, n’avons pas toujours de réponses à apporter ou d’essais cliniques à proposer. Alors, on pourra toujours parler de réflexions de bon sens, il reste que les soignants ont des idées que nous n’avons pas, du fait de leur place auprès des malades. »