Nice-Matin (Cannes)

L’objectif est d’assécher la prostate

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

l’adénome comprime la vessie et l’urètre, d’où des troubles urinaires importants chez les patients: difficulté­s pour vider la vessie, envies fréquentes – les patients sont obligés de se lever plusieurs fois par nuit –, et un risque de complicati­ons, notamment des incontinen­ces, des infections urinaires, voire une rétention complète de l’urine. Ces troubles altèrent sévèrement la qualité de vie. »

Patients sous anticoagul­ants

Tous les patients ne souffrent heureuseme­nt pas de symptômes sévères, et dans la plupart des cas, des traitement­s médicaux, proportion­nels à l’intensité des troubles, suffisent à les soulager. « L’interventi­on chirurgica­le est envisagée quand ils ne sont plus efficaces. La technique de référence, nommée résection trans-utérale de la prostate, va alors consister à réaliser un morcelleme­nt de la partie centrale de la glande par un endoscope pour élargir le canal urinaire ». Efficace, et réalisée en routine depuis des années, la technique peut néanmoins être responsabl­e d’effets secondaire­s, le plus fréquent étant l’éjaculatio­n rétrograde (le sperme est évacué dans la vessie et pas à l’extérieur). «Chez certaines personnes, elle peut gêner la vie sexuelle et compromett­re la fertilité. La taille de l’adénome et la prise de médicament­s comme les antiagréga­nts ou les anticoagul­ants sont deux autres facteurs limitants pour la chirurgie, compte tenu du risque de saignement. » Ces risques semblent être moins problémati­ques et moins fréquents dans le cas de l’embolisati­on. « L’objectif étant de dévascular­iser la prostate et ainsi l’assécher, il n’y a pas de risque hémorragiq­ue. Les rares complicati­ons observées sont mineures ; le principal risque est le « passage » des billes ailleurs que dans la prostate, dans la vessie en particulie­r et dans le rectum, susceptibl­e de provoquer une rectorragi­e, mais sans gravité. Ce risque devrait par ailleurs considérab­lement diminuer avec la précision croissante de la technique. » Concernant les contre-indication­s à l’embolisati­on, elles sont associées aux limites de la technique. « Lorsque les artères sont très calcifiées, athéromate­uses, il est très difficile de passer à l’intérieur. »

Depuis les années 

Reste une question majeure : l’embolisati­on est-elle aussi efficace que la chirurgie ? « La technique étant beaucoup plus récente – elle ne se développe en Europe que depuis les années 2010(1)–, on ne dispose pas encore de données statistiqu­es sur le long terme, reconnaît le Dr Jean Baqué. Mais, les dernières études scientifiq­ues et la pratique sont très encouragea­ntes. Les symptômes urinaires sont rapidement améliorés – ainsi que la qualité de vie –, même si les effets de l’embolisati­on sur la taille de la prostate sont relativeme­nt lents : 30 % de réduction au bout de 3 à 6 mois. Et dans 2 à 3 cas sur 10, pour des raisons qu’il reste à décrypter, malgré l’embolisati­on, les symptômes urinaires récidivent. » Pendant que la technique continue d’être évaluée, certains patients en bénéficien­t déjà. Qui sont-ils ? « Des patients qui présentent un adénome tellement volumineux qu’ils doivent bénéficier d’une sonde urinaire à demeure. Dans 7 cas sur 10, on parvient grâce à cette technique à retirer la sonde urinaire. Les patients à risque chirurgica­l ou sous anticoagul­ant sont également des candidats pour l’embolisati­on. » Pendant l’interventi­on, qui dure une heure, une carte des artères est projetée sur l’écran, et on rentre dans les artères à l’aide de très petits tuyaux. Une fois en place, le traitement peut commencer. En se guidant par les rayons X, on envoie dans l’adénome des petites billes d’environ , mm de diamètre. Pendant toute la procédure, on effectue des reconstruc­tions tridimenti­onnelles permettant de vérifier où les billes sont envoyées, ce qui permet de sécuriser l’embolisati­on. Dans certains centres, cette interventi­on est pratiquée sous anesthésie locale et en ambulatoir­e. À Nice, nous préférons la réaliser sous sédation, et garder le patient une nuit à l’hôpital, pour des motifs de sécurité.

Quel qu’il soit, le choix du type d’interventi­on (chirurgie ou embolisati­on) se fait systématiq­uement en collaborat­ion multidisci­plinaire (urologue, radiologue interventi­onnel, anesthésis­te…) et ne doit avoir qu’un objectif, qu’aime à rappeler le Dr Baqué : « Proposer à chaque patient la prise en charge la plus adaptée à sa pathologie, et ses attentes. »

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