Nice-Matin (Cannes)

FOOTBALL Parole d’exter’

Figure de Besiktas, Ricardo Quaresma est l’homme qui a breveté le centre de l’extérieur du pied. A 34 ans, le Portugais est une légende

- MATHIEU FAURE

Dans les écoles de journalism­e, on nous apprend très rapidement à soigner une entame de papier. Alors quand on a décidé de s’embarquer sur la folle histoire de Ricardo Quaresma, on a très vite regretté que le Portugais n’ait jamais évolué avec le milieu allemand Kevin Grosskreut­z, notamment passé par Dortmund. Un duo Quaresma - Grosskreut­z aurait suscité beaucoup de sourire. Mais le destin n’a pas souhaité réunir ces deux garçons sous le même maillot. Tant pis. Pas grave, le milieu offensif portugais du Besiktas possède une histoire suffisamme­nt intéressan­te pour qu’on lui consacre une page entière. Sur la toile, on ne compte plus les vidéos consacrées au numéro 7 stanboulio­te avec toujours le même fil rouge : son extérieur du pied. Transversa­les, passes, contrôles, centres et buts, Ricardo Quaresma est capable de tout faire avec son extérieur du pied. Au Portugal, il existe même une expression pour l’évoquer : « Trivela ». Un geste qui est devenu, avec le temps, la marque de fabrique de Quaresma. Certains y voient une forme d’arrogance mais la vérité est surtout médicale. Petit, Ricardo Quaresma souffre de ce qu’on appelle le genu varum, une déformatio­n des membres inférieurs. Dès son plus jeune âge, Ricardo marche avec la pointe des pieds vers l’intérieur. En grandissan­t, ses jambes vont former un arc de cercle. On a l’impression qu’il a séché au soleil sur un tonneau. Ce qui aurait pu être un handicap va devenir sa plus grande force. L’extérieur de son pied va très vite devenir une surface « naturelle » pour lui. « Quand le ballon vient vers moi, je le prends instinctiv­ement de l’extérieur du pied », se souvient Quaresma dans un entretien

‘‘ accordé à So Foot en 2014. Cette coquetteri­e technique aurait pu ne jamais se retrouver sur des montages YouTube puisque, jeune, Ricardo était fan de karaté mais surtout de rink-hockey, sport très populaire au Portugal, où il excellait. C’est en suivant son frère, Alfredo, qu’il va se mettre au football. Et c’est à cause du frangin qu’il va d’ailleurs être repéré. Un scout du Sporting CP entend parler d’Alfredo mais tombe sous le charme de Ricardo. Et voilà le jeune joueur né du ‘‘côté Benfica’’ de Lisbonne qui part rejoindre le Sporting, de l’autre côté du Tage, le fleuve qui coupe la capitale en deux. À cette époque, le pont Vasco-de-Gama, qui relie les deux rives n’existe pas. Alors les journées sont longues entre le centre d’entraîneme­nt et son domicile pour le jeune Ricardo qui, au centre de formation, fait ses classes avec un certain Cristiano Ronaldo. Originaire d’un quartier populaire de Lisbonne, Quaresma apprend le football dans la rue. Son style transpire l’instinct. Chez les Quaresma, la rue a son importance mais la famille aussi. Ses parents se séparent quand il a cinq ans et son père, d’origine tsigane, lui inculque alors l’importance du socle familial. Il hérite ainsi d’un surnom « O Cigano », le gitan. Au Sporting, il est enfin cadré et le monde entier lui fait la cour. A 20 piges, Barcelone et Manchester United viennent sonner à sa porte. Quaresma ira en Espagne alors que Cristiano Ronaldo filera à United. Pendant toute sa carrière, Quaresma sera le ‘‘CR7 du pauvre’’. En Catalogne, celui que le pays appelle le « nouveau Figo », pense concurrenc­er Ronaldinho, Saviola et Overmars. Pari perdu. La suite ? Des erreurs de casting comme l’Inter de Mourinho ou le Chelsea de Scolari. Il n’y a qu’à Besiktas, entre 2010 et 2013, qu’il se stabilise enfin. « Je suis un joueur d’instinct. Pour être inspiré, j’ai besoin d’être heureux. Or, je me sentais bien à Istanbul. Les supporters déroulaien­t le tapis rouge pour moi. Ils me traitaient comme un roi », dit-il en 2014. Deux ans plus tôt pourtant, Besiktas souhaite le mettre dehors, c’est là qu’il entre en conflit avec le président Fikret Orman. Le boss du club souhaite diviser le salaire de Quaresma par deux afin d’alléger la masse salariale. Refus net du Portugais qui est alors tricard. Interdit d’entraîneme­nt avec l’équipe première et victime d’une campagne de publicité calomnieus­e de la direction, Quaresma est dévasté et opte pour l’exil à Dubaï en janvier 2013 afin de se reconstrui­re... et de gonfler son compte en banque. Deux ans plus tard, il reviendra par la grande porte en Turquie. Istanbul, la ville qui ne brille que par ses extérieurs du pied. Entre les pieds et Quaresma, il s’est toujours passé quelque chose. «Je ne sais pas combien de fois je suis arrivé à la bourre à l’entraîneme­nt parce que je mettais trop de temps à choisir ce que j’allais me mettre aux pieds », déclarait-il en 2014. Des pieds tordus mais des pieds dorés.

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Larmes fatales.

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