Le projet Matisse dilate son oeil sur les planètes Vrai démarrage en
Fruit d’un travail collectif européen, mais conçu et réalisé à l’Observatoire de la Côte d’Azur, cet instrument titanesque va équiper quatre télescopes géants au Chili pour déchiffrer le ciel
Zoom dans le ciel. Gros plan sur l’univers et la formation des planètes. Le projet Matisse, élaboré dans les salles blanches de l’Observatoire de la Côte d’Azur à Nice, va ouvrir l’oeil. Et quel oeil ! Un instrument d’observation titanesque automatisé, aussi puissant qu’un satellite, actuellement en cours de démontage pour être prochainement envoyé au Chili afin d’équiper le Very large telescope (VLT). Autrement dit : un ensemble de quatre télescopes de 8 mètres de diamètre. Jusqu’à présent, on ne pouvait combiner que trois télescopes du VLT. Grâce à Matisse, on mixera les données des quatre. Dans le viseur de cet assemblage d’optiques et mécanismes de précision de haut vol : « Comprendre encore mieux comment les planètes, telles que la nôtre, se sont formées dès les premiers instants », vise Bruno Lopez, astronome et responsable scientifique du projet Matisse.
« Comme un télescope de mètres de diamètre »
Un télescope, c’est comme une pupille. L’appareil Matisse, lui, est comparable à la rétine qui reçoit un signal lumineux. L’engin amènera une double innovation. Un : recombiner la lumière de quatre télescopes et obtenir des images, dont la résolution et la finesse La phase de démontage du projet Matisse a commencé le septembre. Les pièces ont été seront augmentées. « Cela fonctionnera comme si on avait un télescope de 150 mètres de diamètre. transportées par deux camions jusqu’à l’aéroport d’Amsterdam. Ensuite, la compagnie Air » Deux : observer dans le domaine des longueurs d’ondes infrarouges. « Notre objectif est France-KLM les prendra en charge dans un avion-cargo. Cap sur le Chili. Arrivé à Santiago, le chargement sera acheminé, à nouveau par camions, à kilomètres au nord du pays. Dans le désert d’Atacama, là où le ciel est le plus pur au monde. De fin octobre à février, le projet Matisse sera rassemblé, puis installé dans le foyer des télescopes, là où se trouve un laboratoire focal. L’Observatoire de la Côte d’Azur avait été le théâtre d’une année de tests pour mesurer fonctions et performances de l’instrument. Au Chili, de nouveaux tests sur le ciel seront programmés entre mars et fin de l’année. « On pourra alors déduire les performances réelles, annonce Bruno Lopez. Les vraies observations démarreront en . Nous avions commencé en … » d’examiner des poussières chaudes autour des étoiles, car ces poussières racontent l’histoire des planètes de notre système solaire. On pourra comprendre, par exemple, comment l’eau est arrivée sur Terre. » En résumé, plus de détails grossis sur les étoiles et une cartographie de la matière élémentaire. « Les données nous parviendront sous forme numérique que nous devrons interpréter. Elles seront destinées à la communauté internationale : tous les instituts de recherche, toutes les universités. L’instrument va générer des dizaines de thèses de chercheurs de par le monde. » C’est géant !
« Auteurs de l’architecture »
Le projet, collectif, européen, fédère l’Institut national des sciences de l’univers du CNRS, les instituts Max-Planck d’astronomie d’Heidelberg, Max-Planck de radioastronomie de Bonn, l’agence Nova-Astron et l’université de Leiden aux Pays-Bas, l’European Southern observatory, agence européenne pour l’astronomie, basée à Garching, en Allemagne. Côté français, il y a, bien sûr, le laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur. Dans cette aventure plurielle, l’établissement du mont Gros a le premier rôle : « Ici, nous avons été auteurs de l’architecture de l’instrument, conduit le projet, assemblé le dispositif, assuré les tests pour l’Europe ainsi que toute la partie informatique de pilotage de l’instrument et de réduction des données. »
scientifiques
L’innovante odyssée a mobilisé cinquante physiciens, astronomes, ingénieurs de recherche qui ont travaillé quinze ans, accumulé 250 000 heures de travail pour un résultat estimé entre 15 et 16 millions d’euros financés par les organismes impliqués, mais aussi avec l’aide de la Région, du Département, de la ville de Nice. Pourquoi Matisse ? « Nous avons choisi le nom d’une étoile de l’art. C’est aussi un acronyme signifiant Multi aperture interferometric and spectroscopic experiment… Ce qu’on fait est unique et complémentaire du nouveau télescope spatial de la Nasa et de l’Esa, le James-Webb space telescope, lancé en 2018 par les États-Unis. »