Quand les jambes n’accordent plus le repos Soins Ça commence avec le journal de h
Des milliers de Français, très jeunes parfois, souffrent du syndrome des jambes sans repos. S’il n’y a pas de « remède miracle », la prise en charge est de mieux en mieux codifiée
Fréquent, banal, bénin, le syndrome des jambes sans repos n’en « pourrit » pas moins la vie de ceux qui en souffrent, des femmes en majorité, contraints, dès la nuit tombée, de marcher inlassablement pour soulager des sensations infiniment désagréables dans les jambes. Le Dr Henri Becker, neurologue au sein du service d’exploration fonctionnelle neurologique de l’hôpital de Cannes, s’intéresse depuis de longues années à cette maladie qui affecterait 8 % des Français. La plupart d’entre eux s’accommodent heureusement de leurs symptômes. Mais chez certaines personnes, ils induisent une altération dramatique de la qualité de vie. « Je rencontre des patients qui, depuis 30 ans, sont contraints de faire chambre à part avec leurs conjoints, tant les troubles perturbent le sommeil. Ils déambulent toute la nuit, le partenaire est lui aussi gêné, son sommeil est également troublé… Dans les cas les plus graves, les patients sont tellement désespérés qu’ils envisagent le pire », relate le spécialiste.
À l’âge de pierre
Si la première observation de ce syndrome date de 1 672 (!), l’affection conserve bien des mystères. «On en est encore à l’âge de pierre pour ce qui concerne la physiopathologie de la maladie. » Dans les formes primaires, familiales, dites aussi idiopathiques (sans cause connue), aussi connues sous le nom de maladie de Willis-Ekbom, les bilans réalisés, aussi bien biologiques que radiologiques (IRM…) ne montrent aucune anomalie. Certaines pistes sont néanmoins fouillées : « Certaines patientes manifestent ce syndrome dans la période post partum, suite à un échec de péridurale. Ce qui conduit à imaginer qu’il pourrait y avoir un “interrupteur lombaire ” bas, au niveau des racines nerveuses. » À côté de ces formes familiales qui se déclarent parfois très jeunes, il existe des formes dites secondaires, qui atteignent des patients plus âgés. « Là, on identifie des causes aussi diverses qu’une perte en fer, du diabète, une insuffisance rénale, la prise de certains médicaments… »
Agonistes dopaminergiques
Mais, quelle que soit l’origine, les signes, eux, sont communs à tous les malades. «Le syndrome se manifeste toujours par les mêmes signes : un désir impérieux et irrépressible de bouger les jambes – connu sous le nom d’impatiences – associé à une sensation inconfortable ou désagréable. Ces symptômes apparaissent ou s’aggravent lors du repos ou de l’inactivité, en position allongée ou assise. Le mouvement, l’activité permet de les soulager. À l’exception des formes les plus sévères, la plupart des patients ne présentent pas d’impatiences dans la journée. On a coutume de dire qu’elles débutent avec le journal de 20 h ! » Quid des traitements ? «Il n’y a pas de progrès majeur dans la prise en charge de ce syndrome; on attend toujours la molécule miracle, regrette le Dr Becker. Ce qui a changé, c’est l’utilisation larga manu d’agonistes dopaminergiques, les mêmes traitements que ceux prescrits pour la maladie de Parkinson, mais à des doses beaucoup plus faibles. Ils ont pour but de corriger la dysrégulation du neurotransmetteur en cause dans ce syndrome. Cette dysrégulation est confirmée par le fait que 20 % des patients avec un Parkinson présentent aussi ce syndrome. » Longtemps, selon le neurologue, «on ne savait pas traiter les malades . On donnait de la L dopamine et les symptômes s’aggravaient ; en réalité, comme c’est le cas pour beaucoup de maladies chroniques, il faut y aller très progressivement. » Trois agonistes dopaminergiques ont aujourd'hui une AMM (Autorisation de mise sur le marché) en France pour ce syndrome. Des traitements plus ponctuels complètent cet arsenal. « Dans certaines situations, quand le patient souhaite participer à un événement au cours duquel il sera empêché de déambuler (concert, théâtre…) on lui recommande de prendre un comprimé d’Efferalgan (ou Dafalgan) codéiné dans les 30 minutes qui précèdent la représentation. Généralement, cela lui permet de suivre le spectacle sans ressentir le besoin de bouger. » La codéine jouerait sur le système morphinique endogène.
Des règles hygiéno-diététiques
En cas de carence en fer associée, une supplémentation peut être prescrite. « Le manque de fer pourrait entraver la production de dopamine; en corrigeant cette carence, on peut espérer améliorer l’action des agonistes dopaminergiques. » Outre les médicaments, la prise en charge inclut le respect d’un certain nombre de règles hygiéno-diététiques. « Elles sont très importantes; il est fortement recommandé aux patients de ne pas consommer d’excitants, alcool, thé, café… après 16 h. Ils doivent aussi éviter la prise d’antidépresseurs. Ou alors, s’ils n’ont d’autre choix – beaucoup de patients se disent épuisés, déprimés – il leur est conseillé de privilégier la prise de médicaments le matin, plutôt que le soir. » Dans tous les cas, il est essentiel de consulter rapidement un spécialiste pour confirmer le diagnostic et trouver auprès de médecins spécialistes et d’associations (1) le soutien nécessaire pour ne pas se laisser envahir par ce syndrome. 1. www.france-ekbom.fr/