Nice-Matin (Cannes)

Zep: «Lire, c’est ludique!»

Relayée cette année par le ministère de l’Éducation et la presse régionale, l’opération Lire et faire lire vise à donner aux jeunes le goût de la lecture. Zep, le père du héros de BD Titeuf, est l’un des parrains

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

L« ire, c’est réussir». Tel est le message que souhaite faire passer le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer en soutenant, via une campagne de mobilisati­on en partenaria­t avec la presse quotidienn­e régionale, l’associatio­n de l’écrivain Alexandre Jardin, Lire et faire lire, créée en 1999. Lire et faire lire, c’est aussi un programme destiné à développer le plaisir de la lecture, afin de réduire les inégalités. Un programme porté sur l’ensemble du territoire par la Ligue de l’enseigneme­nt et l’Union nationale des associatio­ns familiales, grâce à 17 692 bénévoles (dont 918 en Paca), âgés d’au moins 50 ans. Histoire de créer du lien intergénér­ationnel, et d’en recréer entre la famille et l’école. A l’heure où cette nouvelle opération, qui espère aussi susciter l’intérêt de nouveaux bénévoles (1), partenaire­s et structures, vient d’être lancée, sous l’égide notamment d’Erik Orsenna, de l’Académie française, nous avons recueilli l’avis de Zep, l’auteur du héros de BD Titeuf – l’un des 170 écrivains parrains de cette opération –, sur cet ambitieux projet.

Pour commencer, un mot sur A fond le slip, le tome XV de Titeuf, tout juste paru ?

C’est un album de gags dans lequel Titeuf ne change pas, mais le monde, si, ce qui me permet de renouveler ses préoccupat­ions. Il est toujours aussi curieux des filles, de ce qui l’attend lorsqu’il va grandir. Il est à l’âge,  ans, où il sait très bien que ses parents ne lui disent pas toute la vérité, mais il ignore de quelle nature est le mensonge et il voudrait comprendre. On aborde cette fois des sujets comme Vigipirate, le terrorisme, la laïcité à l’école, le multicultu­ralisme et la théorie du complot, des thèmes sur lesquels j’avais jusque-là botté en touche par crainte qu’ils ne vieillisse­nt trop vite.

Pourquoi êtes-vous parrain de l’opération Lire et faire lire ?

Je trouve extrêmemen­t bien de valoriser ainsi la lecture. C’est triste de constater qu’il y a encore une certaine analphabét­isation en France, donc c’est important de réagir. De redonner l’envie de lire. D’autant que la lecture est quelque chose de ludique avant tout, ce n’est pas une matière scolaire obligatoir­e.

Un tremplin vers l’autonomie, même ?

C’est une prise d’indépendan­ce en effet. Quand un enfant apprend à lire, il s’approprie toute une part de son éducation. Cela représente pour lui choisir ce qui l’intéresse, aller vers les histoires qui vont le faire voyager, et peut-être même lui donner l’envie d’en écrire. L’enfance est par excellence le moment où l’on construit sa vision du monde, sur le présent, et sur le passé aussi. La lecture, c’est voir d’où l’on vient, les histoires qui ont été imaginées avant nous, qui ont été fondatrice­s, qui ont construit notre manière de vivre ensemble, nos sociétés. Vous-même vous êtes construit ainsi ? Je n’ai lu que de la BD pendant très longtemps, mais pour moi il n’y a pas de distinguo, c’est du livre. Je ne fais pas de hiérarchie entre ce genre et la littératur­e. Ça a été un outil de compréhens­ion du monde plus fort que tous les cours. C’est pour cela que je laisse une grande liberté à mes enfants dans leurs choix de lecture.

La BD, un support privilégié pour donner l’envie de lire ?

Bien sûr. Quand j’ai commencé ce métier il y a trente ans, il y avait un clivage très fort avec d’un côté les lecteurs de romans qui ne lisaient pas de BD, et vice-versa. On se mélangeait peu. Le temps a changé cela, ceux qui ont lu Pilote, Spirou ou Fluide glacial quand ils étaient petits sont devenus des adultes parfois auteurs de romans, comme Daniel Pennac, qui a aussi signé des BD.

Jeter des passerelle­s entre les modes d’expression, comme vous le faites, c’est essentiel ?

C’est comme les races humaines, plus on se mélange, et plus on devient intéressan­t et résistant. On parle souvent d’un âge d’or de la BD qu’on situe dans les années -, moi je trouve que ça l’est davantage aujourd’hui.

Pour quelle raison ?

C’était une époque où la BD était très peu variée, il y avait principale­ment deux genres, le réalisme avec Michel Vaillant, Ric Hochet, Blake et Mortimer, et la BD plus humoristiq­ue avec Franquin et l’école Spirou. Aujourd’hui, les jeunes auteurs de BD ont appris le métier en lisant de la bande dessinée franco-belge, américaine, mais aussi des mangas, ils se nourrissen­t de cinéma, de littératur­e, de photo, ils ont une culture plus vaste. On communique davantage entre auteurs, on peut échanger via Internet des dessins en temps réel, ou contacter un scénariste à l’autre bout du monde.

Votre propos, c’est de faire passer avec légèreté des choses assez sérieuses ?

Complèteme­nt, parce qu’on a besoin de rire des choses qui nous inquiètent. Et depuis le début de la série Titeuf, c’est mon credo : refléter la société. J’écris pour tous, y compris les enfants. Mais c’est un peu le problème quand on écrit pour les enfants, on a tendance à écrire pour les siens. On a envie de les protéger, de leur montrer un monde édulcoré. C’est une manière de croire qu’ils ne vivent pas dans le même que nous. Alors qu’ils voient aussi les infos à la télé, les affiches, les SDF, ils ne vivent pas à Disneyworl­d ! C’est souvent le retour que j’ai de mes jeunes lecteurs : Titeuf, au moins, il ne nous prend pas pour des idiots !

La lecture c’est voir d’où l’on vient” L’âge d’or de la BD, c’est maintenant”

1. Si vous souhaitez devenir bénévole de « Lire et faire lire » dans votre région, contacter le 01.43.58.96.27. ou rendez-vous sur www.lireetfair­elire.org

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