La parole libérée sur le sujet ?
L’onde de choc de l’affaire Weinstein a libéré la parole sur les réseaux sociaux. Le gouvernement annnonce un projet de loi contre les violences faites aux femmes. Décryptage et témoignages
La 1ere fois que je suis seule avec mon patron depuis l’embauche, il me dit “je les imaginais plus gros” en matant mes seins... » Edifiants, consternants, révoltants, les témoignages de la sorte n’en finissent plus d’inonder les réseaux sociaux. A l’instar de ce tweet, posté par une internaute azuréenne, les victimes se rebiffent et la parole se libère pour dénoncer, pêle-mêle, les violences sexuelles et le sexisme ordinaire. L’onde de choc de l’affaire Weinstein est passée par là. Et l’Etat, par la voix de ses plus hauts représentants, s’est emparé de ce sujet d’actualité brûlant. Un phénomène auquel le Sud-Est n’échappe pas, loin s’en faut. Décryptage.
Le grand déballage
#BalanceTonPorc. Ce hashtag a secoué Twitter tout le week-end, se hissant au sommet des tendances du moment. Un cyber-déballage XXL impulsé par la journaliste Sandra Muller, inspiré du #MyHarveyWeinstein américain. En 140 signes, des centaines de femmes ont dénoncé leur harceleur, parfois nommément. Parmi les témoignages postés de la Côte d’Azur, on relève celui-ci : «Un “ami, camarade de classe” qui me pince les fesses dans le bus devant ses potes et tout le monde rit. » Ou, plus inquiétant encore : « J’avais 18 ans, j’ai eu la naïveté et la bétise de faire du stop. Mon porc, d’au moins 60 ans, m’a laissée au milieu de nulle part... »
Projet de loi en vue
Dimanche soir, Emmanuel Macron a annoncé sur TF1 la création d’une « police de sécurité du quotidien » chargée prioritairement de lutter contre le harcèlement, « notamment dans les transports », et appelé à «une procédure de verbalisation plus simple, immédiate ». Hier, c’est Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat déléguée à l’égalité hommes-femmes, qui a annoncé dans La Croix un projet de loi pour le premier semestre 2018, consultation citoyenne à la clé. « Ce projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, afin d’abaisser le seuil de tolérance de la société », vise deux objectifs. D’une part, lutter contre les violences sexuelles visant les mineurs : définition d’un âge légal pour leur consentement, allongement du délai de prescription des crimes sexuels. D’autre part, sanctionner le harcèlement de rue : propos salaces, regards appuyés, attitude menaçante... La loi devra définir ce qui relève du harcèlement ou non.
La parole se libère
Sans attendre une nouvelle loi, des outils incitent les victimes à briser le silence. A l’instar de cette convention signée le 24 juin 2016 entre Etat, collectivités et associations dans les Alpes-Maritimes – le département comptait alors le plus grand nombre de décès liés aux violences conjugales. « Des outils ont été fournis aux professionnels, notamment des fiches-réflexes pour aborder ce sujet délicat, explique Natacha Himelfarb, déléguée au droit des femmes et à l’égalité à la préfecture des A.-M. Résultat : depuis 2015, le nombre de plaintes est passé de 1 500 à 1 800. » Natacha Himelfarb cite encore ces « marches exploratoires », en expérimentation à Cannes et Grasse : des femmes arpentent des quartiers sensibles pour illustrer leur insécurité quotidienne. Un sentiment qui ne se cantonne pas aux cités : «100%des femmes sondées ont déjà été harcelées dans les transports ! Il faut que la honte change de camp. Les mentalités sont en train d’évoluer. Les dispositifs d’aide et d’accompagnement existent déjà, et doivent aider à sortir de ce tabou. L’essentiel, c’est d’oser parler. Car ces actes sont extrêmement traumatisants. »
La justice s’en saisit
Plusieurs affaires de harcèlement ont défrayé la chronique sur la Côte d’Azur ces dernières années. La plus retentissante : l’affaire Henri Alonzo, ex-directeur de la société qui gère les parkings de Nice, condamné pour agressions sexuelles à 30 mois ferme en 2015. En 2016, c’est le maire de Bar-sur-Loup qui écope de huit mois avec sursis pour harcèlement. Et puis il y a ces affaires, plus confidentielles mais tout autant traumatisantes. En 2012, un commerçant cannois a ainsi été sanctionné de 24 mois de prison, dont 6 ferme, pour des attouchements sur ses employées. « Ce fut une épreuve pour ma cliente de porter plainte, se souvient Me Richard Borsannino, ancien bâtonnier de Grasse. Mais elle a accueilli la sanction avec soulagement. Elle a considéré que la justice avait fait son oeuvre. Et je pense que cela l’a aidée à se reconstruire... »