Les liaisons secrètes entre alimentation et cancer Prévention L’expert
On a des intuitions mais pas de certitudes. Certains aliments seraient bénéfiques, d’autres moins. Pour autant, rien n’a été formellement prouvé alors prudence « Le jeûne est déconseillé notamment dans le cadre d’une chimiothérapie »
Il n’y a pas un cancer mais des cancers. Selon l’organe touché, selon l’individu, la pathologie n’évoluera pas de la même manière. Mais certaines caractéristiques sont communes telles que la capacité à échapper à la mort cellulaire. » Jean-Ehrland Ricci, directeur de recherche au C3M (Centre méditerranéen de médecine moléculaire) à Nice participait dernièrement à une conférence organisée par le Canceropôle Paca sur les liens entre nutrition et cancer. Des interactions complexes et encore mal connues sur lesquels les chercheurs planchent activement. Le Dr Ricci et l’incontournable spécialiste en nutrition, le Pr Stéphane Schneider, font le point sur les idées reçues.
Il existe une relation étroite entre alimentation et cancer, que l’on sait qualifier et quantifier.
FAUX. Pour le Dr Ricci, il faut avant tout se montrer extrêmement prudent : «onne peut établir de relation linéaire entre régime alimentaire et cancer : le niveau de preuve chez l’homme est encore très faible. » Certes, des études ont été menées chez l’animal mais cela ne permet pas d’extrapoler les résultats à l’humain.
Il faut prendre du recul par rapport à ce que l’on peut lire.
VRAI. Le Dr Ricci se montre critique : « il y a un contraste énorme entre le niveau de preuve et le foisonnement médiatique. Des journalistes ont notamment tendance à tirer des conclusions à partir de certains résultats obtenus sur la souris. Or ce ne sont que des résultats précliniques, cela ne signifie pas qu’ils soient transposables : le métabolisme de la souris n’est pas celui de l’homme en miniature ! »
Il existe une liste d’aliments qui réduisent les risques de cancer.
FAUX. « Pour être clair, et ne susciter aucun espoir vain, voici que l’on sait aujourd’hui avec certitude, affirme le Dr Ricci, il n’y a pas d’aliment miracle qui prévient ou guérit le cancer, il n’y a pas d’aliment cancérigène, il n’y a pas de recette miracle et
des cancers est évitable.
VRAI. Le Pr Schneider le dit sans détour : « % des cancers sont liés à une mauvaise alimentation et % des malades sont dénutris. Parmi les facteurs de risque des cancers, on retrouve le tabac, l’exposition aux produits
Pr Schneider et Jean-Ehrland Ricci
diminuer les apports alimentaires est potentiellement dangereux pour le malade du cancer, en raison des risques de dénutrition.»
Une part non négligeable
Professeur de nutrition et chercheur que cela puisse paraître des chercheurs anglais ont montré que ceux qui consomment exclusivement du bio ne sont pas plus épargnés par le cancer que les autres », relève le Pr Schneider. Cependant, si le bio ne garantit pas l’absence de survenue de cancer, il ne rend pas malade. On peut donc le conseiller, dans la mesure où c’est toujours positif de limiter l’absorption de pesticides et autres.
Le jeûne améliore l’efficacité de la chimiothérapie.
Le Pr Schneider est catégorique : « on n’a jamais prouvé que le jeûne améliorait l’efficacité d’une chimiothérapie. Le patient doit, dans tous les cas, prévenir son médecin et discuter avec lui des éventuels aménagements de son régime alimentaire. La dénutrition en revanche peut avoir un effet délétère sur l’état global. » Un avis partagé par le Dr Ricci, même s’il admet qu’ « il est des cas où des patients pratiquant régulièrement le jeûne ont guéri de leur cancer. Cependant, on n’a jamais mis en évidence le rôle du jeûne dans la guérison. » Sophie Estran est diététicienne au sein du CHU de Nice. Elle rencontre les patients dès l’annonce du diagnostic du cancer. Son rôle est essentiel puisqu’elle veille à ce que les malades conservent un poids satisfaisant. « Il ne faut pas attendre la perte de poids pour prendre en charge une personne mais faire une évaluation nutritionnelle avant le début des traitements. » Pour apprécier les gains et pertes pondérales, elle se base sur le poids de forme, qui sert de référence. « Le patient doit privilégier les repas agréables, variés. Si besoin, il peut fractionner l’alimentation en ou prises sous forme de petits volumes – manger moins mais plus souvent –, ou encore privilégier les aliments énergétiques », indique Sophie Estran. Si malgré ces conseils la dénutrition s’installe, plusieurs solutions sont envisageables : la prise de compléments nutritionnels oraux (il en existe sous différentes formes et saveurs) ou la nutrition artificielle (entérale ou parentérale). La diététicienne cherche à prévenir et limiter les effets secondaires des traitements (troubles du goût, de la déglutition, nausées, vomissements, diarrhées, constipation, etc.) Et après ? Il ne faut pas retomber dans ses éventuels travers et limiter la prise de poids, pratiquer une activité physique et adopter une alimentation équilibrée.